Ainsi, à Bruxelles, ce sont 33.000 véhicules immatriculés avant 2013 qui sont concernés. On ne parle pas ici des vieux moteurs thermiques au mazout déjà exclus EURO 1 à 4, mais bien de moteurs déjà relativement propres dotés d’un filtre à particules censé retenir les particules fines. Rappelons que ces véhicules sont soumis au contrôle technique annuel qui porte notamment sur le taux de rejet de CO2 et donc sur le fonctionnement correct du filtre.
Cette mesure d’interdiction sans disposition transitoire sérieuse est abusive et peu efficace.
Sur le plan social, elle va contraindre des milliers de propriétaires, soit à racheter un nouveau véhicule, soit à s’en passer définitivement. Dans les deux cas, ce sont les personnes les plus précaires qui devront payer l’addition, les autres pourront se payer un nouveau véhicule ou à tout le moins un véhicule à la norme EURO 6b ou EURO 6d, respectivement autorisés jusqu’en 2028 ou 2030 !
Sur le plan écologique, le gain reste marginal, voire négatif, puisque les véhicules condamnés se retrouveront dans d’autres régions (en Wallonie, la majorité PS-MR-ECOLO a supprimé toute restriction peu avant les élections !) ou dans d’autres pays. Rappelons également que le fait de conserver longtemps un véhicule bien entretenu était plutôt bien vu écologiquement, alors que maintenant les propriétaires de ces véhicules sont devenus de dangereux pollueurs aux yeux d’ECOLO !
En effet, le remplacement forcé des véhicules en état de marche et souvent bien entretenus (sans compter ceux qui ne roulent pas beaucoup) aura pour effet direct d’augmenter la production de véhicules neufs qui est elle-même très polluante. Il n'est donc pas certain que la balance écologique soit positive; on peut même craindre qu’elle soit négative en fonction de la production de nouveaux véhicules.
Enfin, remarquons que l’industrie automobile s’est engagée depuis une quinzaine d’années dans la production de véhicules de plus en plus puissants et de plus en plus lourds, soi-disant plus propres… mais consommant autant d’énergie, voire plus que des véhicules plus anciens, plus légers… et un peu moins propres.
Mais comme chacun sait, ces véhicules de deux tonnes polluent moins… mais rapportent beaucoup plus aux industriels. Sur ce point, on n’entend guère les responsables politiques, qui, il faut le constater, ne donnent pas le bon exemple.
Par ailleurs, l’avenir de la voiture électrique marque le pas et certains constructeurs commencent à rétropédaler. Enfin, il est également possible que le Parlement européen revienne sur l’interdiction des moteurs thermiques décidée à partir de 2035.
Toute l’industrie automobile européenne (9% du PIB européen) fait face à des difficultés dues à la concurrence chinoise, à la désaffection des consommateurs par rapport aux véhicules électriques, à cause de leur prix et de la chute de leur valeur de revente, de leur autonomie et des erreurs manifestes de stratégie industrielle privilégiant la vente plus réduite de véhicules lourds et chers avec une marge bénéficiaire importante au détriment du volume de vente de véhicules moins chers. Par ailleurs, le marché des voitures électriques s’adresse surtout aux sociétés qui peuvent bénéficier d’une fiscalité avantageuse et pour lesquelles l’achat de voitures thermiques devient simplement impossible.
L’éradication brutale de dizaines de milliers de véhicules est donc tout à fait abusive, tant sur le plan social et économique que sur le plan écologique.
Il eût donc fallu prévoir au minimum des mesures transitoires permettant aux propriétaires actuels de ces
véhicules de les utiliser dans la zone de basses émissions où ils étaient
domiciliés (voir notre livraison d’avril pour l’analyse des maigres mesures transitoires).
Touring monte en ligne
L’association de défense des automobilistes était sortie du bois et avait adressé le 26 mars dernier au gouvernement bruxellois une demande de moratoire pour les véhicules diesel EURO 5.
Touring avance cinq raisons cruciales pour soutenir ce moratoire. Tout d'abord, l'exclusion hâtive des véhicules Euro 5 entrainera d'importantes pertes économiques pour tous les acteurs concernés. Ensuite, le remplacement forcé de véhicules encore fonctionnels favorise une obsolescence prématurée, malgré leurs faibles émissions grâce aux filtres à particules. De plus, un moratoire permettrait une transition plus douce vers les véhicules électriques (VE), en attendant une offre plus diversifiée et abordable sur le marché. Par ailleurs, le durcissement des critères de la LEZ (low emission zone, zone à faibles émissions) menace le pouvoir d'achat de nombreux citoyens, les contraignant à faire face à des choix économiques difficiles. Enfin, la transition vers les VE nécessite une infrastructure de recharge adéquate, actuellement insuffisante pour répondre aux besoins croissants.
Coup de théâtre après les élections
Si la constitution des gouvernements francophones n’a pas trainé, la formation du gouvernement bruxellois s’avère plus difficile puisqu’il est nécessaire de réunir une majorité dans chaque groupe linguistique.
Rapidement, le MR (20 sièges) et les Engagés (8 sièges), déjà partenaires dans les deux gouvernements francophones, ont fait part de leur volonté de constituer la majorité francophone. Mais, ne disposant pas de la majorité, ils devaient nécessairement attendre un troisième partenaire.
Le PS qui, avec ses 16 sièges, s’était maintenu, contrairement à son alter ego wallon, était indispensable pour constituer la majorité francophone, étant entendu qu’ECOLO (7 sièges, 14 en 2019) et Défi (6 sièges, 10 en 2019), après leur défaite cinglante, n’alignaient plus suffisamment de sièges pour former une nouvelle majorité et que le PTB était exclu.
Après quelques semaines, le PS a rejoint le MR et les Engagés pour former une majorité francophone, au demeurant assez confortable puisque les trois partis réunissent 44 sièges (45 sièges à la suite du passage d’une élue de DéfI vers le MR) sur 72.
Ils entamèrent aussitôt des négociations avec les partis flamands et avec Groen, dont la présidente se proclamait incontournable puisque son parti était devenu le premier parti flamand avec 4 sièges sur 17, grâce cependant à quelques dizaines de milliers de voix francophones.
Les négociations ne progressaient guère et butaient constamment sur le report de la ZBE (LEZ) et sur la remise en question du plan de circulation Good Move et personne ne pensait que le gouvernement bruxellois pouvait être formé avant les élections communales. Or, les partis francophones souhaitaient se présenter le 13 octobre devant l’électeur avec un résultat tangible, notamment le PS qui s’était engagé publiquement sur le report de l’interdiction de deux ans.
Les partis francophones, voyant que Groen jouait la montre et qu’ils n’obtiendraient aucune avancée sur ce point, décidèrent de passer en force et de soumettre au parlement bruxellois dès sa rentrée une proposition d’ordonnance portant sur le report de l’interdiction de deux ans.
Groen hurla à la trahison, au mépris des Flamands et sa présidente, l’anversoise Elke VAN DEN BRANDT, quitta la table de négociation.
Depuis, elle ne cesse de pleurnicher, dixit BOUCHEZ, et de se lamenter sur le mauvais coup qui lui a été fait.
???
La proposition d’ordonnance a été déposée dès la rentrée du Parlement le 17 septembre et discutée en commission le 25 où elle a rallié 11 voix pour, trois voix contre, dont ECOLO et étonnamment DéFI*, et une abstention. Le vote en séance plénière est attendu pour le 4 octobre.
Et depuis…
Les groupes de pression liés à ECOLO et Groen se sont largement mobilisés pour contester la proposition et pour faire état d’analyse ou de chiffres assez « sur mesure », appuyés par Bruxelles-Environnement, l’administration écolocentrée, et par le journal Le Soir qui en a fait un combat emblématique.
Par ailleurs, les trois partis francophones ont également déclaré qu’ils pourraient procéder de la même manière pour le plan de circulation Good Move (sic) et que Groen avait donc tout intérêt à revenir à la table sous peine de subir de nouvelles défaites cinglantes.
Cela étant, il est assez difficile de comprendre la position écologiste qui ne parait pas prendre la mesure du problème pour les 33.000 propriétaires de voitures Euro 5. Il est également curieux que le parti n’ait jamais envisagé une proposition transitoire de report visant les seuls résidents, ce qui aboutissait à interdire la zone à tout véhicule dont le propriétaire n’est pas résident bruxellois et à réduire le potentiel de pollution de 90%. Cette position eût été plus équilibrée, mais il faut croire que les écolos ne disposent que de vélos ou de luxueuses voitures électriques.
Entretemps, le 28 septembre, les partis flamands, la N-VA, Vooruit et le CD&V, ont conclu un accord de majorité pour constituer le gouvernement du nord du pays. L’accord contient un chapitre sur la mobilité et reporte toutes les mesures d’interdiction dans les ZBE de Gand et d’Anvers pour les véhicules EURO 5, prévues pour le 1er janvier 2025, au 1er janvier 2027. Après la Wallonie qui supprime toute interdiction et la Flandre qui reporte l’interdiction au 1er janvier 2027, il serait bien évidemment incohérent d’imposer l’interdiction dans la seule région bruxelloise, moins industrielle qu’Anvers ou que Liège. Remarquons aussi que la position de Vooruit, candidat à la majorité flamande à Bruxelles, est assez schizophrénique puisqu’il défend le report sans condition en Flandre mais qu’il souhaite le limiter aux seuls BIM à Bruxelles. La position de Groen n’en sera que plus fragilisée et, à terme, intenable.
Enfin, les ZBE font l’objet de vives critiques dans plusieurs villes françaises, à Paris mais aussi à Rennes ou à Strasbourg. On parle là aussi de reporter les interdictions de deux ans, à ceci près que cela ne concerne que les véhicules repris dans la classification Crit’Air 3, soit les EURO 4 immatriculés avant 2010 et NON les EURO 5 ! Par ailleurs, les zones en question ne visent pas toute une région mais sont limitées aux centres urbains.
Bref, on a l’impression que la Région bruxelloise a voulu faire du zèle en instaurant une écologie punitive au détriment de ses habitants.
Clap de fin
Le Parlement bruxellois a adopté vendredi 4 octobre en séance plénière une proposition d'ordonnance visant à fixer la mise en œuvre de la prochaine phase de la zone de basses émissions (LEZ) au 1er janvier 2027.
Les formations à l'initiative du texte - MR, PS, Les Engagés, Open Vld - ont été rejointes par le PTB, la Team Fouad Ahidar et le Vlaams Belang. Groen, Ecolo et DéFI ont voté contre. La N-VA, Vooruit et le CD&V se sont abstenus.
Le vote du 4 octobre rétablit donc une certaine proportionnalité dans le calendrier des mesures prises.
Quand vous irez voter le 9 juin, pensez-y, écrivions-nous dans notre numéro d’avril! Il faut croire que certains y ont pensé puisqu’ECOLO s’est pris un râteau en perdant près de la moitié de ses électeurs et plus de la moitié de ses représentants au Parlement bruxellois (de 15 à 7). Groen a cependant tiré son épingle du jeu en bénéficiant de suffrages francophones. Cela étant, devant l’intransigeance de Groen, le vent est en train de tourner puisque, selon le dernier sondage pour les élections communales du 13 octobre, il perd la moitié de ses électeurs qui retournent dans le giron d’ECOLO.
Il est donc fort probable que les électeurs sanctionneront cette fois Groen, coupable d’avoir bloqué la formation du gouvernement bruxellois, et finalement mis en échec au Parlement bruxellois.