Démocratie ou particratie (suite)

Banc Public n° 126 , Janvier 2004 , Catherine VAN NYPELSEER



Parmi les réactions suscitées par l'ouvrage d'Eraly, Destexhe, etc., celle du président du parti socialiste francophone, Elio di Rupo, dans la Libre Belgique (série, du 23/12/03 au 2/1/04), est particulièrement intéressante.
Interrogé sur le pamphlet précité (il ne l'a pas lu ! Il n'en connait qu'un résumé "qu'on a bien voulu lui faire"), qui met vivemment en cause la manière dont son parti (entre autres) pratique la politique, Di Rupo s'en prend à ses auteurs:

"Existeraient-ils s'ils n'avaient pas été, à un moment, dans les bonnes grâces d'un président ou d'un membre influent de leur parti pour être mis dans une position qui leur a permis d'être élus."
A part le fait qu'il se méprend sur la qualité des auteurs: un seul est un homme politique, le sénateur libéral Destexhe - décidément, ce sujet ne le passionne pas ! , le président du PS exprime bien l'un des travers belges: l'accent mis sur les relations individuelles d'allégeance, condition pour "faire de la politique" dans notre pays. On ne choisit pas les meilleurs, mais ceux qui plaisent . Quelques personnes (les présidents de parti et leur entourage) détiennent le pouvoir de faire exister toutes les autres, qui forment donc leur Cour !
On aurait envie d'écrire que cette conception - hélas vérifiée en pratique: le président du PS ne pratique pas ici la langue de bois - pourrait être qualifiée d'ancien régime, c'est-à-dire d'avant la révolution française, avant de se souvenir qu'en Belgique, nous avons toujours une monarchie. Si le résultat de cette structure politique est de confier les plus hautes fonctions de l'Etat à des larbins soumis craignant de déplaire à celui qui les a choisis selon le mécanisme bien connu de la Cour élaboré jadis par les souverains français, alors il faudrait peut-être envisager d'en changer.
En effet, nous vivons prétendument en démocratie, structure d'organisation politique dans laquelle chaque citoyen est sensé avoir un pouvoir égal pour orienter les décisions de l'ensemble. Au XIXe siècle, lorsque notre Constitution a été élaborée, les moyens techniques modernes n'existaient pas, et donc le système de la représentation s'est imposé, qui permet au peuple de choisir par un vote ses représentants, qui exerceront le pouvoir en son nom.
Bien sûr, la prise de décision politique doit être organisée, il n'était pas possible que chaque décision soit le fruit d'un débat dans lequel chaque citoyen aie la possibilité de donner son avis. La vie politique s'est donc structurée en partis défendant des courants de pensée et des classes particulières de citoyens. Mais ces mécanismes ont dérivé dans le sens où les représentants se sont détachés des représentés, appliquant une fois élus des politiques décidées indépendamment des voeux de leurs électeurs, parfois contraires au programme présenté pendant la campagne électorale.
Les structures des partis, utiles au départ, ont eu pour effet pervers de verrouiller la vie politique, un phénomène particulièrement accentué en Belgique par les mécanismes de clientélisme qui ont étendu leur emprise sur les autres domaines de la vie sociale: emplois, associations (via la subsidiation), entreprises privées (marchés publics), etc. Et il est effectivement devenu quasiment impossible de faire de la politique sans passer sous les fourches caudines d'une structure partisane.


Nouveaux mécanismes constitutionnels

Il conviendrait peut-être, au-delà de la correction des dérives du système actuel, de s'interroger sur de nouveaux mécanismes constitutionnels à élaborer, compte tenu des moyens techniques de télécommunications dont nous disposons en ce début du XXIe siècle: internet, téléphones portables, qui pourraient faire disparaître la nécessité d'assemblées de "représentants" qui ont oublié en quelle qualité ils s'y trouvent, et sont d'ailleurs écartés du pouvoir au profit des structures encore plus restreintes des états-majors des partis et des exécutifs.
Pour en revenir à l'interview de M. Di Rupo, il explique dans un autre passage, en réponse à la question de savoir s'il n'a pas trop de pouvoir, qu'il a surtout beaucoup de travail pour réaliser la coordination entre les parlementaires et les ministres, notamment, parce que "les présidents de partis sont les seuls à avoir une vision globale de la politique du pays, les seuls à nous préoccuper en permanence de toutes les dimensions: fédérale, communautaire, européenne, internationale..." . Rappelons au président du PS, qui n'est titulaire que d'un diplôme scientifique, qu'un régime politique où une seule personne décide de la politique globale d'un pays porte un autre nom que celui de "démocratie"...


Rectification

Dans l'article du mois passé, nous avions indiqué erronément que la faculté de droit de l'ULB avait rouvert une session dans le but de repêcher une étudiante ayant échoué en contentieux administratif. S'il y a bien eu des demandes pressantes en ce sens, elles n'ont jamais été satisfaites; c'est au moyen d'autorisations de tripler la deuxième licence que ce problème a été résolu à quelques reprises, nous précise le titulaire de ce cours - également magistrat au Conseil d'Etat - Michel Leroy.
Ce que nous reprochons surtout à l'ULB, et c'est important vu le nombre de juristes qu'elle forme, c'est l'absence d'une culture générale de droit administratif. Une anecdote nous fera peut-être mieux comprendre:
En 2002, l'examen (écrit) de droit commercial se tenait à l'auditoire Paul-Emile Janson à huit heures du matin. Le professeur titulaire de ce cours arrive avec les questions à... 8h45 et affirme aux étudiants qu'ils disposeront de trois quarts d'heure supplémentaires. Puis il s'en va vaquer à d'autres occupations. A midi, les assistants préposés à la surveillance reprennent les copies sans se préoccuper des trois quarts d'heure annoncés, d'autant que ce grand auditoire est overbooké en période d'examens et que la fournée suivante attendait d'entrer.
Bon. Mais lorsque l'on raconte cette histoire au professeur titulaire du cours de droit administratif (dans l'idée qu'il pourrait éduquer sa faculté), en concluant qu'on pourrait y trouver les éléments d'un recours au Conseil d'Etat, sa seule réaction fut un petit rire genre geisha et "vous allez vous faire des ennemis " !


Catherine VAN NYPELSEER

     
 

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