Ainsi, si le coup d’Etat au Gabon qui a porté au pouvoir Brice Oligui NGUEMA a été considéré comme une simple révolution de palais, c’est parce qu’il n’impliquait aucune remise en question substantielle de la politique intérieure du pays, mais parce qu’il pouvait s’analyser par le prisme d’une rivalité familiale impliquant de près le Congo-Brazza et de plus loin le Cameroun et même la RDC.
C’est du Congo-Brazza que part le premier lien lorsque Edith, la fille du président SASSOU-NGUESSO épouse Omar BONGO, président du Gabon. De cette union, sont nés deux enfants… qui vont jouer un rôle par la suite.
Précédemment, Omar BONGO avait épousé Patience DABANY (1)-dont il est divorcé- et avec laquelle il avait eu deux enfants -dont Ali BONGO- qui fut président de 2009 à aout 2023 quand il fut renversé par le coup d’état.
Au décès d’Omar BONGO en 2009, c’est donc son fils qui a pris le pouvoir mais qui est entré rapidement en conflit avec les enfants de la lignée BONGO-SASSOU.
Par ailleurs, Ali BONGO a pris des orientations qui n’ont guère plu à la famille SASSOU, comme une certaine remise en question des liens avec la France ou encore le dépôt de la candidature du Gabon au Commonwealth et son adhésion, comme le Togo, en 2022. Cette initiative d’un pays intégré dans l’Afrique équatoriale française n’a pas manqué de susciter un certain questionnement.
Par ailleurs, Ali BONGO, fortement diminué par une attaque vasculaire cérébrale en 2019 et devant faire face à l’opposition du clan SASSOU-BONGO, fit appel en 2019 à Brice NGUEMA, son cousin… ou son demi-frère, relégué ou éloigné au Sénégal après le décès d’Omar BONGO, pour assurer sa sécurité. Ali BONGO pensait avoir recruté un homme sûr, qui ne manqua pas de le trahir en s’alliant au clan SASSOU-BONGO pour fomenter le coup d’Etat qui le porta au pouvoir en aout 2023.
Trahison toute relative, car sa principale raison était de mettre en échec les enfants d’Ali BONGO et de sa femme franco-marocaine, dont les activités liées à certains trafics supposés posaient problème.
Il n’était donc pas étonnant que le président SASSOU l’accueille chaleureusement au sommet des Trois Bassins (2), puisque, grâce à lui et à sa lignée à Libreville, il pouvait maintenir son influence au Gabon, qui, avant la décolonisation, formait un ensemble avec le Congo-Brazza, le Centrafrique et le Tchad (AEF, Afrique équatoriale française).
Il est également symptomatique d’observer que le président BIYA, du Cameroun voisin, ami de longue date d’Omar BONGO, n’a pas déploré le coup d’Etat… dont le président SASSOU a titré les ficelles, pour la simple et unique raison que les liens de Paul BIYA avec le président SASSOU sont primordiaux, bien avant ceux avec le fils de BONGO.
Enfin, pour donner du sel à cette histoire familiale, rappelons aussi qu’une autre fille de SASSOU était en relation avec l’ancien président de RDC KABILA… qui traversait régulièrement le fleuve… pour recueillir les avis de SASSOU. Bref, au-delà des problèmes stratégiques, une lecture familiale du pouvoir en Afrique est également utile.
Evidemment, ces luttes de pouvoir nous éloignent assez du fonctionnement des sociétés démocratiques occidentales et nous rapprochent davantage des luttes de pouvoir dans l’Ancien Régime qui opposaient différentes maisons régnantes.
