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AEROPORT DE BIERSET: NET SKY CONTRE ATTAQUE

Banc Public n° 53 , Octobre 1996 , Catherine VAN NYPELSEER



Dans un article de mars 96, nous avions attiré l’attention de nos lecteurs sur les problèmes posés par l’arrivée des sociétés de fret TNT et CAL à l’aéroport de Bierset (Liège), attirées à coups de contrats ne comportant aucune clause visant à limiter les nuisances, sonores en particulier, dont seront victimes les 10.000 habitants vivant dans les abords immédiats de l’aéroport, contrats qui prévoient pourtant des vols de nuit intensifs d’avions bruyants. A l’époque, un battage politico-médiatique considérable présentait cette arrivée comme un bienfait économique extraordinaire pour la région (en particulier au niveau des emplois directs et indirects qui y seraient créés). Les problèmes d’environnement étaient totalement négligés par le pouvoir politique.


Depuis, les problèmes de bruit d’avions ont fait la une de l’actualité:


- Les habitants de trois communes bruxelloises ont obtenu, le 11 juillet dernier, un jugement retentissant (et frappé d’appel par le ministre fédéral des transports) en ce qui concerne l’aéroport de Zaventem: le survol nocturne des quartiers résidentiels de l’Est bruxellois par les avions dont le type fait partie d’une liste annexée au jugement est purement et simplement interdit!
- La ville de Strasbourg a refusé d’accueillir la société de courrier rapide DHL qui voulait s’installer dans son aéroport et y programmer de nombreux vols de nuit. Des habitants s’étaient déplacés jusqu’à Diegem, commune voisine de l’aéroport de Zaventem, et avaient enregistré le niveau sonore lors du passage des avions à 4h du matin et en étaient revenus abasourdis (et assourdis).
- Une étude française (rapport Gouffiagues) a conclu que le développement d’aéroports spécialisés en fret a très peu d’impact au niveau micro-économique. En effet,le volume de fret est faible, ce transport est réalisé au détriment d’autres services existants (poste, chemins de fer, transport routier...) et apporte très peu de valeur ajoutée.
D’autre part, les compagnies déménagent d’un pays à l’autre en fonction des subventions et de l’impôt et ne génèrent qu’un faible volume d’emploi, peu qualifiés et peu stables, et très peu d'emplois indirects.
Le 22 mars dernier, l’a.s.b.l. Net Sky, constituée par les habitants de la région pour lutter contre les atteintes à l’environnement, qui comptait alors 250 membres, dénonçait tout le projet de développement de l’aéroport, du point de vue des nuisances sonores, mais aussi en ce qui concerne le volume de l’emploi (des emplois précaires, souvent à temps partiel, certains emplois de TNT seront délocalisés de Cologne qui est tout proche, très peu d’emplois indirects), le non-respect de diverses réglementations.
Net Sky comporte actuellement plus de 1.000 membres, et elle entame plusieurs actions en justice.


Actions en justice


- Plus de 400 plaintes individuelles pour tapage nocturne et autres nuisances occasionnées par l’exploitation de l’aéroport ont été déposées devant le Procureur du Roi de Liège. Elles font état de passages à basse altitude d’avions proscrits par les directives européennes réglementant le trafic aérien, et signalent que l’aéroport de Bierset n’a pas de règlement interne visant à limiter les nuisances (!).
- D’autre part, l’a.s.b.l. ainsi que des habitants introduisent une action en référé devant le tribunal de première instance de Liège contre
la Région wallonne, l’État belge, la Régie des voies aériennes, et la société anonyme de développement de l’aéroport de Bierset.
L’État belge est le propriétaire de l’aéroport (ancien aéroport militaire), dont il a cédé, par une concession domaniale1, la gestion à la société chargée par la Région wallonne de l’exploitation de l’aéroport.
L’action vise à obtenir la cessation immédiate de l’exploitation de la piste qui a été allongée illégalement et à interdire tout mouvement d’avion causant des troubles de voisinage ou troublant le repos nocturne sous peine d’une astreinte de 500.000 F par jour.


Quels sont les moyens soulevés?

1. Non respect de la législation urbanistique et de l’évaluation des incidences sur l’environnement
L’allongement de la piste de l’aéroport est soumis, par des décrets de la région wallonne de 1985 et de 1991 à une étude d’incidences qui n’a tout simplement pas été entreprise! Le permis de bâtir (s’il existe) et les travaux sont donc entachés d’illégalité.
2. Non -respect de la réglementation relative aux établissements classés dangereux, insalubres ou incommodes
Si vous voulez installer une citerne à mazout dans votre cave, vous devez suivre toute une procédure dite de commodo-incommodo par rapport à vos voisins. Mais pour installer des citernes de kérosène ou des cabines électriques, la société qui gère l’aéroport de Bierset n’a pas demandé d’autorisation d’exploitation (alors qu’elle y est évidemment contrainte par l’article 1er du R.G.P.T.2, arrêté de 1946 et 1947), ni de permis de bâtir.
3. Non-respect des normes concernant le bruit des avions
Les niveaux sonores des avions à réaction de l’aviation civile sont régis par deux directives du conseil de la CEE de 1989 et 1992, ainsi que la convention de Chicago relative à l’aviation internationale de 1944, adoptée le 2 avril 1971. Les deux directives n’ont pas été transposées en droit belge et sont donc directement applicable selon une jurisprudence constante. La seconde directive impose à l’État belge d’interdire la circulation dans ses aéroports d’avions ne possédant pas de certificat acoustique répondant à certaines normes, auxquelles ne répondent pas une partie des avions exploités par les compagnies CAL et TNT comme, par exemple les Illiouchine 76.
4. Troubles du voisinage
L’exploitation de l’aéroport privera les riverains de leur droit à un repos nocturne paisible. Jurisprudence amusante en ce domaine: un jugement en référé de la Cour d’appel de Mons de 1990 a confirmé le jugement de première instance qui avait imposé des limitations sévères à l’usage d’un... carillon électronique nouvellement installé dans une église de Dour.
Préjudice grave et difficilement réparable
Enfin, pour obtenir une décision en référé, c’est-à-dire à bref délai, ce qui implique un examen relativement superficiel du dossier, les plaignants doivent justifier l’urgence et la gravité du préjudice qui doit être “difficilement réparable”. Selon un arrêt du Conseil d’État de 1994, l’absence d’une étude d’incidences requise suffit à cela, puisque le fait que la législation impose une telle étude est en soi la preuve de la possibilité de nuisances particulièrement graves. La jurisprudence des juridictions de référé considère également que l’urgence de déduit de l’absence d’autorisation.


Conclusion et perspectives


Les actions en justice de Net Sky et des habitants subissant les nuisances sonores paraîssent très bien engagées, en particulier en ce qui concerne les absences d’étude d’incidence et de permis de bâtir. Le fait de commettre des erreurs aussi grossières est assez étonnant, et confirme à quel point certaines autorités politiques se croient au dessus des lois dans la province de Liège.
Terminons sur une réflexion économique qui pourrait ouvrir d’autres horizons. Le fait de transporter dans l’espace européen des petits colis par avion ne parait pas particulièrement rationnel. Ce service ne pourrait-il être rendu aussi bien, dans les mêmes délais, mais à moindre coût, gaspillage écologique et nuisances, par des services postaux européens qui utiliseraient (et rentabiliseraient) de nuit les lignes de T.G.V. existantes? En d’autres termes, les sociétés de transport rapide par avion survivront-elles au troisième millénaire?

Catherine VAN NYPELSEER

     
 

Biblio, sources...

(1) Sorte de contrat permettant à une autorité publique d’autoriser la jouissance par un particulier d’un élément du domaine public.
(2) Règlement général pour la protection du travail

 
     

     
   
   


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