L’article précédent posait le souci de l’équation publique où les dépenses augmentent plus rapidement que les recettes, dans un contexte de crise. L’État est appelé à combler les déficits. La tentative de résoudre ces difficultés par des mesures de mathématique budgétaire risque de sous-évaluer les conséquences de tensions, mal-être, dérives au sein de la société, et de pressions qui déstructurent le corps social, perturbent l'environnement social, et appellent à de nouvelles réponses.
La stigmatisation d’une catégorie sociale ne réduira pas les déficits, ne contribuera pas à la croissance, ne conduira pas à un mieux être. L’intérêt d’une réflexion autour de la «théorie des besoins» a été évoquée pour déterminer les priorités d‘une société, à un moment déterminé. Ce choix dégagerait les besoins du bien-être et de la cohésion du corps social qui doivent satisfaire l’Homme de 2009. Les besoins essentiels de l’habitat, du travail, de l’éducation, la santé, l’art ou le sport… ne pourraient dépendre de la seule logique marchande. L'agrégat de ces besoins appellerait à des solutions collectivistes qui réduiraient certains déficits publics et contribueraient grandement à la cohésion sociale.
Composante du Budget
Le travail est un besoin préoccupant. Il procure un salaire et représente une dignité. Pourtant, dans la plupart des pays développés, près de 10% de la population active est au chômage. Cette réalité semble quasi-permanente et… chômeur est quasi un statut social. Nombre de personnes poursuivent une vie au chômage, malgré leurs compétences et qualifications… L’État consacre d’importants budgets pour subsidier le chômage et les mesures pour l’emploi, charges qui ne risquent pas de se dégonfler. Mon propos essentiel n’est pas de m’interroger sur le poids de ces dépenses, absolument nécessaires, mais sur le gaspillage des ressources humaines. Lorsque la puissance publique n'exploite pas ce capital, c'est de la gabegie, qui dévalorise l'individu. Notre collectivité compte sur les aptitudes des chercheurs d’emploi et prétend sanctionner ceux qui n'en font pas assez ou qui trichent. C'est une question de stratégie vis-à -vis d’un problème économique, que nous avons illustré, dans l’article précédent, avec les «prisons hollandaises», la stratégie des uns ayant mené à des gains, lorsque celle des autres a conduit à des pertes! Comme dans cet exemple, la stratégie du chômage mène à des échecs. La tentative de rejeter la faute sur de «pseudo-tricheurs» est une politique inspirée de sentiments médiocres, qui ne réalise pas d'économies budgétaires, tandis qu’elle perturbe un corps social déjà fragilisé. Les exclus tombent à charge des CPAS, lesquels tentent de les réinsérer sur le marché de l’emploi, au sein d’une structure qui ne parvient pas à les mettre au travail! C'est donc la stratégie et les règles du jeu qui doivent être revues, pour envisager les implications positives: exploitation du capital humain, mise en valeur par le travail, participation active, accès au marché économique, soutien aux initiatives, intérêt de la vérit…
L’État y gagnerait en activité socio-économique, en recettes financières, en bien-être humain.
Conditions de chômeurs
Nombre de chômeurs sont des personnes qualifiées et des êtres humains appréciables. Mais la vie sociale n’a pas permis les bons tuyaux et favorisé les bons contacts. Le poids du corps social n’est donc pas à sous-estimer. Le chômeur est seul. Isolé dans sa recherche, en compétition pour le travail, en quête d‘un travail instable, en perte de confiance, dans l’incapacité de se
faire entendre, dans un rapport de demande… Il ne voit personne, ne travaille avec personne, n’est solidaire avec personne. Il ne peut pas être administrateur.
Il n’a pas intérêt à essayer de s’en sortir ou à partager ses charges. Le travail au noir est sanctionné. L‘accès au numéro de TVA ou de RC lui sont interdit. Les solidarités sont sanctionnées. Il risque la sanction de fausse déclaration et de perdre son allocation de chômage et. Ces rigueurs prétendues économes sont malsaines. Elles encouragent le «mariage noir» de gens qui s’aiment sans le déclarer ou sans vivre ensemble. La chasse aux chômeurs se justifie à l'encontre de «profiteurs», accusés de travailler au noir, de ne pas suffisamment rechercher du travail, de vivre des amours clandestins et de partager leurs charges…
Il faut se mettre dans la peau d’un chômeur pour comprendre la rigidité des conditions de l’emploi, la mise en scène, le circuit à poursuivre et les difficultés pour décrocher un travail. La recherche d’emploi est devenue un «quasi-métier»... Il faut savoir dénicher les offres, connaître l’objet, le profil des demandes, adapter sa demande. Le candidat multiplie les écrits, au risque de se noyer dans sa recherche. Il attend un ensemble de réponses négatives qui matraqueront son égo. Outre la compétence professionnelle certifiée par diplôme, justifiée par une expérience, il doit connaître les deux langues nationales. Le néerlandais est incontournable pour la sélection. Une connaissance complémentaire de l’anglais, de l’allemand ou de l’espagnol est un plus. Les autres langues ne sont pas nécessaires. Le candidat doit être mobile, capable de faire son bilan professionnel, savoir ce qu’il souhaite exactement, ce qu’il peut apporter à l’entreprise. On ne l’engage pas pour remplacer le directeur mais il doit se présenter en quasi-sauveur de l‘entreprise; affirmer son assurance, sa certitude… même si à l’école, la philosophie lui aurait enseigné le doute nécessaire - que la sagesse de Socrate a imprégné de l’idée de modestie du savoir - sur le marché du travail, il faut savoir, le démontrer en quelques minutes, sans mensonges et sans hésitation. L’hésitation trahit… tout comme de nombreux gestes inconscients qui dévoileraient des vérités inavouées. Des séminaires sont prévus pour aider dans la présentation, le relooking… Le curriculum vitae est élémentaire. Le candidat doit dire toute la vérité sur sa vie personnelle. Lui-même est pris au piège de donner des précisions détaillées pour augmenter ses chances de sélection. La mise en page est de rigueur, avec impression laser, éventuellement photo imprimée, de préférence de belle jeunesse. Si la photo ne convient pas, les retouches d’un graphiste seraient un bon investissement. Le CV doit être accompagné d’une lettre de motivation où le candidat doit exprimer ses aptitudes, son intérêt pour le poste; sa sincère volonté de s’intégrer dans l’entreprise qu’il ne connait pas; qu’il s’entendra avec les gens qu’il n’a jamais vus; que l‘entreprise gagnerait à l‘engager… Fort dans sa tête, même si l’entretien se termine par «on vous écrira». Ils écriront généralement leur désolation de «ne pas vous avoir sélectionné» «malgré votre profil intéressant» ils sont «persuadés que vous trouverez l’emploi convenable à vos aspirations» et donc, ne perdez pas espoir, au risque d‘être sanctionné par l‘ONEM!
Conditions de l’emploi
L'emploi est présenté à la fois comme un rêve, limité à certaines personnes et rare, d'individus aptes et compétents. Des spécialistes en «compétences» se chargent de jouer avec ces demandes pour trier, sélectionner, engager le meilleurs candidat. Comme des docteurs en psychologie, munis de codes et statuts de domination, ils testent vos compétences, vos diplômes, vos aptitudes, votre stabilité, votre motivation, vos attitudes - présentation – écriture… Une sélection immédiate est faite sur CV. Après étude, des points d’évaluation sont attribués. Les annonceurs ne prennent pas la peine de rencontrer les candidats. Ils expriment leurs décisions, dans un courrier type où seuls les dates noms et adresses changent. La démarche du candidat est faiblement appréciée tandis que son courrier/CV est définitivement jugé. Des éléments partiels, d’une facette peu réelle de la personnalité, vont donc déterminer le jugement. Un quelconque défaut structurel d’une présentation/argumentation risque de perpétuer l‘appréciation négative, s’il n'est pas corrigé. Les mêmes se retrouvent évacués. Le CV trace la vie professionnelle d’un individu alors que ce n’est pas son expérience qui est entendue mais la cohérence de cette expérience avec les critères du poste à pourvoir. La sélection ignore les aptitudes personnelles à l’adaptation.
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