Cependant, il occulte une dimension importante de la situation: celle de la hausse générale de productivité. La productivité est en lien avec les notions de rendement et d'efficacité et a un rôle clef dans la compréhension de la façon dont les actions humaines (à l'échelon micro ou macro) contribuent à ce que nous appelons le progrès, le développement ou la croissance économique. Les progrès techniques ont induit une augmentation du volume global de la production nationale et du niveau de vie et modifié la durée du travail, l'enseignement, l'élévation des âges scolaires, la répartition de la population active, les prix et par conséquent le pouvoir d'achat.
Le gain de productivité donne lieu à la création d'un surplus qui peut être distribué aux salariés (hausse des salaires, prime, promotion, baisse de la durée du travail…), à l'entreprise (augmentation des fonds propres, financement des investissements), aux actionnaires (hausse des dividendes) ou aux consommateurs (baisse des prix, augmentation des garanties...).
La productivité du travail est définie comme la production (quantité de biens ou de services produits) obtenue pour chaque unité du facteur de production «travail » utilisé.
Par exemple, si le travail est mesuré en nombre d’heures travaillées, la productivité sera égale au ratio entre la quantité produite sur une période temporelle (un jour, une semaine, une année) et le nombre total d’heures travaillées par les employés pendant cette période.
Un autre ratio est calculé en divisant la valeur des biens produits (chiffre d'affaires) par le coût de la main-d'œuvre.
La hausse de la productivité est due à plusieurs facteurs: l'organisation du travail, la motivation, la performance du matériel, l'environnement de l'entreprise, le climat social, l'expérience et la qualification, la responsabilité et la confiance… Pour les économistes, le terme «technologie» est souvent utilisé, dans un sens large, pour englober tout ce qui détermine la productivité.
Mais l'amélioration de la productivité provient essentiellement du progrès scientifique, que ce soit dans les sciences exactes (informatique, électronique, ...) ou humaines (gestion, ...).
De nombreux auteurs ont débattu des effets positifs et négatifs de la productivité sur l'emploi. La plupart des économistes considèrent que l'augmentation de la productivité a des effets complexes sur l'emploi : effets positifs et/ou négatifs en fonction du temps, des secteurs, des pays. Elle doit donc être appréciée comme étant un facteur parmi d'autres.
La théorie défendue par J. Mill, Mac Culloch, Torrens, Senior, J.-St. Mill, et d'autres estimait que la mécanisation de l'industrie conduirait certes au remplacement d'ouvriers par des machines, mais aussi rendrait disponibles les moyens de subsistance de ces ouvriers à d'autres ouvriers, ou aux mêmes ouvriers, qui s'engageraient dans une autre industrie. Il y aurait donc, selon ces auteurs, «compensation».
Marx répondait alors à cette théorie que les ouvriers licenciés, avant de retrouver un emploi, se retrouvent au chômage, et donc incapables de s'acheter les mêmes moyens de subsistance qu'ils pouvaient auparavant ; que, spécialisés dans une tâche qu'ils connaissaient bien, les chômeurs peinent à trouver un métier à la hauteur de leur ancienne qualification et sont souvent réduits à prendre un emploi inférieur. Ainsi pour Marx, s'il y a «compensation», elle n'est ni immédiate, ni homogène parmi les travailleurs.
Marx cite cependant plusieurs cas où l'augmentation de la productivité mène à l'amélioration du taux d'emploi. Pour prendre un exemple contemporain, supposons que la croissance de la productivité permette de produire quatre fois plus d'automobiles avec le même nombre d'ouvriers ou même avec un nombre d'ouvriers inférieur. Il faudra alors quatre fois plus d'acier pour les produire et quatre fois plus d'essence pour les faire rouler, ce qui signifiera une augmentation de l'activité dans ces secteurs.
Selon Jean Fourastié, l'équation fondamentale de l'équilibre économique est donnée par la relation : Emploi = consommation / productivité, où l'emploi est en longue période la variable d'ajustement. Les hommes qui produisent de plus en plus de biens avec de moins en moins de travail ont le choix entre produire plus et consommer plus (arbitrage en faveur du niveau de ou de ne pas produire plus, de travailler moins, et donc de ne pas augmenter la consommation).
Pour Alfred Sauvy, la productivité est à la base de sa théorie du déversement, selon laquelle les emplois, par le biais du progrès technique, se "déversent", c'est-à-dire que des emplois sont détruits dans un secteur au profit d'un autre secteur d'activité. Empiriquement, c'est le secteur primaire qui a le plus souffert de la destruction d'emplois causée par le progrès technique, avec une baisse de 57% entre 1978 et 2004 pour l'agriculture notamment. Quant à la création d'emplois, elle s'est principalement opérée dans le secteur tertiaire, c'est ce que l'on nomme la tertiarisation. En longue période, le progrès de la production butant sur la capacité des marchés et des consommateurs à absorber le volume croissant des produits, conduit à la réduction des effectifs du secteur primaire agricole, puis du secteur secondaire industriel. Les travailleurs sont contraints par un mouvement de déversement continu.
La question qui se pose actuellement, c'est celle de l'impact de la productivité sur les activités tertiaires et les effectifs qu'elles emploient. Le progrès technique, qui entraîne l'amélioration de la productivité, a donc des effets considérables sur l'emploi tant au niveau quantitatif que qualitatif. Que sera l'étape suivante ? L’émergence d'un secteur quaternaire ? Ou une réduction du temps de travail (qui inclut le temps de pension) généralisée?
En 1933, Albert Einstein expliquait que la mauvaise utilisation des gains de productivité des années 1910-1925 était la cause fondamentale de la crise: «Cette crise est singulièrement différente des crises précédentes. Parce qu’elle dépend de circonstances radicalement nouvelles conditionnées par le fulgurant progrès des méthodes de production». «Pour la production de la totalité des biens de consommation nécessaires à la vie, seule une fraction de la main-d’oeuvre disponible devient indispensable. Or, dans ce type d’économie libérale, cette évidence détermine forcément un chômage (…). Ce même progrès technique qui pourrait libérer les hommes d’une grande partie du travail nécessaire à leur vie est le responsable de la catastrophe actuelle», écrivait Einstein avant de demander une «baisse de la durée légale du travail»
Alors qu’il avait fallu cent quarante ans pour que la productivité soit multipliée par deux entre 1820 et 1960, elle a depuis été multipliée par CINQ. La révolution industrielle du XIXe siècle ou l’invention du travail à la chaîne au début du XXe siècle sont des gains de productivité presque ridicules au regard de ceux réalisés depuis trente ans. Grâce à la multiplication des robots et des ordinateurs, la productivité du travail humain a progressé de façon inouïe. Le phénomène est mondial. Entre 1970 et 2008, le produit intérieur (PI) a plus que doublé : + 150%. Mais, dans le même temps, grâce aux gains de productivité, le besoin total de travail a diminué puisqu’on produit beaucoup plus avec moins de travail. Traditionnellement, on considère que les gains de productivité sont inégaux selon les secteurs. Certains services sont toutefois susceptibles de connaître des gains de productivité importants, notamment du fait de l'informatisation.
33,7 heures de durée moyenne aux Etats-Unis. 31,4 heures de durée moyenne aux Pays-Bas. 30 heures de durée moyenne en Allemagne… Pour certains analystes, il faut en finir avec les faux débats ; si l’on intègre les gains de productivité colossaux réalisés dans toutes nos économies depuis 40 ans, le débat n’est plus «pour ou contre la réduction du temps de travail ?» mais plutôt «quel type de réduction du temps de travail ?» : RTT organisée par le marché (précarité, stress et concurrence permanente) ou RTT organisée par le débat, le référendum et la négociation ?
Banc Public s'interrogera prochainement sur la notion de «gain négatif de productivité » ainsi que sur ses facettes environnementales et qualitatives.