Les auteurs de l’ouvrage collectif “raisons et déraisons de la dette” mettent en parallèle la dette des pays du sud avec celle des pays du nord pour l’esclavage et le colonialisme. Lors de la conférence des Nations unies sur le racisme de Durban en 2001, les pays du nord ont reconnu leurs responsabilités mais n’ont admis aucune compensation.
Le poids économique de la dette est terrifiant: entre 1980 et 2000, environ 4.500 milliards de dollars ont été transférés du sud vers le nord, ce qui correspond à six fois le montant de la dette de ces pays en 1980.
En 2001, le montant de la dette externe des pays sous-développés s’élevait à 2.500 milliards de dollars et représentait 37,4 % de leur PIB total. 75 % de cette dette est public. La dette publique externe mondiale totale est de 45.000 milliards de dollars.
La crise de la dette date du début des années ‘80, quand le Mexique déclara qu”il ne pouvait plus payer les intérêts et le principal de sa dette. Ensuite, vingt-cinq pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine menacèrent d’en faire de même.
L’origine de la crise se situe dans la période 1974-1981, lorsque l’OPEP quadrupla le prix du baril de pétrole, ce qui permit aux pays exportateurs de percevoir des capitaux considérables qu’ils placèrent notamment dans des prêts à taux peu élevés mais variables pour les pays du Tiers Monde. Ensuite, dans la première moitié des années ‘80 il y eut une crise du prix des matières premières qui provoqua un effondrement des prix. En même temps, une grave sécheresse dans plusieurs pays africains provoqua une famine. Lorsque les taux d’intérêt variables atteignirent 20 %, les pays endettés se trouvaient dans une position intenable.
D’autres prêts avaient eu pour origine la guerre froide, période pendant laquelle les Etats-Unis notamment avaient conclu de nombreux prêts pour se faire des alliés des pays crédités et éviter qu’ils ne basculent dans le camp socialiste.
Ces prêts aboutirent à des projets boiteux: batiments ou centrales électriques jamais terminés, routes n’aboutissant nulle part, rarement des projets générant les capacités productives permettant leur remboursement, ni même d’une utilité quelconque pour les populations concernées, quand les sommes obtenues n’étaient pas tout simplement placées sur des comptes en Suisse au profit de dirigeants peu scrupuleux.
Il y a trois types de dettes:
- la dette multilatérale, contractée vis-à -vis des institutions financières internationales (Banque mondiale, Fonds monétaire international) ou régionales;
- la dette bilatérale, contractée vis-à -vis de gouvernements individuels;
- la dette commerciale, contractée vis-à -vis des banques commerciales internationales.
A cause de leur dette élevée, qui limite leur solvabilité, les pays à endettement élevé sont soit écartés du marché des capitaux, soit se voient appliquer des taux beaucoup plus élevés: dans les années ‘80, le PNUD avait estimé qu’ils étaient 4 fois plus élevés que dans les pays riches.
Alejandro Teitelbaum, procureur au Tribunal des peuples sur la dette au forum social mondial de Porto Alegre, a établi une série d’arguments juridiques plaidant pour la nullité de l’obligation de remboursement de la dette:
- L’illégalité de l’origine de la dette
Beaucoup des opérations de crédit renferment des clauses illégales, vices de consentement, intérêts usuriers. Des intérêts non payés ont été incorporés au capital restant dû et sont donc devenus des intérêts sur les intérêts (anatocisme), ce qui est interdit par de nombreuses législations (notamment en Belgique).
- La dette a déjà été remboursée
Selon une étude du Jubilé Sud (réseau international pour l’annulation de la dette) avance que en 1980, les pays du Sud devaient 567 milliards de dollars. Depuis, ils ont déjà payé 3450 milliards de dollars, soit six fois la dette de 1980.
- Cout ultérieur excessif
Il s’agit de faire valoir le droit de ne pas honorer une obligation lorsque les conditions ont changé, de sorte que leur respect nécessite un cout extrême.
- Primauté des droits humains fondamentaux
L’attribution d’une part disproportionnée des ressources nationales au paiement de la dette externe entraîne la violation des droits économiques, sociaux et culturelsde la population.
L’initiative pour les pays pauvres très endettés
Il s’agit d’une proposition parrainée par le G7 et faisant appel aux créanciers multilatéraux. Elle a permis à 41 pays hyper-endettés d’accéder à un processus de renégociation de leur dette de manière à atteindre un niveau d’endettement soutenable en six ans. Il s’agit de pays pour lesquels le rapport dettes / exportations dépassait 300 %, alors que l’on considère en général qu’un rapport supérieur à 200 % est ingérable. Il s’agit pour 80 % d’une dette qui est publique.
Pour pouvoir être classé comme PPTE, il faut présenter une série de conditions:
- le revenu par habitant doit être inférieur à 400 dollars;
- le pays doit montrer une forte évolution vers les programmes d’ajustement structurels du FMI;
- le pays doit avoir épuisé tous les plans d’allègement de la dette existants.
Cette initiative appelle des critiques, malgré l’enthousiasme des fonctionnaires de la banque mondiale et du fonds monétaire international:
- cette initiative vise à garantir la soutenabilité de la dette;
- elle ne concerne pas les pays à moyens revenus;
- elle est conditionnée aux ajustements macro-économiques et structurels prônés par le FMI, qui visent à introduire la libéralisation commerciale et les privatisations dans les pays pauvres.
Les propositions du G7 en 1999-2000
Suite à la campagne d’allègement de la dette “Jubilé 2000”, une série de déclarations furent prononcées:
- en février, les Anglais réclamèrent la réduction de la période de “conditionnement” du FMI ainsi que le réduction des coefficients dettes/exportations et dettes/revenus.
- juste après, le gouvernement allemand recommandait un allègement plus rapide de la dette et l’annulation presque totale des dettes bilatérales.
- Le Canada vise à atteindre un rapport dettes/exportations de 150 %, à réduire la période de conditionnement de 6 à 3 ans.
- Le Japon accepta l’annulation de la dette liée aux prêts d’aide au développement.
- Les Etats-Unis accordèrent leur soutien à un plan d’allègement plus rapide et annoncèrent l’annulation de certaines dettes, pour un montant de 100 milliards de dollars.
En pratique, lorsque l’allègement se fait en 3 ans au lieu de 6, il est réversible pour les 3 autres années, ce qui permet au FMI de maintenir son contrôle pour toute la période.
Depuis le lancement de l’initiative, seuls 5 pays ont réellement bénéficié de mesures d’allègement jusqu’à présent.
Ces mesures, qui font suite à la mobilisation internationale pour l’abolition de la dette, sont insuffisantes. Elles ne permettent pas aux pays endettés de consacrer les moyens nécessaires au financement de l’éducation et des politiques de santé publique.
En avril 1999, un tribunal populaire de la dette extérieure s’est tenu à Rio de Janeiro. Il a abouti à la conclusion que “la dette extérieure brésilienne, ayant été contractée hors limites légales, nationales et internationales, et sans l’avis de la société, ayant favorisé exclusivement les élites au détriment de la majorité, et portant atteinte à la souveraineté nationale, est injuste et insoutenable éthiquement, juridiquement et politiquement.”