Le modèle social traditionnel, où la femme est principalement gardienne du foyer et l'homme pourvoyeur économique, est révolu. Les rôles entre les sexes se brouillent. Il n'y a presque plus de différences dans l'éducation des petites filles et des petits garçons. Les habitudes vestimentaires cessent d'être différentes : elle piquent nos caleçon, nos jeans, nos pulls, nos tee-shirts. Sur le plan professionnel, il devient rare de voir des activités exclusivement réservées aux hommes.
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Mutation sociale
La structure de notre système économique a évolué. La part de la population active se consacrant à l'agriculture et à l'industrie n'a que diminuer. Les économies se tertiarisent et cette tendance est appelée à s'accentuer grâce aux technologies de l'information et de la communication. Le secteur des services est devenu l'activité principale du système économique des pays industrialisés. Le développement du secteur des services a, incontestablement, promu l'emploi féminin. La force musculaire est de moins en moins à la base de la production. Les qualités de dynamisme, d'imagination, de force psychologique, de talent oratoire ou de charisme deviennent des critères de rentabilité. Sue ces points, le sexe masculin n'a pas de priorité.
Les sociétés industrielles sont devenues plus égalitaires qu'elles ne l'ont jamais été. La législation communautaire préconise l'égalité de traitement entre hommes et femmes. Ce bouleversement économique entraîne des modifications dans les modes de vie familiaux. Dans un couple, la stabilité de l'emploi et de la rente salariale n'est plus nécessairement et exclusivement celle de l'époux. La femme partage ce rôle de chef de ménage en contribuant aux recettes financières. Il arrive qu'elle assume pleinement le rôle de pourvoyeur d'argent, dans le cas d'un époux sans emploi ou d'une mère célibataire. Une situation nouvelle qui exige du compagnon un partage des charges ménagères. Les positions maternelles et paternelles sont confondues et la crise renforce cette position. Dès lors, il devient légitime à une femme de faire carrière et à un homme de passer l'aspirateur. La tradition patriarcale que l'on dit matchiste est remise en cause.
Nouveaux pères
Ce bouleversement, je l'ai personnellement vécu. J'avais une vie active avec des projets qui débordaient de toutes parts. Mes journées semblaient être une course quotidienne. Je voulais honorer toutes les invitations, être présent à toutes les rencontres, découvrir tout ce qui m'intéressait… Il va sans dire que ce débordement d'activités exaspérait ma compagne qui souhaitait une limite entre « vie active » et « vie privée ». Une concession que je n'étais jamais disposé à faire car la vie ainsi était belle ! Elle le devint encore plus le jour où mon épouse me fit le plus beau bébé de Belgique. Je n'étais plus Monsieur, je devenais Papa. Fier de ce titre nouveau et de ce fils qui comblait ma vie nouvelle, je diminuai mes activités extérieures pour m'occuper à plein temps de ma petite famille. Néanmoins, le mois qui passait rendait la charge encore plus lourde. Mon dynamisme s'estompait net. Mon mode de vie d'indépendant, pleinement libre, ne correspondait plus à la vie de famille qui exige stabilité d'horaire et d'argent. Au onzième mois, c'est l'emprisonnement total. Je me trouvais installé en position « d'homme d'intérieur ». Il paraît qu'en Suède, depuis longtemps, ce mode de vie est devenu courant. Certains pourraient s'y conforter. Pour moi, c'est l'anéantissement total, la déchéance. Mes nuits sont devenues blanches. Mes journées ont chagé de nature. Il faut surveiller bébé qui touche à tout. Préparer à manger. Un biberon le matin avec quatre gouttes de vitamines et un biberon le soir, sans omettre un peu de farine. Puis le bain de bébé, sans oublier d'aspirer les petites oreilles. Changer les couches de bébé où les excréments ne me dégouttent même pas. Mais sur mon visage, un physionomiste lirait toute la détresse que je vis.
Quand je pense que pendant des siècles, ces tâches incombaient exclusivement aux seules femmes et épouses. Mes aïeux doivent bien rigoler dans leurs tombes. Que saint Matcho me pardonne car maintenant je fais le ménage, les courses, je mijote des plats, je passe l'aspirateur et je repasse le linge… Je suis devenu un maniaque de la propret ! Et ce bébé toujours dans mes pantalons. Quel soulagement lorsqu'il parvient enfin à s'endormir. C'est alors que je peux finir la vaisselle et renettoyer le sol. Lorsque mon épouse rentre, bébé est heureux, mon épouse aussi… et moi donc ! Avec impatience, j'attends le relais. Lorsqu'elle tarde, je m'inquiète. Pour ne pas déprimer, il faudrait que je songe à m'inscrire dans une des nombreuses associations féministes.
Si un jour vous voyez un monsieur avec un landau, dites-vous que c'est peut-être la maman ! Car la stabilité du ménage dépend de la meilleure stabilité de l'emploi qui peut être celui de l'épouse. En conséquence, nous devons trouver des solutions pratiques pour adapter notre sort à une nouvelle forme de vie sociale. Tout cela n'est pas sans conséquence sur l'ambition et la carrière. Un grand poète (jean Ferrat) avait chanté « le femme est l'avenir de l'homme ». Aujourd'hui, je comprends mieux ce qu'il voulait dire.