La poussée de Podemos

Banc Public n° 232 , Novembre 2014 , Frank FURET



Dans un sondage publié  en octobre 2014 par El Pais, le parti Podemos, âgé de huit mois seulement, et issu des Indignés, mouvement de lutte contre les mesures d'austérité prises en 2011 et 2012, obtient 27,7 % des intentions de vote, ce qui en fait le  premier parti espagnol.

 

Cette percée inédite s'est faite principalement au détriment des deux grands partis traditionnels espagnols: le parti socialiste (PSOE) perd 4,7 points en un mois avec 26,7 % d'intentions de vote et le Parti populaire (PP), du premier ministre Mariano Rajoy, frappé par de nouveaux scandales de corruption, tombe à 20,7 % des intentions de vote. En 2011, le PP avait obtenu 44,6 % des voix.

 

Podemos (en français « Nous pouvons ») est un parti politique lancé publiquement le 17 janvier 2014 à l’initiative du professeur de sciences politiques et présentateur de télévision Pablo Iglesias Turrión, d’un groupe d’enseignants  et de la gauche anticapitaliste; son premier objectif était de présenter une liste aux élections européennes, où  ils ont directement obtenu cinq sièges,

Le projet était parti d'un manifeste, signé par une trentaine de personnalités de la gauche sociale, politique et culturelle, intitulé Mover Ficha ("Prendre les choses en main").

Les points principaux de son programme sont :

 

1. Redresser l'économie en renforçant le contrôle public, en réduisant la pauvreté et en instaurant la dignité sociale via un revenu de base pour tous. Cela comprend le contrôle des lobbys et de l'évasion fiscale des grandes entreprises et multinationales, ainsi que le soutien aux petites entreprises.

 

2. Promouvoir la liberté, l'égalité et la fraternité en abattant les barrières à travers l'Europe et en permettant la coopération entre les personnes sans collecte de renseignements ou inhibitions sociales, qui sont théoriquement des formes d'antiterrorisme.

 

3. Redéfinir la souveraineté en révoquant ou en troquant le Traité de Lisbonne, en multipliant les mémorandums d'entente, en retirant l'Espagne de certaines zones de libre-échange, et en promouvant le référendum pour toutes les réformes constitutionnelles majeures.

 

4. Récupérer la terre en réduisant la consommation de combustibles fossiles, en promouvant les transports en commun et les énergies renouvelables, en réduisant les cultures de rente industrielle et en stimulant la production agricole locale par de petites et moyennes entreprises.

 

Le caractère participatif et anti-establishment du parti, ainsi que son programme opposé à la politique d'austérité du gouvernement Rajoy et à la corruption, a rencontré un écho dans la société espagnole.

La tendance de ce parti à progresser tranche avec l'optimisme des partisans de l'austérité qui veulent faire de l'Espagne un modèle. La croissance espagnole est repartie depuis la fin de 2013, mais ce n'est guère un effet de l'austérité : les exportations espagnoles semblent à bout de souffle et c'est la demande intérieure, principalement la consommation, qui progresse, en raison de la pause dans l'austérité salariale. C'est donc la fin de l'austérité qui soutient la croissance espagnole. L'effet de la baisse du coût du travail est loin d'être encore positif.

 

Les effets de l'austérité dans la société demeurent immenses. Le chômage baisse, mais il est encore proche de 24 % de la population active. Le PIB est encore en recul de près de 9 % par rapport à son niveau de 2008. La faiblesse des salaires et l'appauvrissement général a conduit à un mécontentement qui rend la corruption encore plus insupportable.

L'Espagne s'inscrit ainsi dans une longue série en Europe. En Irlande, présentée comme un «modèle» par  les thuriféraires des politiques européennes d'austérité, le Sinn Fein, parti nationaliste de gauche, représente désormais un quart de l'électorat selon les sondages. En Italie, le Mouvement 5 Etoiles de Beppe Grillo réussit à capter entre 20 et 25 % des électeurs. En Grèce enfin, Syriza est donné en tête avec près de 30 % des intentions de vote. Sans compter, bien sûr, les déroutes des partis traditionnels dans d'autres pays qui ont pratiqué l'austérité comme les Pays-Bas ou la France. La BCE est parvenue en 2012 à contenir la crise financière. Mais les crises économique, sociale et politique demeurent plus que jamais d'actualité.


Frank FURET

     
 

Biblio, sources...

« L’Espagne: Podemos donné en tête dans un sondage pour la première fois", Romaric Godin, La Tribune,  2 novembre 2014

 
     

     
 
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