Sortir de la consommation

Banc Public n° 205 , Décembre 2011 , Catherine VAN NYPELSEER



Ce gros bouquin pas spécialement attrayant extérieurement – la couverture comporte seulement une toute petite image de la planète au centre d’un chrysanthème orange, et beaucoup de lignes de texte – recèle des trésors d’informations et de réflexion. Composé de façon très agréable à lire, malgré de temps en temps un léger flou caractéristique des traductions de l’américain et un petit côté boy scout agaçant dans certains paragraphes, il épate son lecteur par la qualité de son analyse, le foisonnement de thèmes de réflexion passionnants, la pertinence du projet de société qui l’anime.

L’agrément de cette lecture réside aussi dans l’optimisme et le sentiment de soulagement qu’elle procure lorsque l’on entrevoit enfin une solutions aux maux que le développement humain cause à notre planète, et que l’on prend conscience de la force qui se dégage de réseaux d’êtres humains bienveillants pour elle, pour la nature, et donc pour l’avenir de l’humanité. La sociét&am

Historique

Pour Erik Assadourian, les changements sociétaux  qui préparèrent l’évolution vers la société de consommation remontent au XVIIe siècle. Il s’agit d’une augmentation de la population pour une quantité de terres inchangée, qui provoquent l’apparition d’une population jeune dont l’avenir n’est plus assuré par les structures traditionnelles comme par exemple la transmission du terrain famillial, et qui cherche à se réaliser par l’acquisition et l’utilisation de biens. Parallèlement, des entrepreneurs tirent profit de ces changements afin d’augmenter les ventes de leurs nouvelles marchandises. Au XVIIIe siècle, un potier britannique nommé Wedgwood a recours à des vendeurs pour «susciter l’enthousiasme pour ses nouveaux produits» ce qui lui permet d’en vendre à des «clients qui possédaient déjà tout ce qu’il fallait mais se sont laissés convaincre que leurs produits étaient dépassés» (p. 55).

Sous l’influence des commerçants, l’on aboutit petit à petit à une «nouvelle conception de ce qui est naturel», et «l’univers des biens de première nécessité s’étend» en englobant ce qui était considéré comme des produits de luxe au siècle
précédent. «Au début du XXe siècle, la consommation consolide ses positions dans les institutions sociétales dominantes de nombreuses cultures» et, durant la seconde moitié de ce siècle, des phénomènes nouveaux comme la télévision puis internet aident à répandre la société de consommation à travers la planète.

Le moteur sans doute le plus puissant de ce changement est constitué par les intérêts commerciaux. Les entreprises sont parvenues à inciter les populations à consommer davantage en libéralisant le crédit, en commercialisant sciemment des produits à durée de vie limitée (obsolescence physique) ou destinés à être rapidement passés de mode (obsolescence psychologique), ou encore en incitant les travailleurs à préférer les augmentations de salaire au temps libre afin d’augmenter leurs revenus disponibles pour consommer.

Lors de la récession mondiale en 2009, «les pays riches n’en ont pas profité pour passer à une économie durable de ‘non-croissance’, pourtant indispen¬sable si l’on veut réduire les émissions de CO2» mais ont au contraire renfloué leurs économies à hauteur de 2.800 milliards de dollars afin de les stimuler (p.64).             (Suite page 4)

En sortir ?

La volonté de changement de modèle de société pour sortir de la société de consommation est justifiée par son coût social et écologique.

Le prêtre catholique et philosophe de l’écologie Thomas Berry résume la situation actuelle de la façon suivante: «au XXe siècle, la splendeur de l’être humain a fait la désolation de la Terre. Et aujourd’hui, la désolation de la terre fait le destin de l’être humain»(p.66).

Pour Assadourian , dans une société «durable», modèle devant succéder à la société de consommation, il faudrait «qu’il devienne ‘naturel’ de trouver de la valeur et du sens à ce qu’on fait pour soigner la planète plutôt qu’à ce qu’on gagne, à la taille de nos habitations ou à la quantité de gadgets qu’on possède»(p.67).

On devrait pouvoir être admiré en société non «parce qu’on possède le tout dernier portable ou appareil photo», mais «parce qu’on sera resté fidèle à un ‘bon vieux’ produit qui a une dizaine d’années d’existence derrière lui»(p.70).

Micmacs

Au début des années 1990, les membres de l’ethnie des Micmacs établis sur la côte Est de l’Amérique du Nord ont réussi à empêcher l’installation d’une carrière par la stratégie suivante, alors que des groupes écologistes notamment qui s’étaient battus contre le projet à l’aide de rapports chiffrés et d’analyses n’avaient pas réussi à le stopper:
ils ont choisi «d’argumenter» en allégant le caractère sacré dans leur culture de la montagne dans laquelle la carrière devait être installée, ainsi que le prouvaient certains de leur rites comme «la cérémonie de l’étuve, l’utilisation de tambours et l’organisation de pow-wows, et en apportant la preuve documentée que la montagne en question était un site micmac sacré»(p.105).

La compagnie minière a eu difficile à contrer cette stratégie alors qu’elle n’avait eu aucun problème avec les autres opposants. Elle a finalement renoncé au projet, et cette victoire s’explique selon Anne-Christine Hornborg, par le fait que «les rites sont ‘immunisés contre la bureaucratie’».

Rites et environnement

De nombreuses sociétés auraient recours à des rites pour protéger l’environnement. Au Ghana, par exemple, dans la région de Ningo, des croyances et tabous traditionnels protègent les tortues qui sont considérées comme divines. On peut observer que 80% environ des sites de nidification des tortues se trouvent dans les zones protégées par le rite (p.106).

Une étude de 1997 sur les liens entre les tabous sur certaines espèces et le classement officiel des espèces en danger a montré une forte corrélation: «62% des reptiles et 44% des mammifères protégés protégés par des rites et des tabous indigènes» se retrouvent dans la liste des espèces menacées (p.107).

Pour l’auteur du chapitre, Gary Gardner, cela signifie que les peuples indigènes connaissent bien les espèces en danger et qu’ils «mettent au point des stratégies de protection de ces espèces, sans doute à la faveur d’un processus de coévolution dans lequel les pratiques humaines, dont les tabous, évoluent en fonction des menaces qui pèsent sur les différentes espèces et ce, afin d’assurer leur bien être» (p.107).

Rites et consommation

Dans les sociétés dites développées, au contraire, les rites contribuent plutôt à la diffusion des modes de consommation. On peut prendre par exemple les rites de mariages, bar-mitsvah, enterrements qui sont souvent devenus «des événements marqués par une forte consommation, comparés à leurs équivalents par le passé»(p.107).

Aux Etats-Unis, le mariage est une industrie pesant 60 millards de dollars, chaque cérémonie ayant coûté en moyenne près de 22.000 dollars en 2008. Ces dépenses correspondent par exemple aux invitations, cadeaux, repas, fleurs, alliances, vêtements, déplacements des invités etc. et ont chacune une empreinte écologique. Les invités qui prennent l’avion pour assister à la cérémonie ont bien sûr une empreinte carbone énorme, tout comme le repas servi lors de la réception.

Même les enterrements dans les pays industrialisés peuvent «se solder par une facture carbone inutilement élevée», entraînée par le cercueil, les fleurs, l’emplacement au cimetière, notamment. De nombreuses caractéristiques des enterrements modernes relèvent d’innovations qui ne sont pas nécessaires, alors qu’il y a à peine quelques générations, le corps du défunt était enveloppé d’un linceul ou placé dans un simple cercueil en bois, et que d’autres sociétés pratiquent des rites qui n’ont presque aucun impact environnemental:
au Tibet, on pratique la «sépulture céleste» où le corps du défunt, qui est considéré comme vide puisque dépourvu d’âme, est découpé en morceaux et donné en pâture aux vautours.

Rôle des aînés

Une des conséquences négatives de la modialisation est que les valeurs jeunistes du monde occidental se répandent dans des sociétés qui avaient une organisation sociale respectant les aînés. Ceux-ci y étaient pourtant ceux qui transmettaient des traditions basées sur une utilisation rationnelle et durable des ressources, et qui jouaient un rôle central dans l’intégration des jeunes générations.

Nous reviendrons probablement sur cet ouvrage dans un prochain Banc Public, n’ayant pu en rendre compte complètement, par manque de place et de temps.


Catherine VAN NYPELSEER

     
 

Biblio, sources...

COMMENT SORTIR DE LA SOCIETE DE CONSOMMATION
par le Worldwatch Institute
(plus de 50 auteurs, sous la direction d’Erik Assadourian)
Editions de La Martinière
567 pages – 24 ¤
Février 2011

 
     

     
 
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