?> MALI Rerournement de situarion
MALI Rerournement de situarion

Banc Public n° 307 , Septembre 2024 , Michel Legrand



Les billets de novembre et décembre ’23 décrivaient la nouvelle situation qui prévalait dans le Nord du Mali. En résumé, on pouvait noter les développements suivants :


 

 

 

-offensive de l’armée malienne appuyée par la milice Wagner;

-retrait de la MINUSMA qui craignait d’être prise en étau entre les séparatistes et l’armée malienne et ses supplétifs;

-victoire de l’armée malienne et prise de Kidal, une capitale symbolique de l’Azawad avec Gao et Tombouctou (région autonomiste touarègue) (1).

 

 

 

On devait voir si le gouvernement en place à Bamako serait capable de préserver sa victoire contre les séparatistes, qui passe nécessairement par un dialogue devant aboutir à une certaine autonomie du nord. Pari difficile puisque les accords d’Alger, signés par le gouvernement malien et les séparatistes, sous l’égide de l’Algérie et de la France, visant un processus de réconciliation, sont maintenant dénoncés de facto. A défaut d’un nouvel accord, écrivions-nous en décembre, les opérations de guérilla risquent de reprendre et d’épuiser une armée malienne qui ne sera guère capable de contrôler un territoire plus grand que la France. En effet, la prise de la seule ville de Kidal, à 1.500 km de Bamako, n’est surement pas suffisante pour mettre au pas les séparatistes. On verra si l’armée malienne et la milice Wagner seront capables de sortir et de sécuriser la zone aux alentours, ce qui semble assez problématique.

 

Le bilan politique était cependant favorable pour le gouvernement malien qui a misé sur les Russes et qui avait donc gagné son pari, du moins provisoirement.

On devait voir aussi si les autorités de Bamako seraient capables de remporter le même succès contre les groupes djihadistes qui étaient aux portes de Bamako en 2012.

 

Fin juillet ‘24, le vent a tourné de manière assez dramatique.

 

Cela étant, avant d’arriver aux évènements de juillet, les mouvements séparatistes avaient pris la mesure de leur cinglante défaite de fin 2023 et avaient constitué un front uni, dénommé :

 

Cadre stratégique pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP-DPA).

 

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que les Touaregs mettent en sourdine leurs dissensions internes pour constituer ce genre d’union contre un ennemi commun.

 

La situation en juillet ’24 n’était donc plus celle de décembre ’23 et l’armée malienne comme la milice Wagner auraient dû en prendre la mesure !

 

Ainsi, une colonne de l’armée malienne et un détachement de la milice Wagner ont été pris dans une embuscade à proximité de Tin Zouatine, ville situé à la frontière algérienne, à 150 km au nord de Kidal. Les séparatistes ont profité d’une tempête de sable et de l’impossibilité pour les hélicoptères maliens d’intervenir pour attaquer la colonne et la détruire quasi complètement. La colonne s’est alors repliée vers le sud et a été attaqué par des groupes islamistes. Le bilan est lourd car, outre plusieurs dizaines de véhicules incendiés ou capturés, la milice Wagner a perdu 80 hommes et l’armée malienne de quarante à cinquante.

 

 

 

Pour le gouvernement malien et son allié russe, la défaite est cuisante. S’ils souhaitent reprendre la main, ils devront nécessairement se renforcer, ce qui ne sera guère possible pour l’armée malienne, déjà à la limite de ses moyens, sans compter qu’elle est impliquée dans plusieurs exactions qui la discréditent. Enfin, composée pour l’essentiel d’habitants du sud, sa motivation risque de faire défaut.

 

Quant à la milice Wagner (renommée Africa Corps), ses moyens sont limités d’autant qu’elle intervient déjà en République centrafricaine (RCA), au Niger et au Burkina. Par ailleurs, dispose-t-elle du potentiel technique suffisant pour mener une guerre sur un immense territoire qu’elle ne connait pas ? En outre, elle s’est déjà rendue coupable de multiples exactions envers la population civile, ce qui ne va guère faciliter sa tâche d’information.

 

Enfin, le problème ne se limite pas aux séparatistes, dont la revendication est claire et précise, mais concerne aussi les groupes djihadistes qui sont bien plus dangereux. Le CSP-DPA s’est d’ailleurs bien gardé de toute proximité ou association avec eux même si, devant l’ennemi commun, des informations sont partagées. 

 

Mais la confrontation entre les séparatistes et les forces maliennes et russes a vu l’arrivée d’un nouvel acteur, puisque l’Ukraine est soupçonnée d’avoir aidé les Touaregs dans la recherche d’informations et l’utilisation de drones d’attaque, matière où ils sont passés maitres. Ce nouveau concours, s’il est avéré, ne manquera pas de rendre plus difficile les opérations russo-maliennes. De toute manière, cela parait assez évident puisque le gouvernement malien a rompu ses relations diplomatiques avec l’Ukraine, qui affiche son incompréhension de circonstance et qui ne peut bien évidemment faire part de sa satisfaction devant le revers sérieux de la milice Wagner.

 

Cela étant, d’une manière ou d’une autre, le dossier de l’autonomie de l’Azawad devra être rouvert à moins qu’on assiste à la partition du pays, ce qui ne déplairait pas tel-lement à l’Algérie et à la France (2) -du moins pour cette dernière tant que gouvernement malien actuel reste en place- qui restent des soutiens discrets ou ambigus des Touaregs.

 

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Michel Legrand

     
 

Biblio, sources...

(1) Azawad signifie “zone de pâturages”

(2) Déjà en 1957, les Touaregs avaient demandé à ne pas faire partie du processus d’indépendance ouest-africain, mais d’être intégrés au Sahara algérien qui est encore un territoire français. Cette demande, transmise en 1958 au président de Ch. de GAULLE, sera ignorée. A cette époque, en effet, la France est plongée dans la crise algérienne et ne parait pas souhaiter intégrer l’Azawad dans le territoire saharien, encore français. L’Azawad fera donc partie de la fédération du Mali avec la Haute-Volta (devenu le Burkina), le Dahomey (devenu le Bénin) et le Sénégal, qui s’en retirent en 1959 pour les deux premiers et en 1960 pour le troisième.

 
     

     
   
   


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