-offensive de l’armée malienne appuyée par la milice Wagner;
-retrait de la MINUSMA qui craignait d’être prise en étau entre les séparatistes et l’armée malienne et ses supplétifs;
-victoire de l’armée malienne et prise de Kidal, une capitale symbolique de l’Azawad avec Gao et Tombouctou (région autonomiste touarègue) (1).
L’article de septembre faisait le point sur la bataille de Tin Zouatine de fin juillet et la défaite sévère de la milice Wagner (renommée Africa Corps) et de l’armée malienne face aux Touaregs et aux groupes djihadistes.
Après quelques mois de calme tout relatif, c’est cette fois le groupe Jnim (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), affilié à Al Qaïda, qui a lancé le 17 septembre un raid particulièrement violent sur la capitale Bamako en visant deux objectifs : l’école de gendarmerie et une base militaire voisine de l’aéroport international.
Le nombre des victimes tourne autour de 80 morts (essentiellement des militaires) et de 200 blessés.
En attaquant la capitale et des installations militaires, le groupe islamiste essaye de démontrer que la politique sécuritaire de la junte est en échec. Or, depuis sa prise de pouvoir, celle-ci n’a de cesse de faire état de ses victoires contre l’insécurité. Par ailleurs, le groupe a visé la capitale où il peut compter sur des soutiens plus ou moins actifs.
Peu après la fin de l’attaque, le gouvernement malien a fait d’ailleurs procéder à des centaines d’arrestations visant les soutiens potentiels du groupe. Ces arrestations paraissent cependant assez arbitraires et brutales, ce qui ne va guère réconcilier la junte avec la population de Bamako, dont l’armée est déjà accusée de multiples dérapages. Enfin, la répression viserait particulièrement les Peuls, soupçonnés d’entretenir des liens avec Al Qaïda et qui risquent d’être stigmatisés. L’armée a recommandé d’éviter les amalgames, preuve évidente que les tensions entre communautés ne sont pas apaisées.
Par ailleurs, il faut observer que le groupe islamiste aurait pris soin de ne pas faire de victimes civiles, ce qui parait nouveau et qui prouve que le groupe cherche à renforcer ses appuis dans la population.
Mais l’opération prouve également que les moyens sécuritaires ont fait défaut car ils ont été affectés en priorité dans le nord contre les séparatistes, où le gouvernement avait remporté une victoire nette fin de l’année dernière par la prise de Kidal.
Le gouvernement malien devrait
donc réévaluer ses priorités. Cela
étant, il est peut-être plus complexe de lutter contre des groupes plus diffus et intégrés dans la population que contre un mouvement séparatiste qui se bat dans un territoire limité.
Apparemment, le gouvernement ne prend guère la mesure du problème et a décidé de concentrer ses moyens contre les séparatistes du Nord puisque, à la date du 20 septembre, deux colonnes militaires de plusieurs dizaines de véhicules et de blindés appartenanant aux FAMA (forces armées maliennes) et à l’Africa Corps faisaient mouvement vers le nord du Mali et vers Kidal dans le but de renforcer la lutte contre les Touaregs et de laver la défaite cinglante de Tin Zouatine.
Cet envoi massif vers la frontière n’est pas de nature à plaire à l’Algérie, protectrice des Touaregs, qui a fait part de sa préoccupation à Bamako et qui considère que la lutte contre les djihadistes doit être un objectif prioritaire pour l’ensemble de la région. Les relations entre les deux pays ne sont guère au beau fixe depuis la dénonciation de l’accord d’Alger de 2015, qui prévoyait d’octroyer une certaine autonomie à l’Azawad.
On n’en est plus là, puisque la junte a pour objectif de casser toute velléité d’autonomie des Touaregs et qu’elle se prépare à y mettre des moyens importants avec l’aide de la milice Wagner. Pas sûr qu’elle y parviendra, même si elle peut remporter des victoires ponctuelles et prendre le contrôle des principales villes. Mais à quel prix ? celui de dégarnir la sécurité dans le reste du pays et permettre aux groupes djihadites d’y mener de nouvelles opérations.
Par ailleurs, dans la mesure où les Touaregs disposent d’un sanctuaire en Algérie et que la confrontation directe avec l’armée algérienne serait suicidaire pour les FAMA, une guerre éventuelle ne pourra pas être gagnée. La Russie, alliée de longue date de l’Algérie et nouvelle intervenante dans le Sahel, s’efforcera d’empêcher toute confrontation directe entre ses deux alliés.
En s’opposant à l’autonomie touarègue et en y consacrant des moyens importants au détriment de la lutte contre les djihadistes, bien plus dangereuse pour le Mali, la junte fait une énorme erreur d’évaluation qu’elle paiera tôt ou tard, soit par l’augmentation de l’insécurité et la multiplication de nouveaux raids des djihadistes, soit par son éviction à la suite d’un nouveau coup d’état.
Enfin, il ne faut pas oublier que les Touaregs disposent d’un nouvel allié, puisque l’Ukraine, en guerre contre la Russie et contre la milice Wagner,a fait son entrée sur le théâtre d’opérations malien et leur a permis d’accéder à des informations sur la position des colonnes détruites à Tin Zouatine et d’utiliser des drones, technique dans laquelle les services ukrainiens sont particulièrement efficaces. Bref, l’armée malienne risque des déconvenues importantes, voire des défaites, qu’elle ne sera guère capable de supporter. Dans la meilleure des hypothèses, elle s’épuisera dans un conflit qu’elle ne peut remporter.
Cela étant, d’une manière ou d’une autre, le dossier de l’autonomie de l’Azawad devra être rouvert à moins qu’on assiste à la partition du pays, ce qui ne déplairait pas tellement à l’Algérie et à la France –du moins pour cette dernière tant que le gouvernement malien actuel reste en place-, qui restent des soutiens discrets ou ambigus des Touaregs.