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Résultat, le nombre de chômeurs dans le monde a augmenté d’environ 60 millions par rapport à 2007. Dans de nombreux pays européens, des pans entiers de la population perdent espoir, perspectives et repères. Ils sont confrontés à une situation difficile dont l’issue semble incertaine. Les frémissements de croissance sont une illusion, car les véritables problèmes n’ont pas été résolus. Les particuliers et les entreprises subissent des niveaux d’imposition bien trop élevés, alors que les grandes banques sont sous-imposées. Quant à la politique de la Banque centrale européenne (BCE), qui consiste à maintenir un taux d’intérêt très faible et à inonder les marchés financiers de liquidités, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Ces liquidités, au lieu d’être investies dans l’économie, stagnent le plus souvent dans le secteur financier et contribuent au développement de la finance "casino".
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Les mesures prises depuis la crise pour renforcer l’assise financière des banques ont été vidées de leur contenu;  en dernière instance, c’est le contribuable, sans parler du client, de l’employé et de l’actionnaire, qui, le cas échéant, s’acquitte de la facture laissée par les banques systémiques, ce qui contredit un des principes de base du libéralisme, en l’occurrence que ceux qui prennent des risques se doivent de les assumer. Les banques systémiques sont incitées à prendre des risques et ce, aux dépens de la société.
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Chesney propose une taxe sur les transactions financières différente de la taxe Tobin. Il s’agirait, comme le propose le financier zurichois Felix Bolliger, de taxer tous les paiements électroniques nationaux et internationaux et pas seulement les achats d’actions ou d’obligations sur le marché local. En Suisse, ces paiements sont de l’ordre de 100.000 milliards de francs suisses par an. C’est énorme. Il s’agit d’environ 160 fois le PIB du pays.
Il suffirait, pour Chesney, de prendre 0,2% sur chaque transaction pour obtenir 200 milliards, soit davantage que l’ensemble des impôts perçus en Suisse, qui est de l’ordre de 170 milliards. Une telle taxe pourrait théoriquement remplacer tous les impôts actuels et permettrait de simplifier le système fiscal. Cela pourrait délester l’économie d’activités qui lui sont néfastes comme le « trading » à haute fréquence.
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Certaines transactions pourraient certes se déplacer ailleurs, où aucune taxe n’est perçue, comme les activités de négoce à haute fréquence; mais la Suisse pourrait se passer de ces transactions sur actions exécutées en quelques microsecondes que Chesney tient  pour des activités de type «finance casino». Les finances du pays y gagneraient par ailleurs, les entreprises, comme le contribuable, bénéficiant d’une véritable baisse des impôts qui leur permettrait d’investir et de créer des emplois.
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Pour Chesney, la Suisse et L'Europe ont besoin de politiciens qui prennent leurs responsabilités et s’émancipent des lobbys de cette aristocratie financière. La société se doit également de comprendre les enjeux, même si un certain jargon est favorisé pour rendre le tout très opaque, et même si la complexité permet à un secteur composé de «spécialistes» de détenir le pouvoir aux dépens de la démocratie. La situation, conclut Chesney, requiert un travail en profondeur. Les programmes actuels de l'enseignement n’ont pas suffisamment été modifiés. Dans les cours de finance, la question des prix des actifs est au premier plan, or il faudrait aussi parler des valeurs de notre société: le problème est que les valeurs d’une société démocratique et civilisée ne sauraient être purement financières.