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Prix Charles Spaak 2006 du scénario
Banc Public n° 155 , Décembre 2006 , Laurence VAN NYPELSEER
On connaît généralement les acteurs principaux d’un film, parfois le nom du réalisateur. Mais qui connaît le nom du scénariste ? Pourtant, le scénario est la clé de voûte d’un film, sur lequel se basent les autres éléments. Certains scénarios ont même une grande valeur intrinsèque, en dehors du film qui sera réalisé. Pour mettre en valeur le scénario en tant que genre littéraire à part entière, l’Université Européenne d’Ecriture a créé le prix Charles Spaak qui récompense chaque année le meilleur scénario. Cette année, il a été décerné à une ½uvre de Jean-Louis Milesi.
Le scénario primé
« Mickey Souris » raconte l’histoire d’un jeune enfant de 7 ou 8 ans, seul, qui s’intègre dans une petite communauté d’enfants des rues. Ceux-ci se retrouvent, un peu malgré eux, engagés comme enfants-soldats et sont entraînés aux techniques de combat. Aucun de ces enfants n’a de prénom. Ils se font appeler par l’inscription qui orne leur T-shirt : Zidane, Adidas, Tahiti… Dans cet univers, le film est construit comme un conte initiatique: Mickey, né d’un viol de sa mère par un militaire, a été dressé par celle-ci à la vengeance. Muet, il a un seul but dans la vie : trouver son père et le tuer. Il va, au travers de relations et de situations poignantes, grandir et, peut-être, s’ouvrir au monde. Dans un cadre extrêmement violent, le scénario frappe par la force de vie, de relation et de tendresse qui ressort des rapports entre les enfants.
Notons un très beau personnage, Zidane, garçon manqué qui, sous des dehors secs, protège ses jeunes compagnons.
Le fait que le personnage central du film soit muet est un élément déterminant du scénario: comment mettre en valeur et faire entendre la voix d’un personnage qui ne parle pas? C’est un défi qui a particulièrement intéressé Jean-Louis Milesi. Il le fait entre autres au travers de certaines images très fortes et symboliques comme la grande tache sur l’½il que Mickey à héritée de son père et qu’il n’arrive pas à effacer, ou le sabre lumineux que Mickey ne lâche pas. Extrait : « Le gamin baisse la lame, affichant sur ses lèvres un sourire angélique qui semble plus grand que tout son visage. Mais ce n’est pas ce sourire qu’observe la fillette, ce n’est pas ce sourire qui la fait reculer et rejoindre vivement ses parents. Non. C’est une tache de vin qui entoure complètement l’½il gauche du gamin. Une tache qui dessine la carte d’un pays imaginaire dont l’½il serait une étrange mer intérieure. »
Très agréable à lire, le scénario laisse une grande place à l’imaginaire. Ainsi, les lieux ne sont pas décrits avec précision et le film pourrait se dérouler dans presque toutes les régions en guerre du globe. Le texte contient très peu d’indications techniques. Interrogé à ce sujet, Jean-Louis Milesi explique qu’à ses débuts, ses scénarios étaient remplis d’explications précises : positions des caméras, description des plans etc. Petit à petit, à la lumière de sa longue expérience et de ses collaborations avec des réalisateurs, il a créé des scénarios plus épurés qui laissent une ouverture et une liberté au réalisateur... et au lecteur
Ecrit et remanié sur une période de treize ans, ce scénario tient particulièrement à c½ur à Jean-Louis Milesi. Il aimerait si possible, le réaliser lui-même. Il est aussi en train de préparer un roman à partir de l’histoire.
Qui est Jean-Louis Milesi ?
Né en 1956, Jean-Louis Milesi a travaillé comme monteur puis écrit des scénarios de «26 minutes» pour TF1. En 1986, il commence à travailler avec Robert Guédiguian. Il est l’auteur des scénarios de «A la vie, à la mort», «Marius et Jeannette», «Marie-Jo et ses deux amours»… Dans ses films, ont trouve souvent de grands thèmes sociaux abordés très simplement au travers de la vie quotidienne de quelques individus, leurs sentiments et leurs relations. Ses personnages, souvent attachants, sont profondément non conformistes. Auteur complet, Jean-Louis Milesi a écrit des pièces de théâtre, des chansons, réalisé des films, dont «Nag la bombe».
Le prix Charles Spaak
Créé en 1991 par l’Université Européenne d’Ecriture, le prix Charles Spaak récompense un scénario d’un film qui n’est pas encore réalisé.
Né à Bruxelles en 1903, Charles Spaak fut pendant trente ans l’un des scénaristes les plus importants du cinéma français. On lui doit entre autres les scénarios de «La Kermesse héroïque» et de «La grande Illusion». Le prix Charles Spaak a pour but de promouvoir le scénario comme genre littéraire.
L’Université Européenne d’Ecriture
Située à Bruxelles, l’Université Européenne d’Ecriture organise depuis 1989 un curriculum d’écriture créative et d’écriture de scénario (pour le cinéma, la télévision, la radio…) L'U.E.E s'intéresse particulièrement à Charles SPAAK. Elle publie notamment ses oeuvres dans sa revue, Les Cahiers du Scénario et d'Ecriture Créative. La Chaire Charles SPAAK de littérature comparée lui est dédiée, et elle organise tous les ans le Prix Charles SPAAK du meilleur scénario, ouvert au grand public.
Laurence VAN NYPELSEER |
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