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Interdiction des voitures diesel EURO5 à Bruxelles (II)

Banc Public n° 306 , Juin 2024 , Michel Legrand



 

Les résultats électoraux rebattent les cartes : le moratoire au centre des tractations


 

 

Au 1er janvier 2025, les voitures DIESEL EURO 5 seront interdites dans les zones de basse émission (ZBE-LEZ -Low Emission Zones). Ainsi, à Bruxelles, ce sont 32.000 véhicules immatriculés avant 2013 qui sont concernés. On ne parle pas ici des vieux moteurs thermiques au mazout déjà exclus, mais bien de moteurs déjà relativement propres dotés d’un filtre à particules censé retenir les particules fines. Rappelons que ces véhicules sont soumis au contrôle technique annuel qui porte notamment sur le taux de rejet de CO2 et donc sur le fonctionnement correct du filtre.

 

Cette mesure d’interdiction sans disposition transitoire sérieuse est abusive et peu efficace.

 

Sur le plan social, elle va contraindre des milliers de propriétaires, soit à racheter un nouveau véhicule, soit à s’en passer définitivement. Dans les deux cas, ce sont les personnes les plus précaires qui devront payer l’addition, les autres pourront se payer un nouveau véhicule ou à tout le moins un véhicule à la norme EURO 6b ou EURO 6d, respectivement autorisés jusqu’en 2028 ou 2030 !

 

Sur le plan écologique, le gain reste marginal, voire négatif, puisque les véhicules condamnés se retrouveront dans d’autres régions (en Wallonie ?) ou dans d’autres pays. Ainsi, les véhicules japonais diesel EURO5 sont exportés facilement en Afrique et déjà achetés à leur arrivée, voire lors de leur trajet !

Par ailleurs, le remplacement forcé des véhicules en état de marche et souvent bien entretenus (sans compter ceux qui ne roulent pas beaucoup)  aura pour effet direct d’augmenter la production de véhicules neufs qui est elle-même très polluante. Il n'est donc pas certain que la balance écologique soit positive; on peut même craindre qu’elle soit négative en fonction de la production de nouveaux véhicules.

 

Enfin, remarquons que l’industrie automobile s’est engagée depuis une quinzaine d’années dans la production de véhicules de plus en plus puissants et de plus en plus lourds, soi-disant plus propres… mais consommant autant d’énergie, voire plus que des véhicules plus anciens, plus légers… et un peu moins propres. Mais comme chacun sait, ces véhicules de deux tonnes polluent moins… mais rapportent beaucoup plus aux industriels. Sur ce point, on n’entend guère les responsables politiques, qui, il faut le constater, ne donnent pas le bon exemple.

 

Par ailleurs, l’avenir de la voiture électrique marque le pas et certains constructeurs commencent à rétropédaler. Enfin, il est également possible que le Parlement européen revienne sur l’interdiction des moteurs thermiques décidée à partir de 2035. Relevons également que le producteur de batteries, le Belge Umicore, revoit sa croissance à la baisse et chute en bourse.

 

L’éradication brutale de dizaines de milliers de véhicules est donc tout à fait abusive, tant sur le plan social et économique que sur le plan écologique.

Il eût donc fallu prévoir des mesures transitoires permettant aux propriétaires actuels de ces véhicules de les utiliser dans la zone de basse émission où ils étaient domiciliés (voir notre livraison d’avril pour l’analyse des mesures transitoires).

 

Touring monte en ligne

 

L’association de défense des automobilistes était sortie du bois et avait adressé le 26 mars au gouvernement bruxellois une demande de moratoire pour les véhicules diesel EURO 5.

 

Touring avait lancé un appel pressant pour instaurer un moratoire sur l'exclusion des véhicules Euro 5 diesel de la zone de basse émission bruxelloise en 2025. L'organisation a souligné la nécessité d'une évaluation minutieuse des impacts potentiels de cette mesure, ainsi que la mise en place de mesures d'accompagnement adaptées aux réalités économiques, écologiques et infrastructurelles.

Cette interdiction aurait un impact significatif sur les résidents de Bruxelles, laissant un quart des voitures diesel de la ville immédiatement inutilisables.

Touring avance cinq raisons cruciales pour soutenir ce moratoire. Tout d'abord, l'exclusion hâtive des véhicules Euro 5 entrainera d'importantes pertes économiques pour tous les acteurs concernés. Ensuite, le remplacement forcé de véhicules encore fonctionnels favorise une obsolescence prématurée, malgré leurs faibles émissions grâce aux filtres à particules. De plus, un moratoire permettrait une transition plus douce vers les véhicules électriques (VE), en attendant une offre plus diversifiée et abordable sur le marché. Par ailleurs, le durcissement des critères de la LEZ (low emission zone, zone à faibles émissions) menace le pouvoir d'achat de nombreux citoyens, les contraignant à faire face à des choix économiques difficiles. Enfin, la transition vers les VE nécessite une infrastructure de recharge adéquate, actuellement insuffisante pour répondre aux besoins croissants.

 

Le PS avait embrayé !

 

Il n’avait pas fallu longtemps pour que le PS, sensible aux arguments évoqués et aux sirènes électorales, abonde sans détour dans le sens du moratoire. La ministre fédérale des Pensions K. LALIEUX avait défendu le principe du moratoire,  rejointe par le président de la fédération socialiste A. LAAOUEJ.

 

Ces deux remises en question n’avaient guère impressionné ECOLO qui continuait à camper sur une fin de non-recevoir.

 

« Reporter enverrait un mauvais signal », déclarait le ministre ECOLO Alain Maron !

 

ECOLO, toujours aussi doctrinaire, s'opposait au moratoire demandé par Touring et souhaité par le PS! De nouveau, ECOLO adoptait une position antisociale inacceptable! Rappelons que les véhicules concernés sont propres et dotés d'un filtre à particules. Rappelons aussi que la mesure décidée va renchérir considérablement le prix du marché de l'occasion et provoquer la mise au rebut ou l’exportation de 32.000 véhicules usagés!

 

Enfin, contrairement aux déclarations de MARON, rien de sérieux n'a été prévu pour accompagner la transition et pour permettre aux résidents bruxellois de continuer à utiliser leur véhicule. Le moratoire a donc du sens : en effet, dans deux ans et demi, le nombre de véhicules concernés aura considérablement décru et avoisinera tout au plus à 10.000 unités. Par ailleurs, le moratoire évitera le renchérissement du prix des voitures d’occasion vers lesquelles les moins nantis ou les plus hésitants se dirigeront. On pouvait espérer qu’ECOLO abandonnerait sa position doctrinaire, d’autant que les deux autres Régions avaient déjà reporté la mesure d’interdiction au 1er janvier 2028 !

 

Quand vous irez voter le 9 juin, pensez-y, écrivions-nous dans notre numéro d’avril! Il faut croire que certains y ont pensé puisqu’ECOLO s’est pris un râteau en perdant près de la moitié de ses électeurs et plus moitié de ses représentants au Parlement bruxellois (de 15 à 7).

 

Certes, ECOLO paie bien d’autres décisions comme le plan mal nommé GOOD MOVE ou encore ses positions sur la laïcité ou sur l’abattage sans étourdissement. Il n’empêche que le seul opposant francophone radical au moratoire ne fera plus partie du gouvernement et ne disposera plus du potentiel pour s’y opposer.

 

A l’heure actuelle, à l’exception donc d’ECOLO,  tous les partis francophones, PS et PTB en tête, défendent le principe du moratoire. Apparemment, sans que cela soit tout à fait clair, les deux partis de gauche défendent le moratoire de deux ans afin d’aligner la Région bruxelloise sur les deux autres Régions.

 

A la date du 5 juin, à la veille des élections, selon La Dernière Heure, les autres partis francophones, à l’exception d’Ecolo, demandaient le report de la Lez. Bien entendu, il faudra prévoir une légère adaptation”, a déclaré David Leisterh (MR).

 

Selon Bernard Clerfayt (Défi), “il est bon de maintenir” le calendrier, mais “de légères adaptations” sont possibles en raison des retards de livraisons (des nouveaux véhicules). “Mais ça doit rester léger car il faut maintenir le cap d’une ville avec un air pur et qui respecte les objectifs climatiques.”

 

Pour Les Engagés, “une adaptation du calendrier” est souhaitable "pour qu’on puisse reporter un petit peu”. “On parle de six mois, puis évaluer après six mois pour voir s’il faut encore rajouter six mois”, a fait savoir Christophe De Beukelaer (Les Engagés).

 

La droite flamande entend également postposer le calendrier. “Dans le pire des cas, un léger report est envisageable. Mais il faut garder l’objectif”, dit Sven Gatz (Open VLD). “Six mois on peut le faire, mais pas plus.” A la NVA, on demande également des “adaptations” afin de se calquer sur les calendriers de Gand et d’Anvers. “Donc un petit report”, demande Cieltje Van Achter (NVA).

 

Trois partis refusent de toucher au calendrier : Ecolo, Vooruit et GROEN. Pour Zakia Khattabi (Ecolo), “il faut se pencher sur les mesures d’accompagnement. C’est d’ailleurs Alain Maron et Elke Van den Brandt qui ont mis sur la table ces premières mesures d’accompagnement pour respecter un calendrier qui a été adopté bien avant que nous soyons là, sous Céline Fremault (Les Engagés).”

 

Remarquons que ces mesures d’accompagnement ne sont pas sérieuses.

Un niet au report appuyé par son homologue Elke Van den Brandt (Groen). “La qualité de l’air n’est pas quelque chose qu’on peut postposer.” Idem chez les socialistes flamands. “Le calendrier est connu depuis longtemps. Beaucoup de Bruxellois ont déjà fait des démarches et ce ne serait pas juste de le changer maintenant”, indique Ans Persoons (Vooruit).

 

Notons qu’au niveau flamand, Vooruit se montre plutôt défavorable aux extensions de Lez, jugées asociales. Une position qui n’est pas applicable à Bruxelles ( !), car Vooruit estime que les alternatives à la voiture sont davantage développées. Pour Vooruit, les Flamands de Gand et d’Anvers peuvent donc garder leurs véhicules anciens, mais pas les Francophones de Bruxelles ! On appréciera la position de ce micro-parti.

 

En conclusion, si le gouvernement bruxellois réunit du côté francophone le MR, le PS et Les Engagés et du côté flamand les trois partis traditionnels et GROEN (1), la balance sera favorable au report même si GROEN et Vooruit risquent de s’y opposer. Mais leur poids sera-t-il suffisant devant le PS et à l’aube des élections communales ?

 

En effet, un refus flamand avant les élections risque d’amoindrir les partis traditionnels flamands et de renforcer le parti de gauche islamiste fondé par un transfuge de Vooruit, qui a raflé trois sièges aux élections, qui lui défend le moratoire et qui se présentera dans les communes bruxelloises de l’ouest (Molenbeek et Anderlecht) !  

 

 

Michel Legrand

     
 

Biblio, sources...

 

  1. Ce dernier parait incontournable avec ses quatre sièges sur 17.

 
     

     
 
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