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Elitisme
Banc Public n° 127 , Février 2004 , Catherine VAN NYPELSEER
Dans le but de tordre le cou à un discours contraire au principe d'égalité qui imprègne certains milieux, nous nous sommes procuré le petit livre de Claude Javeau, le professeur de sociologie de l'ULB qui tient une chronique dans la Libre Belgique: "éloge de l'élitisme " 1.
Notre sentiment est en effet que cette notion est l'apanage de beaucoup d'imbéciles (entre guillemets) qui, sachant très bien qu'ils ne sont pas à leur place dans la fonction qu'ils occupent, dépensent beaucoup d'énergie à construire des mécanismes d'exclusion visant à en écarter les concurrents potentiels.
Ce mécanisme d'autovalidation de la place qu'ils occupent est aussi mis en oeuvre à l'échelle de peuples entiers à qui l'on fait croire par exemple que Dieu les a élus pour occuper une place particulière dans la société planétaire, ce qui justifie le mépris de leurs propres règles démocratiques avec lequel ils traitent les autres ètres humains, de second choix en quelque sorte.
Les Israéliens avec les assassinats de personnes qu'ils jugent sans aucune forme de procès comme représentant un danger pour leur état (ainsi que des quidams qui passaient par là ), les Américains dans leur traitement des prisonniers de guerre dans le camp de Guantanamo abstrait du droit international par on ne sait quel raisonnement spécieux, voire les Flamands au nom de leur grandeur passée (au XVIe siècle) remplacée aujourd'hui par le mépris identitaire de complexés pour les personnes d'une autre nationalité, langue, "race", religion...
Les vrais intellectuels de valeur sont au contraire toujours enclins à modifier leur vision du monde; ils ne se sentent pas remis en question par un contradicteur intelligent mais au contraire sont capables de dialoguer avec lui et de changer d'avis, à la différence de nombreux "pontifiants imbéciles" qui remplissent selon Claude Javeau les campus (universitaires) et les académies (p. 92). Sur ce point nous sommes d'accord avec lui.
Par contre, son éloge de l'élitisme - qu'il redéfinit comme une" position anti-massiste", c'est-à -dire la faculté pour une portion de la population ne partageant pas les goûts de la masse pour la télévision, le sport, la musique rock,internet, etc., non seulement de ne pas se plier à l'air du temps mais aussi de se voir reconna”tre par le pouvoir politique et de bénéficier d'un traitement de faveur: subsidiation de journaux sans "foute" (sic) ni faits de société, établissement d'un droit d'entrée prohibitif pour les grands musées en vue d'en écarter les "touristes ordinaires" pour laisser le champ libre aux "vrais amateurs" (p. 81), remise en question de l'université "de masse", etc. - n'est à pas convaincant, ni par son contenu, ni par le fait qu'il correspondrait à ce que l'on entend communément par "élitisme" comme nous l'avons esquissé ci-dessus.
La définition de Javeau telle qu'il la développe dans le reste de son "pamphlet" vise surtout la promotion de l'esprit critique et du droit d'avoir des opinions et des goéts divergents de ceux de la masse. Dans ce cas on est d'accord avec lui mais à ce compte là on peut aussi redéfinir que "non" c'est "oui" et "oui" c'est "non" et, dans ces conditions le "déchet" important (le taux d'échec) dont il se plaint parmi les étudiants de première candidature devient subitement plus compréhensible...
On attend autre chose d'un intellectuel que de demander au pouvoir politique d'exclure le peuple des musées, comme par exemple de chercher des solutions créatives aux problèmes créés par l'engouement d'un plus grand nombre pour la culture.
Comment admettre également l'erreur de raisonnement qui consiste à isoler une partie de la population d'une masse qui aurait toujours les mèmes goéts vulgaires: ce n'est pas parce que beaucoup de monde assiste aux matches de "foute" et regarde certaines émissions à la télévision que l'on peut en déduire qu'il s'agit nécessairement des mèmes personnes! Pour donner un exemple pris dans son université, le professeur de philosophie Jacques Sojcher, qui édite la Revue de l'ULB, ne donne pas cours les jours de match important...
Un petit livre décevant donc, pour quelqu'un dont le fait qu'il sorte de sa chapelle (les deux "Libre" étant en général considérées comme antinomiques) laissait supposer plus d'ouverture d'esprit qu'un conservatisme frileux hostile à tous les progrès technologiques - GSM, internet, CD sont réunis dans la mème exécration inculte - tandis que cet "intellectuel" croit en l'existence d'une élite qui aurait les mèmes goûts que lui en tout...
Catherine VAN NYPELSEER |
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Biblio, sources...
(1) Claude Javeau,"éloge de l'élitisme" ,2002 Editions Le grand Miroir, 96 p., 6 Euros.
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