C’est néanmoins une avancée majeure qu’il faut souligner. Elle est le résultat d’une forte mobilisation depuis 2016, d’un relais de la commune de Forest et d’un accord politique régional datant de 2021.
Sous ce nouveau statut, si elle n’est pas pour autant considérée « réserve naturelle », cette partie du plan d’eau devrait être protégée de toute construction/réduction bien qu’elle soit toujours située en zone déterminée « constructible » par le Plan régional d’affectation du sol (PRAS). C’est donc un grand pas dans la protection de ce qui était encore relativement récemment considéré comme une « flaque » ou une « inondation ».
Lors de l’achat du site par la Région en 2021, le gouvernement avait envisagé de fortement charger la barque (ou plutôt le
plan d’eau !) : construction de 2 blocs d’appartements de part et d’autre sur le
plan d’eau, doublement du Métropole (le bâtiment qui a les caves dans l’eau), parc infrastructurel, cyclostrade/infrastructure cyclologistique,… Sous les pressions tant des citoyens que de la commune et vu les réalités du terrain, la voilure a été, semble-t-il, sensiblement réduite.
Pour autant, le danger d’assèchement définitif d’une partie du plan d’eau est toujours bien présent et la volonté de construire des appartements sur sa partie nord était bien maintenue par le gouvernement bruxellois actuellement en affaires courantes.
En janvier 24 , l’impact que des constructions prévues (Citydev) auraient sur le Marais Wiels était fortement minimisé par le ministre Alain Maron prêt à faire des concessions au PS (Rudi Vervoort) et de Vooruit (Ans Persoons), bien décidés à bétonner cette partie du plan d’eau. Au dire du ministre de l’Environnement venu sur place, les négociations ne semblaient pour le moins pas aisées.
Pourtant, il existe des alternatives. Une série de bâtiments quasi à l’abandon voire proches de l'effondrement, sur des
terrains déjà artificialisés et voisins du site, ont été signalés par l’asbl Marais Wiels Moeras. Le collège de Forest avait relayé l’information auprès de la Région et lui avait proposé des alternatives permettant de créer du logement sur des espaces déjà artificialisés dans le quartier.
L’échevin socialiste chargé de la revitalisation des quartiers, des contrats de quartiers et des contrats de rénovation urbaine, Charles Spapens, candidat bourgmestre, déclarait plus tard dans la
presse s’opposer à la construction entre le Brass et le Métropole et se réjouir de l’achat par la Région du bâtiment jouxtant au nord le Marais Wiels. Il n’a néanmoins pas dit être opposé à la construction sur cette partie. Une prise
de position claire et nette, à la veille des élections communales, serait bienvenue.
Étude hydrographique trop limitée dans les moyens, le temps et la surface
Tant des citoyens et des associations que la commune de Forest s’étonnent quant à la superficie calculée de ce nouvel étang régional. Lors de l’enquête publique qui s’est déroulée fin 2023, ils ont fait part de leurs questionnements et observations qui, concernant le Marais Wiels du moins, sont restées lettre morte.
Une étude académique très fouillée, réalisée à l’ULB à partir de photographies aériennes, de cartes disponibles dans le domaine public, d’analyses de la composition des zones
de végétation et d’observations citoyennes, débouche sur un constat sans appel : il existe bien une saulaie, mais sa surface est plus limitée que celle affirmée par BE. Le rapport universitaire démontre que l’étude hydrographique de 2021 ignore certaines réalités. Que la partie nord du site, sous un couvert végétal certes dense, fait clairement partie du système étang
L’asbl Marais Wiels Moeras, forte de cette étude, a eu recours à un géomètre pour délimiter les contours de l’« étang Wiels ». Superficie calculée par l’expert : 8752 m2 !
Pour reconnaitre le Marais Wiels en tant qu'étang régional et en réduire la superficie à 6460 m2 dans son « Atlas de l'eau », l’institution publique s’est basée sur un relevé géométrique réalisé en février 2022, faisant suite à une étude hydrographique réalisée à l’été 2021 qui visait à établir la topographie et la bathymétrie (mesure de la profondeur et du relief d'un plan d'eau) du plan d’eau accidentel.
Si elle a été précieuse, entre autres, pour démontrer le lien entre le plan d'eau et les nappes phréatiques inférieures, cette étude considère erronément la partie nord du Marais Wiels comme une saulaie.
Il s'agit en réalité d’une zone hétérogène essentiellement composée d'une roselière remplissant les critères pour être considérée comme étang. La zone nord comporte de vastes parties assez profondes, toujours sous eau. Cette zone n’a par ailleurs (et c’est grave) pas été incorporée à l’étude bathymétrique au prétexte qu’elle ne serait immergée que de manière occasionnelle et partielle. Cette exclusion totale (et dénoncée entre autres par l’étude universitaire) pose question.
Le manque d’utilisation de techniques actuelles, de sciences participatives et de temps consacrés à la recherche pour déterminer l'exacte surface de l'étang est regrettable.
L’échevin écolo forestois Alain Mugabo, au nom du collège de la Commune de Forest, répondait à une interpellation du MR local :
« Le Collège a demandé à Bruxelles Environnement d’apporter les modifications nécessaires quant à l’emprise «du Marais Wiels ». L’Atlas doit en effet être conforme au contexte actuel et à la réalité écologique et topographique. Or, il semble que l’emprise proposée, à savoir environ 6400m², provienne d’une étude menée à la mi-2021 afin d’établir la topographie et la bathymétrie du Marais Wiels, qui a trop rapidement classé la zone nord du site comme
« saulaie » sans lien avec la masse d’eau principale. Selon une contre-expertise récente, il s’agit pourtant - botaniquement parlant - d’un ensemble composé d’une roselière au nord et d’une saulaie-roselière au sud. Nous espérons donc qu’à la lumière de ce nouvel élément, Bruxelles Environnement changera son fusil d’épaule. »
Du côté de l’opposition régionale, le sénateur MR Gaëtan Van Goidsenhoven commentait le refus de la majorité à la Région (PS-ECOLO-DéFI) d'examiner le texte de la proposition de résolution relative à la préservation du Marais Wiels introduite par le MR : « Ainsi, afin d’apporter une protection juridique pérenne au « Marais Wiels », la présente proposition de résolution demande concrètement de modifier, lors de la révision du Plan régional d’affectation du sol, la carte des affectations, de manière à ce que ce plan d’eau y soit affecté en élément graphique « eau ». Étant donné la dimension du plan d’eau, dont la surface est estimée entre 8.500 et 9.500 mètres carrés, il ne ferait alors guère de doute que la prescription générale A.0.4 du PRAS lui serait applicable. Dès lors, tous les actes et tous les travaux amenant à la réduction de la surface du « Marais Wiels » seraient interdits, quel que soit le motif.
Il est enfin proposé d’intégrer au futur Atlas du réseau hydrographique l’intégralité du périmètre de ce plan d’eau, de manière à ce qu’il soit reconnu en tant qu’« étang régional » au sens de l’ordonnance du 16 mai 2019 relative à la gestion et à la protection des cours d’eau non navigables et des étangs. ».
A la veille de la formation du gouvernement régional et des élections communales, il ne semble pas inutile de rappeler ces prises de position.
Ceci n’est pas un atlas !
Factuellement, l’entièreté du plan d’eau est un étang de 8752 m2. Un relevé de géomètre et une contre-cartographie en
?
attestent. Que l’administration soit
contrainte par un accord politique, on peut le comprendre (pour autant que l’accord politique ne soit pas contraire à la législation). Mais qu’un Atlas ne soit pas objectif et conforme à l’existant, c’est plus inquiétant. L’Atlas est ici plutôt un outil de gestion.
Selon Bruxelles Environnement, « ce nouvel atlas a nécessité un conséquent travail de relevé par géomètre et cartographie selon une méthodologie uniforme préalablement établie par Bruxelles Environnement. C’est la raison pour laquelle l’Atlas ne recense pas tous les étangs, zones humides ou marais de la Région, mais uniquement ceux répondant aux critères légaux de l’ordonnance précitée. Toutefois, attentif aux nombreuses réactions émises à ce sujet, lors de l’enquête publique, Bruxelles Environnement travaille d’ores et déjà à une actualisation de l’Atlas afin d’englober ces éléments constitutifs du riche réseau hydrographique bruxellois » . Dont acte.
A l'heure où l'eau en milieu urbain est une question cruciale reconnue, Bruxelles Environnement devrait jouer en la matière un rôle proactif et proposer une cartographie précise (avec méthodologie claire), conforme à l’existant, .... et réalisée en dehors des intérêts économiques que représente cette zone forestoise actuellement toujours constructible dans le PRAS. Étant donné les objectifs et le contenu de l’ordonnance du 16 mai 2019 relative à la gestion et à la protection des cours d’eau non navigables et des étangs, la reconnaissance de ce statut aurait dû être envisagée indépendamment de toute considération programmatique sur le site.
La robustesse actuelle de ce plan d'eau, sa biodiversité, son efficacité dans la lutte contre les inondations, contre les îlots de chaleur et les inégalités environnementales et sociales seraient fortement atteintes si sa surface était injustement et irrégulièrement réduite. On voit mal par ailleurs comment Citydev (toujours pas propriétaire) pourrait, à cet endroit, sans énormes frais et sans procès, construire du logement acquisitif abordable. La non- désignation « étang » de la partie nord du plan d’eau entraînera une mise à mal plus aisée de cette zone qui est par ailleurs le refuge d’espèces y trouvant un intérêt pour leur alimentation, une halte ou encore des espaces pour nicher et se reproduire.
Une procédure devant le Conseil d’État pourrait mettre en péril l’ensemble de l’Atlas du réseau hydrographique de la Région de Bruxelles-Capitale qui, il faut le reconnaitre, a nécessité un travail conséquent et constitue une très belle avancée. Aucun recours (qui aurait par exemple eu comme moyen un défaut de motivation) ne sera introduit à ce stade par l’asbl Marais Wiels Moeras. Il faudra continuer la gaie résistance! TOUT EST ÉTANG, un nouveau slogan ? Il faudra continuer à exiger que l’entièreté du plan d’eau apparaisse au PRAS.
Une procédure de demande de classement en tant qu’ensemble patrimonial, culturel et naturel est par ailleurs lancée par le Cercle d’Histoire de Forest qui soutient ainsi l’asbl Marais Wiels Moeras dans son combat pour la défense de TOUT le Marais Wiels.
Rappel : la prescription 04 du 1er alinéa du PRAS prévoit que sont interdits les actes et travaux amenant à la suppression ou à la réduction de la surface de plans d'eau de plus de 100 m2 et les travaux amenant à la suppression, à la réduction du débit ou au voûtement des ruisseaux, rivières ou voies d'eau. …
Or la zone nord non désignée « étang régional » dans l’Atlas … est un plan d’eau de plus de 100m2 ! … Mais qu’est-ce qu’un plan d’eau ?
Une chose est certaine : l’eau du Marais Wiels est bien plus claire que la notion de « plan d’eau » !
Ah au fait ! Cette année, les cygnes sont 9 !