Selon Michel Onfray, l'affabulation est une «manière fantaisiste ou même mensongère de présenter, de rapporter les faits».
Avant de s'attaquer à Freud, Onfray commence par sa propre biographie: «Agé d'une cinquantaine d'années, il est l'auteur d'une cinquantaine d'ouvrages philosophico-littéraires. Fils d'un ouvrier de laiterie et d'une mère à l'âme intranquille, mal assise dans la vie, depuis certainement ce jour où, juste après sa naissance, un dimanche de Toussaint, elle fut déposée dans un cageot à la porte d'une église» in «La puissance d'exister», Grasset 2006.
Il passa quatre années dans un orphelinat de prêtres salésiens qui le dégoutèrent à tout jamais de toute forme de religion. Dès l'âge de huit ou neuf ans, se souvient-il, plutôt que d'afficher son nom, son vêtement fut frappé du seul chiffre 490…
A lâge de quinze ou seiez ans, il se découvrit trois amis: Nietzche, Marx et Freud, et éprouva, dit-il, trois coups de foudre philosophiques pour:
1° L'Antéchrist de Nietzche (Nietzche qui a écrit « Le Crépuscule des Idoles», longue imprécation contre Jésus et ses disciples),
2° «Le Manifeste du Parti communiste» de Marx,
3° «Trois essais sur la Théorie de la sexualité» de Freud.
Nietzchéen, il le resta toute sa vie, dit-il, Marx lui apprit que tous les hommes ne sont pas égaux, Freud que l'on pouvait parler de sexualit…
Mais, plus tard, le coup de foudre pour Freud se transforma en haine. La destructivité d'Onfray à l'égard de Freud ne recule devant rien. Après les avoir critiqués, il s'approprie certains concepts freudiens, tel un oubli cité par Freud lui-même, que lui Onfray interprète comme un acte manqué.
Il ose même appliquer à Freud des interprétations médicales, heureusement hypothétiques car sa formation n'a vraiment rien de médical… Dans ces critiques, tout y passe: la malhonnêteté intellectuelle, la falsification des résultats: aucun des cas présentés par Freud n'aurait mené à une guérison, bien qu'il prétendit le contraire.
Tout au long de cet ouvrage, très indigeste, où Onfray nous inflige une quantité énorme de répétitions, certaines critiques peuvent être justes, comme celles qui remettent en cause la masturbation comme étant l'origine de beaucoup de névroses, en particulier de l'hystérie, la féminité comprise comme l'absence de pénis chez la femme ou encore comme la possession d'un «pénis rabougri», etc.
Freud a estimé: «Ma force prend racine dans ma relation à la mère».
S'il faut en croire Onfray, lui n'avait pas de mère.
Mais cette comparaison me paraît un peu simpliste. Pourrait-on y voir la source d'un mécanisme d'envie chez Onfray? En tous cas, dans son texte, on ne sait plus très bien qui est qui. Les reproches que Onfray adresse à Freud, indépendamment du fait qu'ils soient fondés ou non, il pourrait très bien se les adresser à lui-même…
Pour terminer son livre, Onfray conclut:
«Mépriser son ½uvre, sûrement pas. Mais la sortir de sa légende pour l'insrire dans l'histoire où elle a tenu sa place un siècle durant, en attendant d'autres propositions qui ne manqueront pas et qui, bien sûr, se trouveront un jour caduques, tel est le sens de cette psychobiographie nietzchéenne de Freud».
Pour comprendre l'ouvrage de Michel Onfray, il est nécessaire, je crois, de faire appel à la notion d'identification projective, définie comme suit dans le «Dictionnaire de la psychanalyse» de Laplanche et Pontalis: «Terme introduit par Mélanie Klein pour désigner un mécanisme qui se traduit par des fantasmes, où le sujet introduit sa propre personne, en totalité ou en partie à l'intérieur de l'objet, pour lui nuire, le posséder et le contrôler».
Pour notre usage personnel, nous préférerions transformer son titre en «Freud ou l'affabulation onfrayienne».