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Brèves

Banc Public n° 53 , Octobre 1996 , Isa LAFLEAU



Visage (1)

Kaboul est tombée aux mains de gens à côté de qui les ayatollahs peuvent passer pour d’éminents progressistes. Les entchadorées peuplent les usines et les universités ; mais interdiction est faite dorénavant aux femmes afghanes de travailler et d’aller à l’école. Leur existence sera suspendue à celle du père, mari ou fils qui voudra (ou non), ou pourra (ou non) les nourrir.


Et il leur est plus que déconseillé de sortir. Pour celles qui l’oseraient (et elles ne sont pas nombreuses, regardez les images des marchés de Kaboul à la TV), la tenue de sortie autorisée constitue, sur le plan de la «pudeur» et de l’»honneur», un progrès remarquable sur le tchador ou le simple foulard : il s’agit d’un grand sac informe qui couvre la femme de la tête aux pieds, sans manches, avec une petite grille de tissu au niveau des yeux. On leur retire le dernier vestige d’une existence sociale, le dernier signe de leur humanité (et il me vient à l’esprit que même les nazis n’avaient pas pensé à ça) : leur visage.


Alliés


Quels sont les alliés de ces taliban qui feraient frémir le Prophète (dont la première épouse, et première convertie à l’islam, faut-il le rappeler, fut une femme d’affaires, et dont la dernière mena des hommes à la bataille en Son nom) ? Quels méchants intégristes, fanatiques, terroristes ? Eh bien, euh, si les taliban ont pris le pouvoir, c’est grâce au soutien matériel et moral des Etats-Unis. Qui entendent sans aucun doute embêter l’Iran, proche du régime précédemment en place à Kaboul.


Terrorisme


Explication: cela ferait partie de la lutte contre le terrorisme que les Américains mènent avec tant d’acharnement depuis la chute du communisme. La guerre c’est la paix, disait Orwell, et il est toujours utile d’avoir un ennemi à montrer du doigt. On se souvient du récent sommet contre le terrorisme, qui avait fait une unanimité que n’ont jamais atteinte la lutte contre la famine, le sida, la course aux armements ou le trou dans la couche d’ozone, et débloqué plus de milliards que tous ces dangers qui, eux, sont réels.
Fantasme
Parce que le terrorisme, au contraire de l’intégrisme, semble de plus en plus relever du domaine du fantasme : on se souvient encore du Boeing qui explosa en vol au large de Long Island cet été, dont on crut avoir la preuve qu’il avait été abattu par un missile, et de la bombe d’Atlanta, lors des J.O. Ces deux «attentats» janais revendiqués firent la une des médias pendant assez longtemps. Il y eut beaucoup moins de publicité lorsqu’on découvrit que les traces d’explosifs sur la carcasse du Boeing était dues à tout autre chose, et que la police commença à s’intéresser de près à Richard Jewell, cet employé d’une firme de sécurité qui joua les héros après l’explosion de la bombe d’Atlanta (qu’il aurait peut-être installée lui-même). L’idée cocasse de bandits arabes installés à New York avec des missiles sol-air aura fait long feu.
Pétrole (encore et toujours)
Le gouvernement américain a bien entendu des bénéfices à retirer d’un contrôle accru des opposants politiques, des communautés immigrées, et des groupements anti-américains à l’étranger, mais ce n’est pas tout. Après avoir fait de même pourl’Irak et Cuba, il a voté, au nom de la lutte contre le terrorisme, une loi lui permettant de punir les entreprises étrangères qui investiraient en Iran et en Libye (accusée d’être responsable de l’attentat de Lockerbie, toujours non-élucidé, des experts européens désignant la Syrie comme coupable). Je citerai ici une mauvaise langue1 : «Pourquoi l’Iran ou la Libye ? Serait-il possible que cela ait à voir avec les importants intérêts que les firmes pétrolières européennes comme Total en France, Pétrofina en Belgique, Agip en Italie, Repsol en Espagne et OMW en Autriche possèdent en Libye, où elles ont pris la place des des compagnies pétrolières américaines qui étaient à l’origine de l’exploitation pétrolière dans ce pays, mais qui depuis ont été pour la plupart forcées de quitter la Lybie ? Cela aurait-il quelque chose à voir avec le fait que Total (France) a conclus un énorme contrat avec l’Iran, qui lui donne le quasi-monopole de l’exploitation de pétrole dans le Golfe Persique sur la côte iranienne, tandis que la firme américiane Conoco perdait le marché ? Se pourrait-il que le contrôle européen (et non plus américain) sur l’exploitation pétrolière en Iran et en Libye, qui subvient au total à vingt pour cent des besoins énergétiques de l’Europe occidentale, ne plaît pas aux Américains ?»

Visage (2)

Cela fait longtemps que les soaps américains ont envahis le monde, et qu’ils sont tout doucement en train de le remodeler à leur image. Il s’avère de plus en plus que la couche de fond de teint épaisse, le sourire faux-jeton et la spontanéité soigneusement étudiée ne sont pas seulement l’idéal ésthétique que doit rechercher chaque femme américaine qui se respecte, mais une valeur quasi métaphysique, l’incarnation d’une américanité transcendante ; c’est dans ce sens qu’il faut comprendre les images du récent débat entre Robert («Bob») Dole et William («Bill») Clinton. L’artificialité démagogique des propos et surtout des gestes n’a rien à voir avec une garantie de sérieux, d’honnêteté, de compétence - il ne s’agit que de l’auto-glorification d’une Amérique qui adore se contempler dans le miroir, se prendre pour l’un des héros de The bold and the beautiful, et oublier que ce qu’elle voit n’est que le reflet d’un reflet.



Isa LAFLEAU

     
 

Biblio, sources...

1) Journaal, de nieuwsbrief van Marc Grammens

 
     

     
   
   


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