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Dans cet ouvrage, elle relate ses conditions de détention, la procédure en justice qui a finalement abouti à sa libération, les soutiens dont elle a bénéficié, la haine d'une partie de la société mexicaine dont elle a fait l'objet, ainsi que le contexte précis de l'affaire, en vue d'établir son innocence, la simple invalidation des charges pesant sur elle par la Cour suprême mexicaine ne lui paraissant pas suffisante.
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Contexte
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Florence Cassez est une jeune femme originaire du Nord de la France qui se rend au Mexique au début de l'année 2003, où l'un de ses frères est établi, parce qu'elle cherche du travail. Elle apprend la langue, prend un petit boulot à l'aéroport de Mexico, puis travaille pour la société de son frère, un institut qui commercialise dans les milieux médicaux des machines pour traiter les problèmes dermatologiques.
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Elle a également fait la connaissance d'un jeune Mexicain avec lequel elle s'est mise en couple. Il habite un joli ranch en périphérie, à une trentaine de kilomètres du centre de Mexico, dans des collines boisées. Elle se rend le weekend dans cet endroit qu'elle trouve chaleureux, et qui deviendra célèbre dans tout le Mexique après que la télévision l'a présenté comme le repaire d'une bande de kidnappeurs, qui auraient prétendument utilisé un petit cabanon proche de l'entrée auquel elle n'avait jamais prêté attention, pour y détenir des personnes enlevées en octobre 2005.
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L'affaire
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Environ trois mille personnes par an sont kidnappées au Mexique. Ces enlèvements contre rançon provoquent une atmosphère de crainte et une grande colère dans la population, qui souhaite que les autorités la protègent et répriment ces activités criminelles.
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Dans ce contexte, Florence Cassez a été présentée par la police lors d'un reportage télévisé comme faisant partie d'une bande de "secuestradores" arrêtés en flagrant délit dans le ranch de son compagnon mexicain par les autorités, capables pour une fois de délivrer trois personnes séquestrées et de capturer toute la bande qui les détenait.
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Ces images ont eu un retentissement énorme dans le pays et ont imprimé de façon durable la conviction de la culpabilité de Florence Cassez. En fait, la jeune Française et son compagnon avaient été arrêtés la veille. Dans leurs premiers témoignages, les victimes ne les reconnaissaient pas et ne mentionnaient pas la présence d'une femme parmi les ravisseurs.
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Il ressort du livre de Florence Cassez que toute l'affaire est une mise en scène organisée par "la agencia federal de investigacion"(AFI), une unité de police spéciale créée en 2001 et dirigée par un certain Genaro Garcia Luna, qui la poursuivra d'une haine destructrice notamment après qu'elle l'ait contredit dans une émission en direct à la télévision, en intervenant par téléphone depuis sa prison pour faire savoir qu'elle avait en réalité été arrêtée la veille du jour où on avait filmé sa prétendue arrestation en direct.
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Il est possible que l'associé de son frère ait joué un rôle dans son implication dans cette affaire, peut-être en voulant atteindre son ex-compagnon, qu'il aurait pu croire impliqué dans des enlèvements, alors que ce dernier est, pour elle, également innocent des faits reprochés.
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7 années dans les prisons mexicaines
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Au total, la jeune Française sera emprisonnée pendant 7 ans dans les prisons mexicaines.
Elle est d'abord détenue 88 jours dans le centre de détention provisoire de l'AFI appelé l'Arraigo.
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Là , les prisonniers sont vêtus de T-shirts dont la couleur dépendait de ce qui leur était reproché:"vert pour ceux qui étaient accusés de blanchiment d'argent, jaune pour les narcotrafiquants, et rouge pour les auteurs d'enlèvement" (p.109).
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Ensuite, lorsqu'elle est finalement inculpée, on la transfère au pénitencier pour femmes de Santa Maria Acatitla, au sud de Mexico, où on la place dans la cellule à côté de celle d'une détenue surnommée "la Mataviejitas", la tueuse de petites vieilles, une femme forte comme un homme qui avait assassiné au moins une quinzaine de vieilles dames. Elle n'en dormira pas de la nuit, terrifiée.
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Pourtant, à côté de ces humiliations, elle bénéficie également de soutiens, comme celui d'une détenue appelée Tony, qui s'occupait d'elle à la demande de son ex-petit ami qui l'avait côtoyée à l'Arraigo, et qu'elle avait réussi à convaincre de son innocence. Dans son livre, elle estime que cette détenue lui a sauvé la vie, en la soutenant par rapport aux vexations des autres  prisonnières ou en lui fournissant de l'aide pour préserver sa santé comme des tongs qu'elle lui enjoignit de ne jamais quitter, même sous la douche, sous peine d'être "bouffée par les champignons" (p.124).
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Comité de soutien
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A l'initiative de ses parents et de son avocat français, un comité de soutien est créé, qui rencontre un grand succès, inattendu pour elle. Ce comité lui faisait parvenir des fournitures dont elle avait besoin, comme du shampoing, du matériel pour peindre, ainsi que des courriers provenant de partout dans le monde, contenant de nombreux dessins d'enfants, et même des doudous!
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Elle qualifie dans son livre cette idée de comité de soutien, qu'elle n'avait pas comprise au début, "d'idée de génie" et espère avoir assez remercié tous les participants, qui l'ont "tenue debout" (p.199).
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Intervention de la France
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Finalement, son cas deviendra l'enjeu d'un bras de fer entre les autorités françaises et mexicaines. Le Président Nicolas Sarkozy s'implique beaucoup dans ce dossier et établit un contact personnel, par téléphone, avec elle.
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Les autorités françaises entameront une procédure pour lui permettre d'être transférée dans une prison de son pays, qui n'aboutira pas parce que la législation française ne garantit pas que la totalité de la peine sera exécutée, comme le requiert la législation mexicaine: une possibilité de grâce présidentielle est en effet expressément prévue en cas d'application de cette procédure internationale.
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Libération par la Cour suprême mexicaine
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Cependant, sa libération a été obtenue à la suite à d’un recours devant la Cour suprême mexicaine, qui a anéanti toutes les charges qui pesaient sur elle. Il semble que cette juridiction, qui traite très peu de dossiers (la plupart des recours sont déclarés irrecevables), ait le temps de les examiner de manière approfondie, au contraire des juridictions de fond.
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Lors d'un premier passage devant la Cour suprême le 21 mars 2012, les cinq juges ne parviennent pas à se mettre d'accord sur une décision, bien que le juge-rapporteur qui avait examiné le dossier à fond ait rédigé le projet de décision qui était "la libération immédiate et sans condition de Florence Cassez".
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Le dossier est reprogrammé à l'audience du 23 janvier 2013. Entretemps, il y a eu des élections et le Président mexicain n'est plus Felipe Calderon, allié de Genaro Garcia Luna, qu'il avait nommé ministre.
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Le nouveau Président, M. Peña Nieto, assure à François Hollande, lors d'une visite à Paris, "sa volonté de laisser la justice fonctionner de manière indépendante" (p. 264). De plus, un des juges de la chambre qui traite du recours, ayant atteint l'âge de la retraite, est remplacé par un nouveau venu.
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C'est grâce à ce changement de magistrat que la Cour suprême prononce finalement, en janvier 2013, à trois voix contre deux, la décision de libération immédiate de Florence Cassez.
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La magistrate qui avait élaboré le rapport pour cette deuxième audience, et qui avait passé un an à lire tout le dossier, estimait que celui-ci comprenait de telles violations qu'il était impossible de le renvoyer devant un tribunal: notamment, la violation de la présomption d'innocence par la diffusion de la séquence télévisée, mais aussi en matière de droit de la preuve, en ce qui concerne les déclarations des victimes d'enlèvements, qui avaient été dirigées.
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Pour cette magistrate, Olga Sanchez Cordero, "c'était impossible de retourner devant un tribunal avec toutes ces violations. C'était très important pour l'histoire judiciaire du Mexique. En refusant de reprendre ce dossier fabriqué, nous avons envoyé un message capital à tous les justiciables. Pour nous, ce dossier, c'est une affaire Dreyfus!" (p. 281).
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Conclusion
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La dramatique mésaventure subie par Florence Cassez, telle qu'elle la relate dans son livre, devrait nous rappeler l'importance de l'Etat de droit pour une vie sociale de qualité. Les moyens consacrés à la justice, même s'ils n'ont pas de rentabilité économique directe, sont essentiels pour pouvoir vivre dans une société harmonieuse respectant les droits de chacun, ainsi que pour l'image d'un pays dans la communauté internationale.