Cette manifestation est l'occasion de présenter au grand public quelques ½uvres inédites, d'un jeune illustrateur bruxellois mort à la guerre. Georges Royen a laissé une quantité impressionnantes de croquis, d'esquisses, de dessins, de peintures, d'aquarelles… une ½uvre picturale de très haute qualité. L'artiste était appelé à un grand destin, si les évènements de l'histoire n'en avaient pas décidé autrement. Dés l'invasion allemande, le jeune étudiant de l'ULB s'engage patriotiquement dans la résistance. Arrêté en 1941, emprisonné à St-Gilles et déporté dans un camp durant toute la guerre, Georges Royen meurt en détention le 8 juin 1944.
Â
Une partie de la production picturale du jeune artiste est restée protégée dans une armoire de sa maman pendant près de 50 ans. La mère ne souhaitait pas remuer les souvenirs douloureux qui ont emporté fils, père et nombreux amis engagés pour la Libération. Il fallut toute la diplomatie, la délicatesse et la patience de Pierre Verly pour persuader Mme Royen d'un intérêt à ouvrir cette armoire pour faire connaître les ½uvres et le talent de Georges Royen.
Dans les dessins de jeunesse, l'artiste avait pour principale inspiration l'armée. Il a représenté différentes armées de différentes époques. Les uniformes du premier Empire ont grandement inspiré son ½uvre, ce qui explique l'intérêt de « l'Association belge Napoléonienne » pour cet illustrateur dans l'organisation de leur exposition. Mais la panoplie de l'artiste est beaucoup plus large. Elle pourrait satisfaire les goûts d'un large public et mériterait une exposition pour le seul artiste. Les organisateurs de l'exposition ont été placés dans l'embarras pour sélectionner les sujets et mettre sous verre des ½uvres aussi variées.
Georges Royen avait une grande curiosité. Il s'intéressait à tout et transposait sur feuille tout ce qu'il voyait. Ainsi, à plusieurs reprises, il a illustré le cheval à travers les courses, les sauts d'obstacles ; aussi les paysages de France, des portraits. Il a imaginé des tenues. A un certain moment de as vie, le jeune Royen s'intéresse aux femmes dont il reproduit les portraits. Parfois, il les dessinait nues mais la pudeur et les interdits de son éducation rigoureuse l'amenaient à camoufler ces dessins dans le grenier de la maison. La maman les retrouvera longtemps après sa mort, lui rappelant cruellement que son fils n'a pas eu le temps de vivre sa vie d'homme.
L'½uvre de cet autodidacte explose d'imagination. Il dessine surtout des êtres en mouvement, rarement des êtres figés. Il parvient à enregistrer tous les détails d'un mouvement éphémère et à le retranscrire parfaitement. Les personnages, les animaux, sont en mouvement. Ils ont des comportements et des expressions que l'artiste imprègne dans une image finale. Dans « tenues de campagne », les hussards vivent leur mission. Dans « Cours d'escrime », les personnages ont des positions physiques si strictes qu'un maître n'aurait rien pu y dire. Dans « charge du cavalier », un personnage à cheval surgit menaçant à la face de l'observateur. En quelques traits, en quelques tons, en quelques couleurs le cavalier réel surgit du papier. Les images du désert ont inspiré l'artiste où le mélange des oranges et des rouges laissent une pesanteur du climat désertique tel qu'il l'imagine. Il n'a jamais été en Afrique du Nord mais, fasciné par les exotismes, il représente des villes du désert telles qu'elles ressortent de son imagination et des récits.
Georges Royen était doté d'une mémoire phénoménale qui lui permettait de surprendre un mouvement éphémère et le retranscrire avec fidélité. Il dessinait directement à l'encre de chine, en un mouvement continu ave rapidité. Certaines figures sont chronométrée à 50 secondes, 1mn 30, 3 mn pour ces joueurs de polo. On est perplexe devant cette rapidité.
Il avait encore la possibilité de retranscrire la parole en art scriptural. Ainsi, il parvient à recréer des scènes aussi exceptionnelles que cette copie d'une manifestation rexiste à Bruxelles. C'est le croquis présenté au prestigieux concours de l'école de Paris pour lequel il obtient le premier prix. En peu de traits, il parvient à rendre compte de la manifestation et tout y est.
La dernière partie de la représentation est consacrée à la guerre. On y voit un dessin prémonitoire de soldats allemands qui viennent arrêter de jeunes gens. Georges Royen avait été arrêté par la Gestapo en 1941 et transféré au camp d'Esterwegen. Les ½uvres de prison sont celle de l'artiste entré en maturité politique. Elles expriment les sentiments durant une période pénible de l'histoire. On dit que dans ces camps de souffrance, l'artiste ne reproduisait pas des images de misère ou de tristesse mais il laissait une vision optimiste d'espoir, de plaisirs, d'aspirations à la joie. Tant d'émotions qui réconfortaient le moral de ses compagnons d'infortune. On dit que dans sa cellule, il dessinait et peignait sur les murs et sur tout ce qui pouvait se gratter. Un de ses derniers dessins a été produit sur du papier toilette.
Sa cellule était surnommée la « cellule du peintre » et devint lieu d'exposition. Qu'en reste-t'il aujourd'hui ? Reste-t'il des traces des dessins de prison? L'ensemble des ½uvres de George Royen est-il connu, évalué, valorisé ou préserv dans un souci de continuité de la mémoire et du souvenir?