L'UE veut couvrir d'ici à 2020 10% de ses besoins en carburants avec des «biocarburants», le Brésil espère que l'éthanol issu de ses plantations de betteraves sucrières concurrencera l'OPEP, et dans des pays tels que la Malaisie la forêt pluviale recule au profit des plantations de palmiers à huile dont les fruits doivent remplacer le diesel. De petites raffineries d'éthanol créées par des agriculteurs ont été achetées par Archer Daniel Midland, l'une des plus grosses firmes agro-alimentaires mondiales. D'énormes raffineries d'éthanol jaillissent du sol; sur le plan politique on parle désormais d'un «OPEP de l'éthanol» sud-américain. De grandes firmes pétrolières, automobiles, agroalimentaires et spécialisées dans les manipulations génétiques pratiquent un rapprochement: VW avec Archer Daniels Midland Company (ADM), l'une des plus grosses firmes transformaÂtrices de produits agricoles; ADM avec le géant du génie génétique, Monsanto; Monsanto avec BASF; DuPont et BP; BP et Toyota; Daimler C
Les bio-carburants rapportant plus que l'alimentation, de plus en plus de firmes s'essaient aux plantes «énergétiques» produisant des «biocarburants».Un recours illimité aux manipulations transgéniques et aux traitements chimiques ouvre des perspectives de profit presque sans précédent.
Pour Eric Holt-Gimenez, ex-collaborateur de la Banque mondiale et membre du Food First Institute « tout cela n'a rien à voir avec les énergies renouvelables, mais sert à prolonger l'économie pétrolière ».
L'industrie du génie génétique se frotte les mains à la vue du débat sur le climat: elle escompte, selon Holt-Gimenez que les plantes énergétiques OGM rencontreront beaucoup moins de résistance concernant leur autorisation que celles destinées à l'alimentation humaine ou animale. Pourtant, les plantes énergétiques transgéniques se dispersent tout autant que les plantes transgéniques viÂvrières; les carburants sont produits à partir des trois plantes les plus manipulées génétiquement, et de loin: le colza, le maïs et le soja.
L'industrie essaie passe également des accords avec le monde scientifique: le géant pétrolier BP a ainsi passé un accord avec l'Université de Berkeley en Californie pour «la recherche d'énergies durables», lui versant au passage 500 millions de dollars. «Je suis convaincu que toutes les plantes utilisées par les hommes seront un jour des plantes transgéniques» a aimablement déclaré Chris Somerville, futur directeur de l'institut pour l'énergie et les sciences biologiques qui va être créé dans le cadre du contrat avec BP.
L'Europe ne disÂposant pas de surfaces arables en quantité suffisante pour couvrir ses besoins en carburants, les pays pauvres vont perdre des terres dont ils ont un besoin urgent pour se nourrir. Des centaines de milliers de petits propriétaires brésiliens ou colombiens ont déjà été chassés pour faire place à de gigantesques plantations de canne à sucre ou de soja. En 2006, le boom de l'éthanol aurait contribué, rien qu'au Brésil, à chasser ou à déplacer par la force environ 40 000 familles de leurs terres. «The Guardian», respectable quotidien Britannique, fait état de 200 000 travailleurs immigrés, véritables «esclaves de l'éthanol» qui à travers le pays travaillent dans les plantations de canne à sucre pour 100 dollars par mois.
Dans un article paru dans le «Correio Braziliense», Frei Betto, théologien de la libération brésilien, considèrait, il ya peu, les agro-carburants comme des «carburants de la mort » : pour lui, la récente frénésie de l'éthanol a déjà contraint les Brésiliens à dépenser, pour se nourrir, trois fois plus d'argent au cours du premier semestre 2007 que l'année précédente.
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