Le préjudice global a été évalué à 55 milliards d’euros en quinze ans. Le scandale est arrivé d’Allemagne, où la fraude s’élève à plus de 7 milliards d’euros. La fraude est d’ampleur européenne, et concerne aussi la France, le Danemark, la Belgique… Le Monde a travaillé sur l’affaire aux côtés de médias de toute l’Europe. En Allemagne, l’hebdomadaire Die Zeit et le site d’investigation Correctiv ont œuvré à l’enquête, mais le rédacteur en chef du site Correctiv est poursuivi par la justice allemande, justement pour avoir trop bien enquêté sur le scandale CumEx.
On lui reproche les faits d’incitation à la violation du secret des affaires. «C’est une attaque à la liberté de la presse», a réagi la rédaction de Correctiv. On aurait pu s’attendre à ce que la justice poursuive ceux qui ont volé cet argent et le récupère. Mais ce sont ceux qui ont révélé le scandale qui se retrouvent aujourd’hui poursuivis sur la base d’une demande des autorités suisses, qui ont elles-mêmes engagé une procédure à la suite d’une plainte d’une banque suisse lourdement impliquée dans le scandale CumEx. Oliver Schröm aurait incité un collaborateur de la banque suisse à révéler l’implication de la banque suisse dans CumEx.
Les poursuites engagées contre le rédacteur en chef se basent sur une loi déjà existante. Mais les journalistes sont d’autant plus inquiets que le Parlement allemand discute depuis cet automne d’une loi qui transposerait dans le droit allemand une directive européenne sur le secret des affaires des entreprises privées.
En France, une loi sur le secret des affaires a déjà été validée par le Conseil constitutionnel fin juillet.
L’Agence du médicament a refusé de rendre publique l’autorisation de mise sur le marché de la nouvelle formule – controversée – du Levothyrox, un médicament pour la thyroïde. Après la mise sur le marché de sa nouvelle formule, les signalements d’effets secondaires s’étaient multipliés. Plusieurs dizaines de plaintes avaient été déposées par des patients, mais l’Agence du médicament a préféré dissimuler des informations aux patients au nom du secret des affaires.
Plus largement, la loi de protection du secret des affaires adoptée en France pourrait aussi permettre, comme en Allemagne, aux entreprises de poursuivre des journalistes devant des tribunaux du commerce. Toujours sur la base de cette nouvelle loi, des représentants du personnel peuvent être poursuivis pour avoir diffusé des informations aux salariés.