?> IN MEMORIAM LUCIENNE COX 1928-2025
IN MEMORIAM LUCIENNE COX 1928-2025

Banc Public n° 312 , Mars 2025 , Catherine Van Nypelseer



 

 

 

Quatre mois après avoir fêté les 97 ans de Maman, nous voici à nouveau réunis, cette fois hélas pour lui dire Adieu. Elle nous a quittés exactement au même âge que Papa : un siècle presque ! Et avec la même volonté inaltérée de continuer à vivre - chacun de son côté depuis la fin des années 1980, après 30 ans de mariage.


Aucun des deux ne se lamentait sur ses forces perdues, préférant les utiliser pour continuer à profiter de la vie.

 

Maman venait d’une famille bourgeoise. Enfant unique d’un couple rapidement divorcé, elle avait vécu une enfance tiraillée entre ses deux familles – combien de fois ne l’ai-je entendu dire « trois jours et demi chez mon Père, trois jours et demi chez ma Mère… ».

 

Notre Grand-Père Jacques Cox avait en effet renoncé à la femme qu’il aimait car elle était catholique et lui libre penseur, et il craignait qu’ils ne puissent s’accorder sur l’éducation des enfants.

Assistant à l’ULB, il avait ensuite épousé l’une des rares étudiantes en math-physique de l’époque, Yvonne Knudsen.

 

Ces tensions ont vraisemblablement contribué à l’intérêt de Maman pour la psychologie, discipline naissante à la fin de ses études de philosophie. Je me souviens qu’elle nous racontait avoir hésité à se lancer dans des études de médecine, puis y avoir renoncé après une rencontre organisée par son père – entretemps devenu recteur - avec une femme médecin « qui ressemblait à un cheval », à laquelle elle n’avait donc pu s’identifier.

 

Terminant ses études au Centre de guidance des étudiants de l’Université libre de Bruxelles, elle y tomba amoureuse d’un assistant, le Docteur Jean-Louis Van Nypelseer. Elle était rentrée chez son Père en larmes, lui confiant qu’elle était « tombée amoureuse d’un homme marié ! » - qui avait deux enfants, Pierre et Anne.

 

Quand j’étais petite, ils venaient le dimanche à l’appartement que mes parents louaient rue Van Eyck, où Papa exerçait sa profession de psychanalyste.

 

Ce nouveau couple formé par mes parents mit un certain temps à se stabiliser ; tombée enceinte alors que mon Père n’était pas sûr de ses sentiments, Maman décida d’avorter – clandestinement à l’époque. Elle me disait toujours que ça ne lui avait « rien fait », ce que j’avais difficile à comprendre tant elle désirait des enfants et était amoureuse de mon Père !

Pour moi, c’est une facette de son caractère fort, et de son intelligence psychologique : la psychanalyse a établi l’importance pour l’épanouissement de l’enfant de la « présence du père dans le regard de la mère », lui permettant un développement indépendant après 9 mois de relation fusionnelle.

 

Après leur mariage, elle craignit pendant 2 ans d’après Papa que cette intervention n’ait altéré sa capacité reproductive. Pendant sa grossesse enfin survenue en 1958, elle m’attribua une chanson, en vogue à l’époque : « Ma petite comme l’eau », L’Eau vive de Guy Béart que vous entendrez bientôt.

Peu après la naissance de mon petit frère Jean-Marc cinq ans plus tard, mon Grand-Père maternel finança l’achat d’une belle maison avenue de la Forêt, avec un jardin, une chambre pour chaque enfant, et un bureau pour Papa.

Maman relatait que c’était là que son fils avait marché pour la première fois, lors d’une visite peu avant que nous y emménagions. Elle était passionnée par l’éducation et les progrès de ses 3 enfants, Laurence nous rejoignant bientôt, avec 20 mois d’écart entre les deux « petits »…

Ses 3 enfants, vivement désirés, étaient nés avec l’aide de la technique de l’accouchement sans douleur. Maman en était très fière, tout comme elle présentait positivement le fait de nous avoir allaités tous les trois.

 

Elle m’a dit à de multiples reprises qu’elle ne pensait pas pouvoir survivre à la mort d’un de ses enfants, tellement elle nous aimait.

 

Elle avait toujours voulu 3 enfants, un mari, un métier intéressant. C’était une féministe !

 

Quand nous eûmes grandi, elle reprit son métier de psychanalyste, jusqu’à ce qu’elle ne s’en sente plus capable vers 70 ans à cause de la diminution de son acuité auditive. Cela reflète son profond désir d’excellence et sa conscience professionnelle.

 

Récemment, j’avais pris l’habitude d’aller la voir tous les jeudis à la Résidence pour personnes âgées où elle se trouvait. Cela avait généré une petite dispute car elle aurait voulu que je vienne la voir seulement quand j’en avais envie ! Aujourd’hui, c’est aussi un jeudi que nous sommes près d’elle pour la dernière fois. Nous téléphonions à mon compagnon, Michel Legrand, qui lui demandait invariablement quel livre elle lisait…

 

Ces derniers mois, elle avait fort maigri, sans cause connue. Elle a été hospitalisée fin janvier pour une pneumonie. Le jour où elle aurait dû sortir, le médecin l’a jugée trop faible et l’a mise sous monitoring. Ainsi, nous savons que son cœur s’est emballé, puis arrêté. Je l’ai vue sur son lit de mort à l’hôpital, son visage était calme. Elle n’a pas souffert.

 

Comme il restait une place dans le caveau de la famille Cox où reposent les cendres de son père, qu’elle adorait, Maman ne sera pas incinérée.

 

 

 

 

Catherine Van Nypelseer

     
 

Biblio, sources...

Lucienne COX était membre du GERFA depuis 33 ans.

 
     

     
   
   


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