DILEMME DE LA LANGUE EN AFRIQUE DU NORD (V)

Banc Public n° 264 , Janvier 2018 , Kerim Maamer



La langue, vecteur d’influence

 La langue est certainement un vecteur d’influence, pour le meilleur ou pour le pire. La construction du discours nécessite des connaissances, un audit, des lectures. Les débats ont leurs inévitables référencements à des sources universelles ou religieuses. L’exclusivité pour une langue non-dominante se limite à l’anecdotique point- de- vue. Sinon, elle appauvrit les références et la richesse du débat. 

 

Les intentions de la langue sont-elles de s’ouvrir ou de se refermer ? La complexité et l’exclusivité sont des facteurs d’isolation et de protection. Les dictateurs jaloux et défiants ferment l’accès pour perpétuer leur pouvoir. En revanche, les promoteurs appellent à l’ouverture et à la simplification. Tout débat et toute langue passe par une exigence de simplification. Le débat suppose un questionnement et un positionnement. Une langue nécessite une structuration, une grammaire et un alphabet simplifié pour s’ouvrir à l’autre. Combien de studieux étudiants n’ont-ils pas consacré des années d’appren­tissage pour une langue arabe, sans parvenir à une maîtrise de communication, ni même de compréhension !

 

Le référencement identitaire

« Arabe » servirait-il l’intérêt du peuple ? Ben Ali fit certainement ce choix par démagogie, pour faire entendre la bonne volonté de patriote et gagner en popularité. Cependant, les choix personnels s’avèrent différents des choix publics! Nul ne s’offusque de voir la liberté d’un Président de République « arabe » inscrire ses enfants à l’éducation de l’école française ! L’attitude n’est certainement pas nouvelle. Les bourgeoisies nord-africaines ont souvent préféré l’école française, voire, américaine. Les élites se vouaient naturellement à l’école occidentale. Cependant, les choix publics varient selon qu’ils soient destinés pour le peuple, ou pour leurs enfants. L’excellence aurait-elle été disqualifiante pour le peuple? Aujourd’hui, ce peuple prend sa revanche. L’éducation arabisée est arrivée à maturité et elle accède au pouvoir. Une génération de cadres s’exprime en littéraire, impose les symboles religieux, en cohérence avec les prévisions de l’identité nationale!

5.3 DÉCLIN DU FRANÇAIS

 

La décision d’imposer l’arabe fut une stratégie de douce violence pour recaler le français, dans un délai de moyen terme.

 

Un mauvais procès a été fait à la langue française en Afrique du nord, particulièrement en Algérie où la langue est quasi-maternelle. Un filet tranchant sur la plaie coloniale est parvenu à nier le parler originel, rejeter la langue « coloniale », et adopter l’arabe officiel dans les trois pays du Maghreb. Dès 1963, le président Ben Bella disait "nous sommes des Arabes... et il n'y a d'avenir que dans l'arabisme". Il l’a dit, paraît-il, en français ! Pour son successeur, « la Francophonie est un outil d’impérialisme ». Haouari Boumédiene ne laissait jamais transparaître sa parfaite maîtrise de la langue française comme s’il voulait nier toute justification au traumat. Pourtant, la langue française est très influente dans le dialecte algérois. 

Les Algériens disposaient d’excellentes compétences, apportant les plus belles plumes d’Afrique du nord dont l’illustre Kateb Yacine défendait « le tribut de guerre ».

 

Le nouvel État indépendant a défoncé le performant système d’éducation, pour reléguer le français au niveau d’une langue étrangère. Un vaste programme d’arabisation, soutenu avec l’Egypte, visait à imprégner les petits cerveaux dans l’arabisme. Le français disparaissait des écoles primaires. L’expérience algérienne s’est emprisonnée dans le complexe colonial, dans le regrettable désintérêt du monde extérieur. La revendication berbère a fini par réagir. L’Amazigh a été reconnu langue officielle et le français réintroduit dès la deuxième année primaire (2004).

 

FIN


Kerim Maamer

     
 

Biblio, sources...

 
     

     
   
   


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