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Droit et avocats
Banc Public n° 114 , Novembre 2002 , Catherine VAN NYPELSEER
Le Droit est ce qui organise une société: Code de la route, Droit du consommateur, système judiciaire, Droit pénal, Droit public organisant les nombreux pouvoirs législatifs en Belgique... Dans une démocratie moderne, les droits de chacun sont fondés sur des textes établis par “le législateur” élu, censé représenter la volonté populaire. Dans cette optique, il est évidemment fondamental pour le citoyen qui veut améliorer le fonctionnement de l’Etat dans lequel il vit d’en connaître les mécanismes: c’est pourquoi plus de la moitié de nos représentants politiques ont un diplôme universitaire de Droit.
Mais dans l’idéal démocratique, ce ne sont pas seulement les représentants du peuple qui doivent connaître le Droit, mais bien l’ensemble de la population, si l’on veut éviter qu’une oligarchie de fait ne continue à décider d’en haut pour le peuple ce qu’elle estime être bon pour lui.Or, une étude récente de l’Université catholique de Louvain a établi ce que tout le monde savait confusément: l’accès à l’Université est extrêmement peu démocratique. Cela apparait déjà lorsqu’on examine la proportion d’adultes disposant d’un diplôme universitaire dans la population, mais ce que l’étude de l’UCL a mis en lumière, c’est que la plupart de ces universitaires sont issus d’un milieu déjà universitaire puisque l’un de leurs parents au moins est porteur d’un tel diplôme. En Droit, il est frappant de constater en parcourant les listes d’étudiants que beaucoup portent des noms connus dans la pratique judiciaire (avocats, magistrats), et donc le milieu duquel il sont issus est encore plus limité.Accès à l’universitéBien sûr, l’accès à l’université est obéré par le minerval à payer, par le nombre d’années supplémentaires à financer, mais aussi par les mécanismes d’exclusion générés par les groupes sociaux qui entendent s’en réserver l’accès: encouragement d’un soi-disant “esprit de compétition” par des rumeurs sur les “quotas” d’étudiants qui seront admis dans l’année supérieure, et donc sabotage délibéré de l’entraide entre étudiants, absence de syllabus ou d’ouvrage de référence comprenant l’ensemble de la matière à connaître, et donc difficulté accrue pour ceux qui doivent travailler pendant leurs études et ne peuvent assister à chaque cours ex-cathaedra - où pourtant le Professeur répète d’année en année quasiment la même chose à un auditoire de gratte-papiers au rôle purement passif, et s’amusera en outre à interroger le quidam dont la tête ne lui reviendra pas lors de l’examen oral, exclusivement sur la petite partie du cours omise des notes qu’on lui a demandé de relire...En mai 1998, Banc Public avait publié l’ensemble des questions et des réponses du “test de Pâques”, examen écrit conditionnant l’accès des étudiants de première candidature en Droit de l’ULB à la première session. Supprimé en 1999, il était basé sur l’étude “par coeur” de notions souvent parfaitement inutiles pour la suite des études et la vie professionnelle; c’était en fait un redoutable instrument d’échec puisqu’il est bien plus difficile de réussir l’année sans pouvoir présenter la première session, surtout pour des étudiants devant s’adapter à la vie universitaire et n’ayant souvent jamais eu l’occasion de présenter un examen oral.Dans ce numéro, nous vous présentons un dossier sur le projet de diplôme d’études spécialisées (DES) pour l’accès aux professions judiciaires, qui inquiète actuellement les étudiants en Droit parce qu’il vise à conditionner l’accès à la profession d’avocat à une année d’études supplémentaires, en plus des cinq ans de la licence en Droit.Participation des étudiantsMalgré la prétendue participation des étudiants à la vie universitaire, les étudiants élus pour représenter leurs pairs ont été totalement tenus à l’écart de ce projet qui concerne pourtant leur avenir immédiat, puisque les cinq universités francophones ayant des facultés de Droit sont sur le point d’arriver à un accord avec l’ensemble des barreaux de la Communauté française, en vue de démarrer ce DES dès la rentrée prochaine: le nombre d’heures de cours, les intitulés de ceux-ci, la répartition des chaires entre universitaires et avocats sont déjà déterminés.Tout ce beau monde juridique, judiciaire et académique n’a même pas pensé qu’il était de son devoir de fournir une copie du dossier aux représentants étudiants qui le demandaient, en vertu de l’article 32 de la Constitution (“Chacun a le droit de consulter chaque document administratif et de s’en faire remettre copie”, un tel dossier ne tombant manifestement pas sous le coup des exceptions).Nous vous présenterons donc d’abord leur point de vue et leurs questions, tenterons de répondre à certaines de leurs interrogations grâce aux renseignements que nous avons pu obtenir, ensuite nous donnons la parole à Maître André Delvaux, avocat et administrateur responsable de la Commission des cours CAPA et DES de l’Ordre national des avocats pour défendre le projet, puis nous conclurons provisoirement ce dossier qui est brutalement sorti à la “Une” de la presse quotidienne (La Libre Belgique du 8/11/2002) la veille du bouclage de ce Banc Public.Tract des étudiants du BEA - interfac de l’ULBDiffusé fin octobre à l’ULB, ce tract informe les étudiants en Droit des problèmes soulevés par le projet de DES d’accès aux professions judiciaires en voie de finalisation pour l’année académique prochaine, diplôme qui serait obligatoire pour l’accès à la profession d’avocat. Ce système remplacerait celui des cours CAPA, certificat d’aptitude à la profession d’avocat, organisés par les différents Barreaux locaux dans le cadre d’un règlement de l’Ordre national des avocats. Il s’agit de 120 heures de cours sanctionnés par des examens également organisé au niveau local, que les jeunes avocats doivent réussir au cours de leur stage de trois ans chez un maître de stage (un avocat bénéficiant d’au moins dix ans d’expérience).Sixième année d’étudesLe nombre d’heures de cours prévues dans ce DES, entre 240 et 300 heures, représente plus du double du système CAPA actuel. Il sera donc plus difficile pour les candidats avocats de le réussir en même temps que leur première année de stage, et l’effet de la réforme pourrait être d’ajouter une sixième année aux cinq ans de Droit nécessaires pour obtenir la licence.Limitation d’accèsLes Universités ont le droit de limiter l’accès aux DES (article 14 du décret relatif au régime des études universitaires et des grades académiques). Les formations pratiques se conçoivent généralement en petits groupes d’étudiants, il est donc nécessaire d’en limiter le nombre. Il s’agirait d’une limitation d’accès supplémentaire à la profession d’avocat, en plus de l’obligation d’accomplir un stage de trois ans très mal payé après les études de Droit.Capacité des universités à former des praticiensLes étudiants se demandent également “si l’université, qui a échoué dans toutes ses tentatives de rendre les licences en droit plus pratiques, est véritablement capable d’organiser une telle formation ”. Ils remettent ainsi en cause l’organisation actuelle des études de droit, et proposent une réflexion globale sur ce sujet, tenant compte notamment des nécessités de réorganisation des études universitaires consécutives aux décisions européennes de Bologne. Une des pistes pourrait être d’intégrer le DES en projet dans la cinquième année des études de Droit, la formation à la pratique du contentieux étant utile à la plupart des professions juridiques.Réunion des étudiants de toutes les facultés de Droit francophonesRéunis à Louvain-la-neuve le soir du 6 novembre dernier, malgré la tempête, les représentants étudiants des cinq facultés de Droit francophones de Belgique (ULB, Saint-Louis, Namur, UCL et Liège) ont décidé de créer une structure de coordination en vue d’obtenir des informations précises sur le projet de DES et de prévenir le danger d’une limitation d’accès à la profession d’avocat dès l’année prochaine. Interview BP La question la plus importante est de savoir si la création de ce DES risque de limiter l’accès à la profession d’avocat. Maître André Delvaux Il est absolument certain que ce n’est surement pas dans l’optique de restreindre l’accès à la profession au point de vue du nombre que le DES a été imaginé. Il est évident que, si les contraintes universitaires faisaient qu’il pouvait y avoir une limitation du nombre d’étudiants, pour le barreau, à mon avis, cela remettrait en cause le DES. D’ailleurs le barreau sait bien qu’il n’est pas en droit d’organiser en quoi que ce soit une réduction du nombre de candidats avocats: ce serait contraire au droit de la concurrence. BP Si vous constatiez que les universités limitaient le nombre d’étudiants, que feriez vous ? AD A ce moment-là , le barreau n’admettrait pas le DES comme préparant au barreau ! BP Comment empêcheriez-vous certains cabinets d’avocats de préférer les stagiaires qui auraient fait ce DES ? AD Pour nous, le DES, quand il existera, sera obligatoire pour tout le monde, puisque l’objectif du DES est d’assurer une formation pratique au sortir de l’université, une formation de haut niveau, de niveau universitaire, mais branchée sur la pratique, d’assurer cette formation uniforme pour l’ensemble de la Communauté française, et donc de donner la même formation à tout juriste, qu’il soit de l’Est ou de l’Ouest. BP Votre but est donc que ce DES soit obligatoire. AD C’est le but des promoteurs, ce n’est pas encore décidé au sein des barreaux, mais c’est inhérent, parce que le barreau ne va pas organiser la formation du CAPA et, en plus, organiser pour partie la formation du DES, ce n’est pas possible. Si le Barreau veut organiser un DES, c’est justement pour améliorer le CAPA, et il ne va pas faire les deux en même temps, cela n’a pas de sens. BP Et donc, concrètement, comment saurez-vous si tout le monde a accès à ce DES? Vous n’avez pas le contrôle sur les universités, qui ont le droit, pour les DES, de sélectionner les étudiants sur les cotes de dernière année, sur la motivation... AD Les universités n’ont jamais parlé de ça. Pour moi, c’est un problème tout-à -fait nouveau et inexistant qui est soulevé: les universités, au contraire, sont demanderesses d’avoir les étudiants, les 250 ou 300 stagiaires chaque année. Il n’y a jamais eu cette optique-là . Le barreau a besoin de jeunes juristes bien formés. Cela n’a pas de sens d’imaginer qu’il va essayer de réduire le nombre de juristes avocats, puisqu’on en a besoin. BP Mais comment contrôlez-vous ce que vont faire les universités? Ce n’est pas dans votre pouvoir, vous pouvez contrôler dans une certaine mesure ce que font les avocats, mais pas les universités. Mettons qu’ils vous disent: “Le budget ne nous permet pas, il faut des groupes d’autant d’étudiants, etc.”, et que, de facto, il y ait une limitation. AD A ce moment-là , le DES ne remplira pas ce que nous attendons de lui, alors on ne considérera pas que c’est une formation valable pour aller au barreau. BP Vous avez un contrôle complet sur les cours CAPA. Dans le nouveau projet, vous abandonnez ces cours CAPA que vous organisez entre avocats, et vous déléguez une partie de cette mission aux universités. AD L’accord que l’on a avec les Facultés de Droit est d’assurer la plus grande concertation et collaboration entre les deux groupes. Donc, par exemple, il y a la moitié des professeursqui doivent être issus du Barreau. BP Comment vous y prendrez-vous pour formaliser cet accord? Y aura-t-il une intervention de la Communauté française? AD Une des demandes est que cette formation soit financée aussi par la Communauté française. Il n’y a pas de raison que le barreau doive former ses stagiaires à charge des patrons et, en définitive, du client, plutôt qu’à charge de la collectivité. BP Quand vous dites que vous voulez mettre des conditions, qu’il y a un accord, par exemple pour que la moitié des enseignants soient avocats, par quel instrument juridique allez-vous faire respecter cet accord ? AD Je ne sais pas vous répondre. Il y a un accord avec un Comité d’accompagnement, qui est présidé pour le moment par un avocat, qui est composé de représentants des universités, des cinq facultés de Droit, il y a deux membres du Barreau, on espère qu’il y aura des magistrats aussi puisque l’objectif, qui n’est pas encore acquis pour le moment, c’est que ce soit une formation aussi commune magistrats-avocats, dans l’optique d’éviter le développement de cultures séparées, et les conséquences négatives de l’Ecole de la Magistrature en France, où les magistrats et les avocats finalement ne se comprennent pas, et cela me parait au détriment du justiciable, d’après ce que me racontent des Français. Je voulais revenir sur le fait: on va déléguer à l’université la sanction, le diplôme, vous savez que par ailleurs on reproche au Barreau de sanctionner lui-même les épreuves du CAPA, en disant: “Vous allez favoriser les gens du milieu, entretenir le népotisme, diplômer le fils de magistrat..” BP Il y avait une contestation sérieuse des cours CAPA, à part les universités qui veulent organiser leur formation ? AD Non, c’est le barreau qui est demandeur, parce que, pour le moment, le CAPA est fondé sur le dévouement et le désintéressement de certains avocats qui dispensent la formation dans l’intérêt général, et, à un moment donné, ça a ses limites. Ce sont des avocats qui forment de futurs concurrents. Et puis, être enseignant, c’est un métier. D’autre part, le barreau est tout à fait partie prenante puisqu’il y aura au minimum 50 % d’enseignants qui seront des avocats. BP Il y a une autre objection qui est soulevée dans le tract des étudiants du BEA de l’ULB, c’est qu’ils estiment que l’université a échoué dans l’enseignement de la pratique, et pourquoi alors l’université réussirait-elle avec une année supplémentaire ce qu’elle n’a pas réussi en cinq ans? AD Mais l’objectif du barreau n’est pas de dire que l’Université ne réussit pas sa formation. Il est de dire: pour être avocat, il faut une formation pratique complémentaire. Comme pour les notaires: on dit bien qu’il faut une licence en notariat, et personne ne discute ça. Nous voulons une formation particulière pour les juristes qui se destinent aux fonctions judiciaires. Et il y a beaucoup d’autres fonctions de juristes tout-à -fait honorables qui ne demandent pas la formation spécifique à la pratique du contentieux, de la procédure, à l’écoute du client, au mode alternatif de règlement des conflits, toutes ces spécificités de formation. A l’université, on apprend le Droit des personnes avec les droits des conjoints, etc., et puis il y a la formation: comment fait-on pour obtenir un divorce ? C’est un autre savoir. Pour être magistrat, maintenant, il faut suivre une formation et réussir un concours. Pour être notaire, il faut obtenir une licence et réussir un concours. Le Barreau ne veut pas recevoir les gens... uniquement le reste, dans le sens négatif du mot! BP Il n’y a pas actuellement de formation destinée aux magistrats. AD C’est exact, mais on en parle. Le Conseil supérieur de la Justice veut s’en occuper. Pour le moment, il n’est malheureusement pas encore acquis à l’idée de cette formation commune, mais le barreau voudrait vraiment bien qu’on en arrive à un projet commun, ou, en tous cas, qu’il y ait un tronc commun, puisque cela s’appelle un “DES préparatoire aux fonctions judiciaires”, pas seulement au Barreau; le Conseil supérieur n’a pas encore pris position de manière positive, c’est vrai. BP Comment se fait-il que, dans la mesure où le CSJ n’a pas encore pris position, et où les Flamands ont laissé tomber le projet, on dise qu’il va entrer en vigueur l’année prochaine? C’est au niveau des barreaux et des universités francophones qu’il y a quelque chose qui avance ? AD C’est cela. BP Donc, si c’est organisé en 2003, cela risque d’être plutôt pour la fonction d’avocat. AD Oui, mais le projet n’est pas finalisé. Pour le moment, on essaie de les convaincre encore. Dans la liste des cours projetés, il y en a un qui s’intitule: “préparation à l’examen de la magistrature”. Mais il faut qu’on obtienne leur adhésion. La situation du jeune étudiant est également un problème qui doit être abordé et qui n’est pas encore réglé. L’idée est de lui laisser le plus grand choix: soit il reste étudiant, soit il devient stagiaire. S’il reste étudiant, il n’a pas le statut d’indépendant, avec les charges que cela comporte. Si le DES réussit, cela veut dire que le jeune titulaire du DES sera plus performant et plus efficace, donc normalement il devrait être mieux rémunéré par l’avocat qui serait son patron de stage, puisqu’il y aurait déjà toute une formation améliorée à la pratique qui aurait été suivie. BP Mais le stage restera de trois ans, cela ne va pas changer. AD Pour le moment, le stage est fixé par le Code judiciaire, donc on ne sait pas le changer simultanément, mais dans la logique, cette année de DES devrait être admise comme la première année de stage. Mais suivre toute la formation et assumer le statut social d’indépendant, ça devient très lourd. BP Donc, cela va faire quand même, pour beaucoup, une année supplémentaire Par rapport à la réforme européenne de l’enseignement de Bologne, en avez-vous discuté? AD On sait que pour les Universités, l’objectif pourrait être de ramener la licence en Droit à quatre ans. Cela pourrait avoir donc pour effet qu’il y aurait donc quatre ans pour être licencié en Droit, suivi du DES. Les deux projets projets pourraient se rejoindre, les deux réformes pourraient être simultanées. BP Mais pourquoi est-ce que vous ne faites pas tout ensemble? Le DES doit être lancé absolument l’année prochaine? AD Parce qu’il nous semble qu’il n’y a pas de raison de retarder le meilleure formation des stagiaires. BP Vous dites que le barreau n’a pas la volonté de limiter le nombre d’avocats. C’est peut-être le cas à Liège, mais, à Bruxelles, il y a beaucoup plusd’avocats, je viens de lire dans la Libre que sur les 1370 stagiaires francophones, il y en a 900 qui sont inscrits au Barreau de Bruxelles. AD Au contraire, les membres du barreau francophone de Bruxelles disent qu’il ne faut pas rendre le DES obligatoire s’il n’est pas obligatoire chez les Flamands, parce que sinon tous les stagiaires vont aller au barreau flamand de Bruxelles. Donc, cela prouve bien que Bruxelles n’a pas envie de perdre des stagiaires. BP Mais s’ils vont au barreau flamand, ils pourront traiter des affaires en français... et seront donc des concurrents des avocats francophones sur la place de Bruxelles. AD Ce n’est pas cela du tout ! Ils veulent que ce soit également obligatoire du côté flamand pour que les gens ne quittent pas le Barreau de Bruxelles, pas pour qu’il y ait moins d’avocats. BP Pourtant j’entends depuis des années qu’il est très difficile de débuter comme avocat à Bruxelles... AD Ce n’est pas parce qu’il y a trop d’avocats, c’est pare que le système de l’aide juridique est indécent ! Ce qui n’est pas acceptable, c’est que l’on n’a pas un système de financement public de l’aide juridique. Mais le barreau n’a jamais dit qu’il n’y avait pas de travail pour les juristes avocats. BP N’empêche que, le système étant ce qu’il est, il y a quand même certains avocats qui n’ont pas envie d’avoir de la concurrence. AD C’est vrai qu’on est tous des concurrents, mais les promoteurs du DES sont des gens qui se préoccupent de la formation et de la qualité de l’avocat, on est convaincus de son rôle important dans la société, et, d’autre part, on veut réagir aussi à tous les gens qui se mêlent de faire du Droit: on crée d’autres diplômes: par exemple les graduats en Droit, secrétaire juridique, parce qu’on veut faire faire une série de prestations que font certains avocats par des gens qui n’ont pas un diplôme universitaire, et donc nous disons: “l’avocat se sauvera par une affirmation de ses compétences de juriste de qualité, et sera toujours nécessaire puisque le Droit est de plus en plus complexe”. BP Donc, le projet, c’est bien un passage obligatoire qui, en théorie, dure un an, et qui, dans votre idée, vu la charge de travail, peut être difficile à faire en même temps que le stage. Donc, c’est plutôt une formation supplémentaire. AD En effet, il vaut peut-être mieux garder le statut d’étudiant que devoir assumer en même temps le statut d’indépendant. L’avocat stagiaire, quand il commence la première année, doit suivre une formation. Il doit assumer le statut social, la plupart du temps payer une voiture... Il ne faut pas oublier que celui qui paye, c’est quand-même le client, dont on dit qu’on doit assumer l’accès à la Justice et il faut que l’avocat ne coûte pas trop cher. Chaque fois qu’on dit que le patron doit payer quelque chose pour le stagiaire, en fait, c’est le client qui le paye. Ceux qui disent qu’il faut mettre des charges sur le patron, en fait grèvent l’accès à la justice. BP Ce n’est pas non-plus le stagiaire qui doit supporter le fait que la société ne veut pas aider l’accès à la Justice. Ce n’est pas juste que ce soit le stagiaire. AD D’accord, tout à fait. Mais quand on dit: “le Barreau doit supporter le formation des jeunes”, ça veut dire “le client doit supporter la formation des jeunes”, concrètement.
Pour des raisons techniques Banc Public n'a pas pu assurer la relecture de cet interview par Maître Delvaux..
Conclusion
La volonté de réformer les études de Droit, et de rechercher une meilleure formation pratique des jeunes diplômés, en vue d’une efficacité plus rapide sur le marché du travail, peut être une préoccupation démocratique dans la mesure où elle rompt avec le modèle ancien où les fils d’avocats, de notaires ou de magistrats avaient appris la pratique “sur le tas” bien avant d’entamer leurs études. Cet objectif ne sera évidemment pas atteint si la réforme envisagée aggrave encore la condition sociale de l'avocat stagiaire, dont la précarité constitue de facto une limitation du recrutement aux catégories aisées.
Catherine VAN NYPELSEER |
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