Grippe cochonne et conflits d'intérêts, suite…

Banc Public n° 185 , Décembre 2009 , Frank FURET



Le gouvernement polonais refuse d'acheter des vaccins contre la grippe H1N1 sans études sérieuses démontrant leur sécurité et leur rapport bénéfices - risques.
En réponse aux pressions de la Commission européenne, qui pousse la Pologne à faire comme la plupart des pays européens, c'est-à-dire acheter massivement des vaccins et du Tamiflu, le premier ministre Polonais Donald Tusk a critiqué ouvertement l'absence d'évaluation sérieuse des vaccins ainsi que le refus des laboratoires pharmaceutiques d'assumer leurs responsabilités en cas d'effets secondaires graves et/ou autres défauts des vaccins pandémiques.

Ewa Kopacz, ministre polonaise de la santé, a critiqué vertement les contrats douteux proposés par les laboratoires et reproche aux fabricants de vaccins l'absence de transparence sur leurs effets secondaires. Il est pour elle très curieux que des laboratoires qui commercialisent des produits «miraculeux» au point de ne pas avoir d'effets indésirables exigent que les contrats les exonèrent d'avance de toute responsabilité juridique pour les éventuels défauts de leurs vaccins. Pourquoi les firmes tiennent-elles à ce point-là à avoir une immunité juridique si elles n'ont rien à cacher et que leurs produits sont sûrs?
Pour les autorités polonaises, en l'état actuel, les vaccins ne servent donc que les intérêts financiers des laboratoires qui les commercialisent. Les administrer massivement serait jouer avec la santé de la population. La radio polonaise signalait que le 13 novembre 2009 il n'y avait qu'un peu plus de 220 cas de grippe A signalés en Pologne.
La rapporteuse suédoise (PPE) du paquet médicament, Susanna Haby, estimait déjà en juin 2009 que les propositions de réglementation Européennes de décembre 2008 régissant l'autorisation et la sécurité des médicaments (le «paquet pharmaceutique») sensées permettre la  lutte contre les médicaments de contrefaçon et améliorer l'information aux patients étaient biaisées, et favorisaient les entreprises pharmaceutiques, risquant de mettre en danger les consommateurs. Le fait que le paquet ait été élaboré par la DG Entreprise et Industrie et non par la DG Santé en disait, selon la rapporteuse, «long sur ceux à qui les mesures profiteront alors qu'elles auraient dû servir les intérêts des patients en premier».
Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) s'était, à l'époque, également dit insatisfait de ces propositions qui, selon lui, ne répondaient pas au besoin d'information des consommateurs car «offrant simplement aux compagnies pharmaceutiques une plus grande flexibilité quant à la promotion de leurs produits». 
Pour les associations critiques, la Commission Européenne travaille main dans la main avec l'industrie pharmaceutique pour imposer, entre autres, le "paquet pharmaceutique", qui abandonnera la pharmacovigilance aux firmes et fera en sorte que celles-ci puissent notamment contourner les faibles restrictions actuelles quant à la publicité pour les médicaments et à l'accès direct aux patients.
Elles dénoncent au niveau de l'UE la subordination de la santé aux impératifs économiques: en effet, tout ce qui touche de près ou de loin aux médicaments est régi non pas par la Direction générale Santé et protection des consommateurs (DG Sanco), mais par la Direction générale Entreprises et industrie (DGE), dont les conflits d'intérêts ont été dénoncés à maintes reprises. 
La  santé publique apparaît donc comme "gérée" en  fonction des intérêts économiques, puisque l'agence européenne de sécurité sanitaire et du médicament (EMEA) est subordonnée à la Direction des entreprises et de l'industrie. L'association européenne des industriels pharmaceutiques (EFPIA) s'est par ailleurs opposée au transfert des compétences de régulation vers la DG Sanco, la Direction générale Santé et protection des consommateurs, qui semble de plus en plus servir d'écran de fumée.


Frank FURET

     
 

Biblio, sources...

«La Pologne refuse les vaccins mal testés contre la grippe», Pharmacritique, 23 novembre 2009

«Vaccination H1N1…Pour ou contre?», Docteur Erard de Hemricourt, www.santenews.eu, 9 novembre 2009

 
     

     
   
   


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