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COLLAPSUS

Banc Public n° 284 , Octobre 2020 , Catherine Van Nypelseer



Le livre "Collapsus" (*) consiste en de courts articles (43 auteurs! ) sur différents centres d'intérêts – naturels, financiers, psychologiques, politiques... sous lesquels est envisagée la question à la mode du risque de collapse - mot qui signifie "effondrement" – de nos écosystèmes et de notre civilisation.


"Laissons les océans tranquilles" (p. 222)

 

La contribution de Jean-Marc Gancille est un plaidoyer sur le rôle que jouent les océans dans de nombreux phénomènes "terranaiscants" (pour la signification de ce nouveau terme, voir l'article ci-contre sur le livre "Les émotions de la Terre" de Glenn Albrecht).

 

Il s'agit également d'un plaidoyer pour la suppression des navires-usines, des senneurs, des filets et lignes gigantesques. Pour lui, militer pour cette cause signifie "refuser de manger du poisson", mais aussi de la viande car "un tiers de la vie marine capturée l'est pour l'élevage ou les chats domestiques".

 

L'importance des océans est notamment liée au fait qu'ils absorbent une partie de l'effet de serre, ce qui provoque malheureusement leur asphyxie: "il n'aura fallu que quelques décennies pour réchauffer et asphyxier l'océan, le vider de sa vie pour le remplir de [produits toxiques] et de déchets".

 

Le dernier rapport du GIEC de 2019 affirme que l'océan "a absorbé environ 30% du CO2 généré par l'homme et plus de 90% de la chaleur supplémentaire créée par ses émissions. Sa capacité de charge est désormais atteinte avec pour conséquences la multiplication des canicules marines, l'accélération de l'acidification des masses d'eau et le développement des "zones mortes" où le trop faible taux d'oxygène empêche le développement de toute vie marine".

Pour Jean-Marc Gancille, "dans la liste des fléaux qui condamnent progressivement l'océan, la pêche commerciale tient le haut du panier. Elle exploite aujourd'hui 55% des surfaces marines du globe."[...] "Nous avons déjà fait disparaître 90% des gros poissons de la planète bleue. Plus de 33% des "stocks" restants sont exploités au-delà de la limite de durabilité biologique, soit trois fois plus qu'en 1974".

 

"Si les océans meurent, nous mourrons"

 

La formation des nuages au-dessus de la mer permet que nous disposions d'eau potable, et le phytoplancton produit la plus grande partie de l'oxygène que nous respirons. "L'océan est le cœur de la planète, et il est la base de la vie, sur terre comme dans la mer.

Sa préservation appelle des changements radicaux et immédiats sous peine d'une extinction fatale de la vie.

Mais quelles ruptures de trajectoires voyons-nous ? Aucune. La croissance démographique et le développement du tourisme de masse continuent d'accentuer leur pression sur les littoraux, la surexploitation des "ressources" halieutiques menace de plus en plus sûrement l'existence des "stocks" de poissons restants, l'augmentation des émissions de COet l'inertie de la machine climatique interdisent toute inversion rapide de la tendance au réchauffement, et les États demeurent incapables de s'entendre sur un traité susceptible de protéger la haute mer [...] des intérêts économiques privés qui la convoitent".

 

"Pourquoi voudriez-vous que les humains traitent la nature mieux qu'ils ne se traitent eux-mêmes ?"(p. 88)

 

Dans un autre registre, la contribution demandée à Roland Gori, professeur honoraire de psychopathologie clinique, auteur du livre "La Fabrique des imposteurs", sous la forme d'un entretien avec Justine Canone, a également retenu notre attention.

Pour lui, "Dès ses débuts, le capitalisme a développé une éthique de l'apparence faisant prévaloir la forme sur le fond – "la rationalité formelle" de Max Weber [...]". "Il n'est plus exigé de l'individu qu'il soit vertueux, simplement qu'il en ait l'apparence [...]. Inutile de faire une authentique politique écologique, il suffit d'en donner les apparences pour obtenir la confiance du citoyen. [...]

La surmortalité de patients générée par les logiques d'austérité, le despotisme d'actionnaires conduisant à fermer des entreprises ou services de qualité, le burn-out et les souffrances sociales et intimes des citoyens sont de même nature que la déforestation et le changement climatique : le profit d'abord, quel qu'en soit le prix écologique."

 

"La situation écologique est le miroir qui nous renvoie ce que nous nous faisons à nous-mêmes. Dès lors que seul compte le gain immédiat, [...] cela conduit à un mépris des conséquences de nos actes au long terme, une perte du sens des responsabilités. Notre éloge de la force, de la compétitivité, de la performance, est celui de valeurs de maîtrise qui ne sont rien d'autre que des substituts à la guerre. La promotion des valeurs guerrières – même par le jeu métaphorique du commerce et de l'industrie – aboutit nécessairement à la destruction de l'humain et de son rapport soucieux à la nature.

C'est le "soin" qui est détruit, au sens du souci porté à soi, à autrui, au monde."

 

"J.C. : À quel degré chacun de nous est-il complice ?

R.G. : Dès lors qu'on adhère à une logique de rationalité pratico-formelle, [...] on fait le vœu [...] de vivre selon les exigences, rituels ou croyances de cette éthique de la religion du marché. [...] Ce conformisme est le fruit d'une aliénation à l'hégémonie culturelle monstrueuse d'un néolibéralisme exploitant à mort la planète, humains et nature confondus..."

Catherine Van Nypelseer

     
 

Biblio, sources...

Vous trouverez également, entre autres, dans Collapsus des articles comme "Énergies fossiles, l'amour à mort ? " de Matthieu Auzanneau, "Si l'on n’agit pas, l'effondrement du vivant va nous faire entrer dans une période cataclysmique", entretien avec Pierre-Henri Gouyon, "Des récits pour changer le monde ?" par Arthur Keller, "Le droit d'habiter la Terre", par Valérie Chansigaud, "La géo-ingénierie peut-elle modifier les trajectoires climatiques ? ", par Nathanaël Wallenhorst...

(*) Collapsus

Sous la direction de Laurent TESTOT & Laurent Aillet

Éditions Albin Michel

Février 2020, 347 p. 19,90 €

 
     

     
   
   


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