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Les affaires sont les affaires
Banc Public n° 182 , Septembre 2009 , Frank FURET
Le dernier rebondissement de l’affaire des bonus de BNP-Paribas, ont conforté Paul Jorion dans l’idée que les gouvernements sont impuissants d’une part à cause de l’incompétence qu’ils s’attribuent en matière financière et d’autre part à cause de la propension constante qu’ ils ont eu de placer la sphère financière en dehors de leur propre juridiction.
C’est le cas en Europe, où les gouvernements de 15 pays ont confié leurs pouvoirs en matière monétaire et réglementaire à une banque centrale supranationale, et aussi, et depuis beaucoup plus longtemps, aux Etats-Unis, où la Réserve fédérale n’a pas cessé de gagner en pouvoir au fil des années. La plupart des politiques, de la droite au centre gauche ont fait leur l’idéologie des marchés autorégulateurs, décrétés plus efficaces que les Etats.
Des domaines de décision essentiels ont donc été retirés aux politiques et confiés à des institutions proclamées autonomes, peuplées d’économistes formés aux thèses néo-libérales de l’Ecole de Chicago. On a alors, sous prétexte d’indépendance, retiré entièrement la finance de la sphère d’influence du politique. Cela a permis aux banques centrales, en Europe comme en Amérique, de devenir des Etats dans l’Etat. La Banque Centrale Européenne a été construite sur le modèle non pas des banques centrales européennes mais sur celui de la Réserve fédérale américaine qui fut constituée en 1913 comme une confédération de banques privées. La Fed a été dotée de pouvoirs sans cesse plus importants relevant traditionnellement de la puissance publique. Ces pouvoirs ont encore été élargis récemment en réaction à la crise. La part du revenu national des Etats-Unis captée par la sphère financière n’a cessé d’augmenter du début des années 80 jusqu’en 2006, juste avant que n’éclate la crise des subprimes. Or cette richesse est prise quelque part : elle a son origine dans l’économie réelle. Ainsi une spéculation massive à la hausse génère des profits pour les banques et leurs investisseurs et une perte de pouvoir d’achat pour les consommateurs. Et lorsqu’il s’agit d’une spéculation à la baisse, ce sont les pays producteurs qui en font les frais. Pour Paul Jorion ,il faut d’urgence interdire aux banques de s’écarter de leur métier d’origine : l’intermédiation entre épargnants et investisseurs qui constitue un rouage économique indispensable. Réserver les marchés financiers à ceux qui en ont besoin au titre d’une assurance et interdire leur accès aux intervenants qui n’y viennent que pour parier sur les fluctuations de prix.
Cette séparation de la banque de crédit de la banque d’investissement était en vigueur jusqu’à la présidence de Bill Clinton, grâce au Glass-Steagall Act mis en place durant le New Deal de Roosevelt. Lorsque la crise des subprimes est survenue, la presse entière préconisait le retour à cette mesure. Depuis, on n’en entend plus parler. Pour Jorion, face à un candidat McCain très monté contre Wall Street, la classe financière a massivement soutenu Obama. Lorsqu’il a constitué son équipe, le nouveau président a choisi comme principal conseiller économique, Larry Summers, l’homme qui sous Clinton avait supprimé le Glass-Steagall Act. D’une certaine manière le monde est resté dans la continuité de l’histoire américaine: depuis l’affrontement Jefferson-Hamilton, à la fin du 18è siècle, il semble acquis que les milieux d’affaires dominent la politique des Etats-Unis, aussi bien extérieure qu’intérieure. On ne connaît qu’une seule exception : la période 1933-1941, sous Franklin Roosevelt.
Frank FURET |
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Biblio, sources...
« Pourquoi les pouvoirs publics américains ne peuvent-ils pas s’imposer à la finance aujourd’hui ? » Paul Jorion, 14 août 2009
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