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Tous à vélo
Banc Public n° 49 , Avril 1996 , Frank FURET
Infestées, enfumées, encombrées et congestionnées par l’automobile, nos villes deviennent irrespirables et dangereuses pour la santé: effet néfastes sur le cerveau, vieillissement de la peau, risques de tumeurs malignes broncho-pulmonaires, problèmes cardiaques dus aux dépassements des seuils d’ozone... L’explosion du trafic automobile (+6% par an), le tout à la voiture, ont entrainé une congestion croissante de la circulation; de plus, l’augmentation du nombre de moteurs diesel pourrait avoir fait des voitures la principale source d’émission de poussières toxiques. Bruit, pollutions, stress, dommages immobiliers, couts en aménagements routiers, encombrements, problèmes de parking: l’automobile parait de moins en moins gérable du point de vue urbain et ne semble plus être un mode de déplacement très rationnellement employé.
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Le vélo fait donc figure d’alternative valable (pour ce qui est des déplacements courts, en tout cas): efficace, peu encombrante, non-bruyante, peu couteuse, la bicyclette mérite notre intérêt en tant que véhicule intelligent, respectueux de l’environnement, peu menaçant pour autrui, économique, rapide, convivial, autonome, et excellent pour la santé. Mais voilà , très peu de nous se déplacent à vélo (2% à Bruxelles pour 40% à Amsterdam), d’où la nécessité d’une politique pour promouvoir ce mode de déplacement. De nombreuses a.s.b.l. se sont attelées à cette tâche. Inter-environnement a organisé en avril 1995 une expérience par ailleurs fort médiatisée: par voie de presse, l’association a appelé une quarantaine de Bruxellois à tenter de se passer de leur voiture, encadrés par des parrains et des marraines chevronnés. L’expérience s’est très bien déroulée, et pendant toute sa durée (1mois), les cyclistes urbains néophytes ont pu apprécier le maintien de la forme, le plaisir, les bonnes sensations, les “good vibrations” que procure le fait de bouger avec son corps, le fait que l’on “sente” plus la ville à vélo, l’occasion de redécouvrir Bruxelles, la convivialité, la rapidité, le sentiment de liberté. Surtout, ils ont constaté qu’avec un peu de pratique, de technique, et d’expérience, rouler en ville ne semble pas dangereux. Par contre, les expérimentateurs ont déploré l’état trop souvent désastreux des voiries (nids de poule, verre brisé), l’intensité et la vitesse du trafic automobile sur les grands axes (ce qui est stressant et insécurisant), la puanteur de l’air en ville à cause des gaz d’échappement, les aménagements insuffisants pour les cyclistes, les pistes cyclables dangereuses, les bandes de circulation trop étroites, les feux rouges trop nombreux, le fait d’arriver peu présentable à son travail, les difficultés pour entreposer son vélo chez soi ou au travail, les complications pour transporter des objets encombrants et enfin la topographie de Bruxelles qui, en cette matière, manque de platitude. Pour ce qui est du comportement des automobilistes à leur égard, les avis des néophytes sont partagés: certains les ont trouvé affables, d’autres les ont estimé goujats. Ceci étant dit, une fois l’expérience terminée, les cobayes ont - pour la plupart - décidé de la poursuivre à titre personnel, estimant que la pratique avait gommé leurs derniers préjugés... Les principales raisons de la non-utilisation du vélo seraient d’ordre psychologique: on s’imagine que le vélo est lent (démenti par l’expérience “Pro Vélo” où furent comparés les temps de parcours d’un usager des transports en commun, d’un automobiliste, et d’un cycliste au départ de différentes maisons communales jusqu’au rond-point Schumann à l’heure de pointe du matin et où le vélo s’avéra le plus rapide), fatiguant (en fait, il semble que l’on s’habitue très rapidement), salissant, peu pratique, peu valorisant en termes d’image et de statut social... Ces représentations découlent d’un manque de pratique: ceux qui s’essayent à la bicyclette se font rapidement une opinion toute différente et nettement plus positive (impression de liberté, sentiment de convivialité et d’autonomie). On peut se demander si ceux qui la dénigrent ne réagissent pas par habitude: ils ne pensent pas “vélo” parce qu’ils ont le réflexe “ auto” ; ces habitudes sont vraisemblablement renforcées par la publicité, l’information, l’éducation (ou le manque d’éducation) et la pratique générale en matière de déplacements. Le manque d’aménagements en matière cyclable, la gestion irrationnelle du trafic automobile, l’absence de parkings pour vélos, de protection contre le vol, et les intempéries confortent la plupart des utilisateurs potentiels dans l’ignorance de l’intérêt d’user d’une bicyclette.
Le G.R.A.C.Q (groupe de recherche et d’action des cyclistes quotidiens)(1) est une a.s.b.l. dont le but est d’augmenter la part de la petite reine dans la circulation; il organise des activités pour se remettre en selle: vélo-école pour (ré)apprendre à rouler en toute sécurité, promenades-découvertes d’itinéraires sûrs et agréables; les membres s’activent à faire progresser la prise en compte du vélo dans les aménagements de voiries, de parkings, dans les écoles et les lieux de travail. Les bénévoles du G.R.A.C.Q se mettent aussi au service de ceux qui voudraient lancer des “ actions-vélo”. Le vélo-école du G.R.A.C.Q à Liège propose des exercices hors-circulation avant de lancer ses élèves dans le trafic; il organise aussi, une fois par mois, une ballade dans la région liégeoise. NoMo (association de Non-Motorisés)(2) réunit des représentants d’associations spécialisées (G.R.A.C.Q., associations de parents, usagers de transports en commun, automobilistes soucieux de l’environnement et des personnes), et a pour but de connecter des usagers qui ont des intérêts différents afin d’évaluer leurs besoins; la philosophie de l’association est que l’on peut être cycliste le matin, tramiste l’après-midi, et automobiliste le soir. L’A.P.P.E.R (association des parents pour la protection des enfants sur les routes)(3) axe ses activités sur la sécurité routière des 6 à 14 ans. L’A.P.P.E.R donne, sur demande, des séances d’information dans les écoles sur le code de la route et les problèmes des jeunes cyclistes. L’A.P.P.E.R a aussi un contingent d’experts cyclistes qui peuvent faire un contrôle technique des vélos des enfants.
Touring-secours(4) organise également des contrôles techniques dans les écoles. La gendarmerie, quant à elle, propose des séances d’information sur la sécurité routière.
Pro vélo (5), a.s.b.l. créée en 1992 par des cyclistes pratiquants, a une double préoccupation: valoriser les connaissances techniques de certains cyclistes pour en faire profiter les pouvoirs publics et organiser des événements ludiques et pédagogiques destinés à promouvoir l’usage du vélo, ”mobilité respectueuse de l’environnement” . Pro vélo est une a.s.b.l bilingue, partenaire des pouvoirs publics mais indépendante, qui a plusieurs pôles d’action: aménagements, événements, éducation, et tourisme. Elle planche sur l’aménagement nécessaire et utile à l’usage du vélo (voiries, signalisation, pistes cyclables...) et réclame en général des aménagements légers; elle organise des événements comme le rallye “ recyclons à Bruxelles” et “ dring-dring” (3eme édition cette année); l’opération “dring-dring” est destinée à promouvoir l’utilisation du vélo dans les déplacements quotidiens vers le travail ou vers l’école; elle a pour but de faire évoluer la perception de la bicyclette en tant que moyen de transport et de marquer les esprits dans ce sens: cette année “ dring-dring” offrira gratuitement, le 5 mai, au Cinquantenaire, un contrôle technique des vélos; une bourse des vélos (venez vendre ou acheter), un parcours d’habileté et de maitrise du vélo, des ballades de découverte guidée des meilleurs itinéraires cyclables de Bruxelles, des expos, des projections de films et des animations sont également au programme. Le 8 mai, de7h30 à 13h30, des stands d’accueil seront organisés dans les 19 maisons communales, au rond-point Schumann, à la place Bockstael; des petits déjeuners gratuits y seront offerts. Pro vélo organise aussi des activités touristiques: tours guidés et voyage à vélos pour “rendre le plaisir du déplacement à bicyclette accessible à tous” ; l’ a.s.b.l. travaille actuellement à la réalisation d’un guide d’itinéraires cyclables tenant compte des déclivités du terrain. Enfin, l’a.s.b.l. a une activité éducative: elle travaille avec les écoles normales dans le but de conscientiser les futurs régents et instituteurs. Pro vélo espère ainsi pousser à l’apprentissage du vélo à l’école (classes vertes, voyages scolaires à vélo...) L’objectif de Pro vélo est de faire passer de 2% à 10%en 2005 le nombre de gens qui se déplacent à bicyclette et ce, donc, par le biais de bonnes campagnes, d’événements populaires et médiatisés (radios, presse, TV). Pour J-L Dewilde, secrétaire général de l’a.s.b.l., il faut comprendre pourquoi les gens ne prennent pas leur vélo (il y en aurait 130.000 à Bruxelles); les enquêtes à l’étranger semblent montrer que l’image du vélo est peu gratifiante; pas mal d’idées toutes faites sont à combattre (peurs, idée qu’il pleut tout le temps, lenteurs...). La bicyclette n’est pas soutenue par une industrie forte. On peut aussi penser que pour la plupart des gens, rouler à vélo, c’est être hors-normes, il faut donc transgresser une barrière psychologique. Le phénomène est appelé à sortir d’une certaine marginalité. A l’étranger, il existe pas mal de mesures destinées à encourager l’usage de la petite reine: aménagements de parkings vélos, douches accessibles au personnel, casiers vélos, mesures fiscales, services d’entretien et de réparation gratuits dans les entreprises et les administrations, dédommagement conséquent des usagers etc... La bicyclette peut aussi être un moyen de transport pour les entreprises comme Cyclone, société de courrier express, ou la poste fédérale allemande qui dessert encore 30.000 districts par des facteurs à vélo; dans certains secteurs industriels, le vélo est aussi utilisé pour le transport des petits colis, où il est apprécié pour son efficacité et sa rapidité. La notion de moyen rationnel de déplacement implique une réflexion avant chaque trajet. La moitié des déplacements en voiture font moins de 5 km, et les deux tiers moins de 8 km; dans ce cas le vélo semble plus indiqué et tout le monde aurait à y gagner de l’espace et du temps.
La renaissance du vélo en milieu urbain dépend de multiples facteurs; outre les mesures techniques de terrain attractives et sécurisantes, il faut améliorer l’image que la population se fait du vélo; volonté politique, information, éducation, et volonté populaire sont des conditions nécessaires à la propagation de l’usage de la petite reine
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Frank FURET |
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Biblio, sources...
1) GRACQ - Bruxelles: 16 rue Marcq,1000 Bruxelles, 02/ 223 01 01 -Liège: M. Murzeau, 78 rue de Pierluse, 4040 Herstal, 041/64 83 94 (2) NoMo: 20bte29, avenue de l’Arbre ballon,1090 Bruxelles, 02/345 62 92 (3) APPER: 02/360 24 20 (4) Touring-secours:0 2/233 22 11 (5) Pro-Vélo: 32,rue Ernest SOLVAY,1050 Bruxelles,02/5027355
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