Les affaires sont les affaires(8): Par ici la monnaie

Banc Public n° 174 , Novembre 2008 , Frank FURET



Un bruit court: en 1991, David Rockfeller, un des piliers du groupe de Bilderberg, un aréopage transatlantique de person­nalités (dont entre autres José Manuel  Baroso, Etienne Davignon, la Reine Beatrix de Hollande,  Pascal Lamy, Henry Kissin­ger, Ricard Perle, quelques uns des plus grands industriels européens et améri­cains) aurait remercié les grands médias autorisés pour leur discrétion et leur coopération, sans laquelle il aurait été impossible de mettre en ½uvre les projets atlantistes, à savoir un gouverne­ment supranational de la planète par une élite d'intellectuels et de banquiers internationaux, préféra­ble selon lui à l'autodétermination nationale pratiquée au cours des siècles passés.
La crise actuelle des Bourses mondiales pose évidemment question concernant la bonne foi ou en tout cas la qualité de la vue des thuriféraires de la financiarisa­tion à outrance de l’économie et des politiques d’affai­blissement des états au bénéfice du secteur privé.

Nombre d’analystes, parmi lesquels des économistes libéraux, estiment en effet que cette crise est le symptôme de la faillite d'un modèle de développe­ment fondé sur l'autorégulation du marché et le dumping social: les inégalités ont explosé partout dans le monde et des centaines de millions de personnes - salariés, agriculteurs, travailleurs du secteur informel, sans emploi - ont vu leurs faibles revenus stagner et leur situation socio-économique se précariser au profit d'une sphère financière en quête de rendements sans cesse crois­sants. Pour eux, cette crise du néo-libéralisme en révèle des changements structurels, marqués par la prédomi­nance de la finance et de l’actionnaire au détriment du compro­mis social de croissance de ce qu’on a appelé les trente glorieuses. Depuis une trentaine d’années, les tours de passe-passe des chantres du néo-libéralisme, soutenus par la classe politique et les médias autorisés dans leur quasi-totalité, ont, en déréglemen­tant le secteur financier, radicalement modifié les équilibres entre le monde du travail et celui du capital.



Un peu d’histoire


Au sortir de la seconde guerre mondiale, des accords socio-économiques de régula­tion sont signés; ils s‘appuient sur trois stabilisateurs: le  premier, c’est la sécurité sociale. L’Anglais Beveridge a théorisé qu’en faisant des retraites, de l’assurance chômage, de l’assurance maladie, des prestations familiales, on contribuait à stabiliser le système. Le deuxième régula­teur, c’est celui de Keynes: au lieu de gérer les budgets et la monnaie sur la base de comptes nationaux, il faut les utiliser pour amortir les chocs extérieurs. Pour Michel Rocard, ce système a évité les crises économiques pendant les trente années qui suivent. Le troisième régula­teur, le plus ancien, c’est celui d’Henry Ford, et il tient en une phrase: "Je paie mes salariés pour qu’ils achètent mes voitures". Mis ensemble, à la fin de la seconde Guerre mondiale, ces trois mécanismes vont accoucher du compromis social-démocrate, qui va durer trente ans. De 1945 à 1975, dans tous les Etats développés, le capitalisme a alors une croissance de 5 % par an, il ne connaît  pas de crise financière et tout le monde est en plein emploi.
La décennie ‘80 va voir le bouleversement des structures financières: fin de l'encadrement du crédit, libéralisation des taux d'intérêt, création de produits nouveaux, etc. Amorcé en réponse aux changements survenus aux Etats-Unis, le processus va se trouver accéléré par le projet de marché unique européen qui prévoyait l'élimination des barrières à la circulation des capitaux et la libre prestation de services sur l'ensemble du territoire de la CEE: c'est alors à qui saura se montrer le plus libéral, le plus "moderne".


Accumulation de capital


Ces changements radicaux dans le domaine économique font monter l’exigence de rentabilité du capital, avec des coûts du crédit très élevés. Les fonds de pension, colosses financiers, viennent "s’investir" dans les entreprises, mais exigent des taux de rendements de plus en plus élevés.  Dans la foulée, se créent des fonds d’inves­tissement, plus petits mais beaucoup plus incisifs, et les fonds d’arbitrage, les hedge funds.  Tous ces fonds vont créer une vaste pression sur les managers, qu’ils menacent de virer si ça ne paye pas assez.  Les OPA seront un mouvement plus puissant encore: celui qui ne distribue pas assez à ses actionnaires devient "opéable".
La montée des actionnaires modifie le pouvoir dans les entreprises. Le coût du capital augmente dans les années 1980, d’abord à la suite de la très forte montée des taux d’intérêt pour casser l’inflation, puis de la désindexation des salaires pour poursuivre la désinflation. Ensuite, dans les années 1990, l’irruption des pays émergents dans l’économie internationale va aussi accroître énormément l’offre de travail dans le monde entier et provoquer une pression à la baisse sur les prix industriels.


Ces changements durables dans la structure des prix  transforment la gouvernance des entreprises. Les finalités, le ‘business model’, sont modifiés: on passe du compromis social de croissance de l’entreprise, traduisant la situation d’après la Deuxième Guerre mondiale, à la valorisation de la valeur actionnariale. Les entreprises se mettent alors à la recherche de haute rentabilité financière.
Le gonflement de la masse du profit, sans usage productif direct, s’oriente alors naturellement vers le placement spéculatif. S’y ajoutent des mécanismes de captation et de placement de l’épargne des salariés. Le cas-type en est constitué par les fonds de retraite américains, qui ont pris plusieurs longueurs d’avance sur le reste du monde, pour la raison simple qu’un système de sécurité sociale à l’Européenne y était inexistant. Les dirigeants de ces types de fonds - que l’on appelle hypocrite­ment "les investisseurs" alors qu’ils placent des capitaux, mais n’investissent pas productivement - vont devenir l’un des acteurs dominants sur ces marchés. Les marchés vont prendre rapidement une dimension considérable et assurer une emprise sur l’ensemble du système capitaliste et de ses acteurs. Les ‘investisseurs’ vont prendre des positions de pouvoir dominantes dans les grandes firmes mondialisées.


Appropriation mondiale des moyens de production


Tous ces phénomènes vont s’accompa­gner d’une nette intensification de la concur­rence entre capitaux et d’une extension de leurs espaces de valorisation concurrentiel­le, du fait, notamment, de la privatisation des grandes entreprises publiques. Après 1989 et l’effondrement de l’Union Soviétique, le modèle dominant en Occi­dent visant à se propager partout, cette conception va être projetée dans le monde entier. Les pays émergents voient l’entrée massive de capitaux et la transformation de leurs propres institutions par la logique du capitalisme, définie par ce que l’on a appelé le consensus de Washington, qui est, pour Michel Aglietta, la traduction d’un projet d’hégémonie globale.


Offre de capitaux


Les acteurs des marchés financiers, participant d’une nouvelle fraction du capital, clairement dominante dans le système capitaliste d’aujourd’hui, devien­nent possesseurs d’un montant considéra­ble (que personne n’est capable de chiffrer avec exactitude) de capitaux de placement. En contrepartie, il s’est développé une toute aussi considérable économie d’endettement, de la part des particuliers (membres du salariat) et des Etats.
D’une part, les Etats, pour couvrir leurs déficits, vont commencer à faire un appel considérable aux marchés financiers, par l’intermédiaire technique, en particulier, de ce qu’on appelle les "bons du Trésor". Le gouvernement américain va prendre  la tête de file de cette situation, pour des montants qui sont devenus fabuleux (couverts en partie par des achats de titres sur l’Etat américain pris par les acteurs financiers, et l’Etat du Japon, d’abord, auquel vont plus tard s’ajouter la Chine et les Etats pétroliers.
D’autre part, les particuliers, les membres du salariat et les petits entrepreneurs qui, voyant leur situation financière se dégra­der, mais voulant maintenir leur niveau de vie ou d’investissement productif, ont commencé à faire un appel considérable aux crédits, crédits qui sont été titrisés, donc transformés en titres négociables sur les marchés financiers, avec, dans leur sillage, une multitude de "produits dérivés".


Mondialisation


Pour Philippe Zarifian, la crise actuelle  des marchés financiers condense et cristallise l’ensemble des caractéris­tiques menant à une crise économique grave, et ceci selon des tendances inscrites dès le tournant du milieu des années ‘80.  Il estime qu’on ne peut pas absolument pas opposer une soi-disant "économie réelle" à l’économie des marchés financiers. Pour lui, les acteurs dominants de cette phase du capitalisme sont totalement enchevêtrés. Le mouvement de mondialisation a été impulsé par les grandes firmes et grandes banques: c’est, au départ, l’internationa­lisation de la localisation du capital qui va leur permettre de s’implanter dans diverses parties du monde et de racheter des entreprises locales. Pour l’essentiel, ces zones sont constituées autour des mégalopoles. La mondialisation est constit­uée par un grand squelette, reliant ces zones entre elles, en flux de capitaux, de marchandises, d’informations, de commu­nications à distance, de prêts et de circulations des profits, mais un squelette sans chair entre les os. Les Etats nationaux n’ont qu’un très faible pouvoir d’action sur ces firmes. Nombre d’entre elles ont d’ailleurs décentralisé leur siège social juridique dans des petits pays développés "sûrs", et à fiscalité faible.


Capital-travail


Le second aspect des choses est le considérable mouvement de repartage de la valeur ajoutée entre profits, fiscalité sur les entreprises et salaires, avec une véritable envolée de la part relative et de la valeur absolue du profit, au détriment de la part relative de la rémunération salariale et de la fiscalité sur les sociétés. La situation à laquelle on est arrivée est, selon Zarifian, depuis près de 15 ans tout à fait anormale et "malsaine": les grandes firmes (et les banques) ont dégagé et dégagent des surplus financiers considérables, qui dépassent de loin les besoins productifs. De ce fait, elles se sont lancées dans des placements spéculatifs, qui ont représenté une activité nouvelle et durable de leur part. Toute grande firme qui se respecte (à l’exception des grandes entreprises publiques qui restaient endettées) possède un département de placement financier, devenu partie intégrante du "business" de cette firme.
De la même manière, les grandes banques de dépôts ont développé une activité dite de "banque d’affaires", entièrement vouée à la gestion des placements financiers.
Si la baisse de la rémunération salariale n’a pas été plus forte ni plus précoce, c’est pour la série de raisons suivantes: les salaires ont continué effectivement à augmenter, à un rythme qui se rapproche progressivement des 1% par an, sans aucune mesure avec la flambée du profit, mais sans baisse cependant.
Mais  les statistiques sur les salaires ne concernent, par définition, que ceux qui occupent un emploi salarié et touchent un salaire à ce titre. Il faut tenir compte des autres phénomènes.
A partir du milieu des années ‘80, en même temps que la part du profit augmen­tait spectaculairement, s’est manifesté un phénomène tout à fait nouveau: la création des emplois précaires; ces emplois sont nettement moins bien payés que les emplois durables, mais, du fait de leur durée restreinte (2,5 mois en moyenne à ce moment-là), ils ont eu une influence limitée dans les statistiques nationales de salaire. Ce n’est qu’avec la forte envolée de ce type d’emploi qu’ils vont progressi­vement avoir une influence négative, dépressive, sur la masse salariale globale. L’allongement spectaculaire de la durée des études  va aussi retirer une fraction croissante des jeunes des statistiques de la population active salariée.
Enfin, pour les jeunes qui accèdent à un emploi durable, le montant du salaire est nettement inférieur à ce que les générations précédentes pouvaient prétendre à un niveau de qualification et d’âge équivalent. Les patrons jouent à fond la carte du chômage des jeunes pour imposer cette dégradation, et il faut bien dire qu’aucune solidarité intergéné­rationnelle et aucune action d’envergure des organisations syndicales ne sont venus s’opposer à cette pratique.
Durant les années ‘80, si la rémunération salariale des actifs occupés maintient une légère croissance, souterrainement de nouvelles tendances agissent, qui vont progressivement miner tout l’édifice. Il faudra néanmoins quelques années pour que ces tendances viennent affecter la situation de tous les salariés.


Dumping social


La pression à la baisse sur les salaires et les revenus dont sont victimes les citoyens du monde est la conséquence des grandes mutations économiques mondiales du dernier quart de siècle. D'une part, alors que les gouvernements ont libéralisé les mouvements de capitaux internationaux et déréglementé les marchés financiers, la main-d'½uvre mondiale a doublé (passant de 1,5 à 3 milliards de travailleurs) suite à l'ouverture d'économies émergentes à forte démographie (ex-URSS, Chine, Inde, Brésil, Mexique). D'autre part, les firmes transnationales sont passées sous la coupe des actionnaires majoritaires (les fonds de pension, compagnies d'assurance et autres fonds d'investissement) et ont exploité la révolution informatique en fragmentant leur chaîne de production aux quatre coins du monde.
Alors que les firmes des années 1980 intégraient toutes les fonctions de la production en interne (conception du produit, fabrication, commercialisation), les firmes des années 2000 ont décomposé leur processus de production en sous-traitant un maximum de fonctions et en ne conservant que celles pour lesquelles elles sont les plus compétitives. Il en résulte une course à la compétitivité mondiale et une mise en concurrence des Etats et des travailleurs du monde entier par les stratégies des firmes en quête de moindres coûts pour chacune des fonctions du processus de production. Pour chaque maillon de la chaîne, tout chef d'entreprise transnationale s'interroge en permanence sur les fonctions à sous-traiter ou à délocaliser pour doper la valeur boursière de sa firme. Il en découle un dumping social généralisé. D'une part, les gouverne­ments tentent d'attirer les entreprises en leur proposant des avantages fiscaux et de faibles cotisations sociales. D'autre part, les syndicats se retrouvent confrontés à des patrons répondant à des impératifs dictés dans des sphères supérieures, et sont victimes du chantage à l'emploi: accepter leurs conditions, sinon c’est la délocalisation.
Aux Etats-Unis l’endettement des ménages a empêché l’effondrement de la demande intérieure, même si les inégalités et la pauvreté ont explosé. Les catégories aisées et riches s’endettent pour spéculer, les catégories pauvres et moyennes s’endettent pour payer les études de leurs enfants, pour se soigner, et bien sûr pour acheter leur logement.


Tout va très bien…


Le silence règne, aux USA comme en Europe, sur  le décrochage des salaires par rapport aux gains de productivité qui alimentent les revenus du capital. Silence aussi sur la future place du travail et du temps libéré dans les sociétés riches; silence sur les évolutions démographiques et les fulgurants phénomènes d'urbanisa­tion (renvoyés en annexes chiffrées des rapports); silence sur les relations entre emploi et mode de développement ; silence sur les moyens politiques de dompter les "dragons" spéculatifs mondiaux, qui ne sont pas étrangers à la montée du chômage.
Les chiffres de moyennes, qui ont longtemps servi de référence aux raisonnements économiques, perdent  de leur signification. Derrière elles, ce sont des situations de plus en plus inégalitaires qui s’installent et qui, d’ailleurs, minent la combativité sociale. La fraction haute des dirigeants des grandes groupes voit exploser scandaleusement sa rémunération, et ceci a un fondement précis: c’est directement sur l’envolée du profit qu’ils se "paient". Les salariés "moyens" voient bien que, progressivement, leur situation se dégrade, mais se jugent (et sont encouragés à se juger), "privilégiés" par rapport aux jeunes, aux précaires, aux chômeurs, aux exclus, dont on essaie par ailleurs de les désolidariser.


Socialisation  des pertes


Quant à l’Etat, non seulement il a été forcé de revendre au secteur privé (qui a des fonds énormes à investir) ses bijoux de famille et de se castrer économiquement, mais il va voir son déficit s’aggraver, les recettes publiques pâtissant de l’érosion de la rémunération salariale, qui reste l’une des bases de la fiscalité, du manque de recette dues au chômage, et de la baisse voulue de la fiscalité sur les entreprises et sur les riches, ainsi que d’une érosion de la base principale des recettes fiscales: la fiscalité sur les produits achetés. Trois postes de dépenses vont exploser: les dépenses sécuritaires, les aides aux entreprises, et la prise en charge, partielle mais incontournable, de l’effondrement progressif du système de sécurité sociale au sens large (santé, retraites, aides aux familles en particulier). Les gouvernements successifs s’enferment dans un double rôle: d’une part, par réformes successives, diminuer la redistribution sociale ainsi que le salaire indirect que ce système autorisait, et donc contribuer directement à leur propre affaiblisse­ment, et, en même temps, prendre à leur charge un montant croissant du coût de la dégradation, notamment celui de la dégradation de la situation des salariés (actifs durables, précaires, chômeurs, jeunes, futurs salariés ou retraités), c'est-à-dire de l’immense majorité de la population.


Pour notre bien à tous…


C’est à un contraste frappant entre l’envolée du profit et la détérioration - d’abord souterraine et inégale, puis, maintenant, ouverte et générale - de la situation de la grande masse de la population qu’on est en train d’assister. Pour Zafirian, il ne s’agit pas d’une crise de manque de débouchés ou de surproduction, voire de sous-consom­mation.  Ce nouveau déséquilibre est, selon lui,  très profond et durable et n’est en rien cyclique: que ce soit en conjoncture de croissance ou en récession, la valorisation du capital se déconnecte de plus en plus de la base, qui lui reste pourtant nécessaire: le travail salarié. La grande tendance de l’économie à l’échelle nationale et internationale, c’est la  baisse continue de la part du produit national retournant aux salariés. Dans le cas de la Belgique, cette part est passée de 70% en 1975 à moins de 50% aujourd’hui. Cette fabuleuse redistribution en faveur des propriétaires de capitaux n’a pas conduit à une hausse de l’emploi, mais au maintien d’un niveau élevé de chômage et à un creusement des inégalités sociales. Les politiques d’austérité budgétaire et les réformes fiscales libérales ont contribué à cette ponction. Le ronron consensuel masque de plus en plus difficilement le renversement profond et durable du partage du gâteau entre profits et rémunération salariale. Et c’est maintenant une partie croissante du système de protection sociale qui devient un espace explicite de marchandisation (par le biais des systèmes d’épargne-pension, notamment).


Mais encore…


Les  mesures actuellement mises en ½uvre ou débattues par les gouvernements des principaux pays capitalistes sont compréhensibles, estime Zafirian, si l’on tient compte d’une analyse en termes politiques, et donc des intérêts de classe en jeu. Mais pour lui, il s’agit d’une complète absurdité en termes économiques. Non seulement, il est totalement immoral, bien entendu, que les spéculateurs soient sauvés et récompensés par un plan, sans précédent historique, de socialisation des pertes, mais, de plus, il en résultera deux conséquences négatives:
Alors que la crise financière, initiée par les crédits subprime, n’a pas fini de montrer ses effets sur l’économie réelle, le plan de recapitalisation des banques augmentera la dette de l’Etat, s’il est utilisé.
Ensuite, même mieux contrôlés, les spéculateurs pourront reprendre leur jeu. Pour lui, nous ne sommes pas en présence d’un problème d’individus qui "auraient mal gér" ou d’un accident au casino: c’est bien d’un problème systémique qu’il s’agit; son pronostic est que les mêmes mécanismes reproduiront les mêmes effets. En écrasant un peu plus le monde du travail sous le poids supplémentaire de cette nouvelle dette publique et en fragilisant encore plus la situation financiè­re propre des Etats, on a accru et aggravé tous les facteurs de la crise économique. Selon lui, c’est  d’ailleurs cela que les spéculateurs "sentent", à défaut de bien le comprendre. Et c’est pourquoi la "confiance" ne revient pas.
Pour lui, le système financier n’est pas une mécanique grippée qu’il faut réparer. C’est, avant tout, d’un rapport social, d’un mode de partage des richesses entièrement défavorable aux salariés, et du divorce entre capital et travail salarié qu’il s’agit. Le temps est venu de reposer comme perspective une socialisation de la production, et donc un certain rôle pour une planification économique. Un programme alternatif qui revaloriserait les salaires, parce que ceux-ci ne sont pas un coût à réduire, mais bien un revenu, qui donnerait priorité aux investissements publics visant les besoins sociaux que l’économie refuse de couvrir, à la réduction du temps de travail et au renforcement de la protection sociale. Il faudrait asphyxier ou supprimer le capital de placement. Ce qui est possible par des mesures politiques fortes. Mais, actuellement, les gouvernements font l'inverse: ils le renflouent. Il faudrait aussi renverser complètement la donne et la tendance en matière de partage de la valeur ajoutée entre profit, impôts sur les sociétés et rémunération salariale, rétrécir le plus possible la sphère de la marchandisation, et développer une économie servicielle, publique, mais aussi associative, voire privée. Donner un nouveau contenu, inspiré du service public, mais donnant aux usagers un pouvoir et une initiative démocratique et première qu'ils n'ont jamais eu, même à la grande époque de l'essor du domaine du service public et enfin, transversalement tirer toutes les conséquences qui s'imposent de la crise écologique et en faire une priorité absolue.
Mais selon lui, aucun gouvernement des grands Etats capitalistes ne prend les mesures radicales qui s'imposeraient. Les actions actuelles contribuent à sauver le système, en plaidant pour un retour de l’Etat - tout en promettant d’intensifier des réformes qui prévoient l’affaiblissement de l’Etat. L’Etat et l’argent public sont là pour sauver le système, pas pour le réformer. Et les Bourses font sans doute le pari que les grandes déclarations d’aujourd’hui n’enga­geront plus grand monde demain. L'idée d’une nouvelle régulation mondiale de la finance risque fort de rester une bonne blague que les banquiers aimeront se raconter dans quelques années. Aujour­d’hui, elles font profil bas, juste le temps de se faire oublier. La nécessité de désarmer les marchés financiers, dans la perspective d’une bataille pour un contrôle public et démocratique des circuits de financement de l’économie risque fort de rester lettre morte et, de ce fait, le capital de placement, même régulé, restera dominant, pour la simple raison qu’aucun gouvernement n’envisage sérieusement de l’asphyxier.


Frank FURET

     
 

Biblio, sources...

Philippe ZARIFIAN, «A propos de la crise économique et financière», mercredi 15 octobre 2008

 

Stéphanie Treillet, économiste, membre de la Fondation Copernic «Crise: la fin du modèle néo-libéral ?»

Jacques Decornoy  Septembre 1995 Le monde diplomatique Travail, capital... Pour qui chantent les lendemains ?

Janvier 1991 Ibrahim Warde L'ARGENT, "MAÎTRE NÉVROS" DU COMMERCE
Les assises du système bancaire détruites par la déréglementation

Menaces sur l'économie mondiale Par Frédéric F. Clairmont 
Le monde diplomatique Mai 2001

Argent public, fortunes privées

Olivier Toscer Le monde diplomatique Décembre 2003

Il faut mondialiser le travail decent Arnaud ZACHARIE et Alexandre SERON La libre Belgique 04/10/2008
Auteurs de "Mondialiser le travail décent" (Editions Luc Pire, 2008)

Michel Aglietta s’entretient avec Louis Weber pour Savoir/agir, juin 2008 (extrait)

Et maintenant, l’Europe, Denis Sieffert,

Michel Rocard : les idées de Friedman ont laissé toute l’avidité, la voracité humaine s’exprimer librement.

Contreinfo, 25 octobre 2008

Crise financière: un certain regard et des propositions

Yves Michel, Espace économie alternative, 14 octobre 2008

Rendre la création monétaire à la Société Civile

Collection économie alternative
Philippe Derudder

Crise et issue de crise
par Roger Martelli, co-président de la Fondation Copernic

Une crise de système qui appelle des réponses systémiques par Denis Durand, secrétaire général du syndicat CGT de la Banque de France, membre du Conseil économique et social

Crise : la fin du modèle néo-libéral ? par Stéphanie Treillet, économiste, membre de la Fondation Copernic

 
     

     
 
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