Cette étude plaisante à lire n´épuise pas le sujet, mais l´illustre notamment par des exemples flamands qui nous sont moins familiers.
Les racines du wokisme sont à trouver, pour l´auteur, dans le postmodernisme des années '60, qui remet en cause le rationalisme et l´esprit des Lumières (au prix de graves dérives épistémologiques : voir Alain SOKAL et Jean BRICMONT, Impostures intellectuelles, éditions Odile Jacob, 1997, qui part d´un canular paru dans une revue de sociologie trente ans avant l´exemple cité par DE WEVER, p.135).
Le wokisme consiste dans "l´attaque contre ce que nous étions" : la révision de l´histoire (l´accueil mitigé réservé à la fresque de Bart VAN LOO sur les ducs de Bourgogne Les Téméraires, 2019, traduit en français chez Albin Michel, pourtant remarquable d´objectivité et de contextualisation) et la culpabilisation de l´Europe (l´esclavage est de tous les temps, homo homini lupus, l´Europe ne l´a pas inventé, mais y a mis fin, pp.38-39); mais aussi dans "l'attaque contre ce que nous sommes", et de renvoyer aux critiques d´une certaine intelligentsia contre son livre Over identiteit, la série documentaire de la VRT Het verhaal van Vlaanderen ou le fameux "canon flamand". Or, "tous les pays qui n´ont plus de légende seront condamnés à mourir de froid " (Patrice de la TOUR du PIN, Une somme de poésie, Ve livre : La quête de joie. Prélude). Et d´ajouter méchamment : "En tant qu´État-nation déchu, la Belgique est exempte de toute critique post-moderne...parce qu'il n´en émane rien d´autre qu´une absurdité non menaçante" (p.53).
Un autre trait : "la nouvelle ségrégation entre bourreaux et victimes". Il nous semble d´ailleurs que le héros contemporain est la victime, pas toujours innocente d´ailleurs (George FLOYD...).
DE WEVER relève ensuite "la liberté devenue l´ennemi" : il est en effet extrêmement préoccupant de voir que des classiques de la littérature sont « corrigés » de leurs mauvaises pensées ou que des orateurs sont interdits de tribune dans l´enceinte même des universités, lieux par excellence de la parole libre, parce qu´ils pourraient gêner certaines sensibilités, alors que ce sont précisément les opinions qui choquent ou dérangent, qui méritent protection.
L´auteur stigmatise encore, de manière plus discutable, "l´effondrement de la foi dans le progrès" et surtout le "dérapage néolibéral" : il lui sied bien de désapprouver en doctrine ce que la politique du parti et de ses ministres met en pratique!
On le rejoindra par contre dans la dénonciation de "l´aveuglement géopolitique" consécutif à la chute de l´URSS (pp. 107-111). Enfin l´annexe consacrée au "wokisme à l´université" (flamande) fait frémir...
Bref, un livre utile, agréable, qui ne prétend pas à la rigueur scientifique, mais qui mérite surement l´anathème ! En particulier, de ceux pour qui le wokisme... et le franglais (voir les linguistes atterrés) n´existent pas!