Europe et privatisation de l'eau

Banc Public n° 216 , Février 2013 , Frank FURET



Le site de la télévision allemande « Monitor » estime que, soutenue par des multinationales, la Commission européenne pousse secrètement à la privatisation de l’eau en Europe. Elle exerce ainsi de fortes pressions à l’intérieur du marché unique sur des pays en difficulté, comme la Grèce, le Portugal et l’Espagne, pour qu’ils assainissent rapidement leur situation financière en privatisant si nécessaire des services publics.

La Commission aurait commencé à promouvoir la privatisation de l’eau pour les pays touchés par la crise et qui ont bénéficié de plans d’urgence, comme la Grèce et le Portugal par exemple, imposant la privatisation dans les contrats qu’elle leur a fait signer.

Ainsi, en Grèce, les grands aqueducs d’Athènes et de Thessalonique ont été vendus.

Conséquences pour le consommateur: au Portugal dans la ville de Pacos de Ferreira où la compagnie des eaux « Aguas de Portugal » a été privatisée, la facture d’eau a augmenté de près de 400% en quelques années et, chaque année, elle continue d’augmenter au rythme de 6%. Mais ce n’est qu’un début, affirme Monitor : la Commission cherche désormais à étendre cette privatisation aux autres pays européens.

 

Pour les investisseurs, l’eau est devenue une marchandise de premier plan. Le marché de l’eau représente chaque année des centaines de milliards d’euros en Europe, et les grandes multinationales tentent d’obtenir la signature de contrats. Les petites entreprises locales de l’eau ne peuvent pas rivaliser avec les prix de dumping que peuvent offrir les grandes firmes telles que Veolia, RWE, Gelsenwasser et Thames Water. Ces sociétés font du lobbying et elles conseillent les eurocrates. La Commission européenne est par exemple guidée par un groupe de pilotage qui comprend des représentants des grandes firmes de distribution d’eau.

 

Une étude menée par l’Université de Barcelone en 2010 indique que la privatisation de l’eau n’a pas toujours favorisé la baisse des prix et que, dans certains cas, la qualité de l’eau s’est dégradée, parce que les entreprises privées qui ont pour objectif premier de réaliser des bénéfices ont une tendance à moins entretenir et rénover l’infrastructure. Les promesses faites au moment de la privatisation sont rarement tenues. Des groupes de défense protestent et  se réfèrent à des expériences passées comme à Londres, Bordeaux et Berlin, où la qualité de l’eau s’est dégradée suite de la privatisation : tuyaux pourris, contamination de l’eau potable, et ajout de chlore pour préserver l’hygiène.

 

Gabriele Giudice, le responsable du bureau de la Grèce pour la Commission des Affaires économiques et financières, explique que la privatisation permettrait de réduire la dette publique, qu’elle permettrait d’augmenter « l’efficacité des entreprises, et, par extension, la compétitivité de l’économie dans son ensemble, tout en attirant les investissements directs internationaux».

 

La Communauté européenne a beaucoup fait pour l’envol à l’étranger de ses entreprises dans le secteur de l'eau, notamment en Amérique latine.  Mais de plus en plus de villes européennes cherchent justement à faire marche arrière en ce domaine en « remunicipalisant » leurs services d’eau, comme à  Paris, qui avait longtemps été une ville phare de la privatisation de l’eau, mais  également dans plusieurs autres villes de France, en Hongrie, en Italie, ainsi qu’en Amérique latine, en Afrique et en Asie du Sud-Est.


Frank FURET

     
 

Biblio, sources...

La Commission européenne pousse à privatiser l’eau Sophie Chapelle, bastamag, 29-10-2012

 

La privatisation de l’eau : est-ce que ça fonctionne ? Contrepoints, 30-12-2012

 

Comment l'Europe est en train de transformer l'eau du robinet en marchandise en toute discrétion, l'Express, 31-12-2012

 

Libre-échange: la privatisation de l’eau inquiète des deux côtés de l’océan, Éric Desrosiers, Le Devoir, 18-10-2012

 
     

     
 
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