La période précoloniale
Nous ne disposons malheureusement pas de documents pour la période antérieure à l'arrivée des Européens.
Après la mention de l'ancien royaume du Kongo découvert par les navigateurs portugais à la fin du XVe siècle, dont le roi légendaire Nzinga Ntinu dépêcha en 1484 des ambassadeurs à Lisbonne en demandant de lui envoyer des maçons, des charpentiers, des laboureurs et des missionnaires (tout en gardant en otages les délégués envoyés par le roi du Portugal), l'ouvrage débute par le rappel des grandes missions d'exploration du centre de l'Afrique, dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
Léopold II et Stanley
Le premier explorateur européen qui traversa le cœur du continent africain fut le célèbre David Livingstone, à partir de 1849. Ensuite, Burton et Speke découvrirent les lacs Tanganyika et Victoria, puis, en 1873-1874, Cameron, le premier à traverser l'Afrique d'Est en Ouest, précisera la carte du fleuve Congo qui avait été confondu avec le Nil.
Quant au non moins célèbre Stanley, il s'agissait d'un reporter du New York Herald envoyé à la recherche de Livingstone qu'il retrouva le 10 novembre 1871. Lors de sa deuxième expédition, en 1874, il descend le fleuve Congo et découvre Kinshasa, à l'époque un petit village inconnu, qui est déjà un centre commercial.
Le 25 novembre 1878, Léopold II reçoit Stanley. Il fonde ensuite le Comité d'Etudes du Haut Congo avec lequel Stanley signe un contrat de cinq ans (1879-1884) pour mettre en valeur les 400 premiers kilomètres navigables du fleuve Congo et y créer les bases d'un Etat. Stanley crée une trentaine de postes le long du fleuve, entame la construction d'une piste et conclut plus de 500 traités avec les chefs coutumiers.
Lutte contre l'esclavagisme
Un chapitre important de l'ouvrage de Charles Léonard est consacré à l'esclavagisme. Un des premiers à s'en émouvoir sera Livingstone, qui rapporte des descriptions des marchés d'esclaves noirs examinés par des acheteurs arabes ou persans. La traite transsaharienne des esclaves noirs vers l'Afrique du Nord bénéficiait de la collaboration des Touaregs, qui connaissaient les voies de traversée du désert. On estime que 8 millions d'esclaves furent ainsi déplacés pendant le temps que dura cette pratique, du VIIIe au XIX e siècle. Les opérations de capture entrainaient la mort de quatre fois plus d'individus, ceux qui tentaient de résister.
Le Congo fut un des principaux pourvoyeurs d'esclaves d'une autre traite, celle qui fut organisée par les Européens à partir du milieu du XVe siècle. Les Portugais, puis les Hollandais, les Anglais et les Français se livrèrent à cet infâme trafic avec la complicité de chefs négriers africains comme Tippo-Tipp ou M'Siri.
La Belgique fonde en 1888 une société antiesclavagiste, qui va "organiser et financer de 1890 à 1893 quatre expéditions chargées de barrer la route des esclavagistes arabo-swahilis qui sévissent dans l'Est du territoire de l'Etat Indépendant du Congo" (p. 39). Le 1er juillet 1891, Léopold II prend un décret qui instaure des peines pour les faits de traite.
Monument en mémoire des Belges
Il se trouve en Tanzanie, sur la rive orientale du lac Tanganyika, à Karema, qui était à la fin du XIXe siècle une base belge où les esclaves libérés "recevaient un lopin de terre à cultiver pour subvenir à leurs besoins et leur permettre de se réadapter à la vie" (p. 43). Il s'agit d'un monument funéraire à la mémoire du capitaine Ramackers, tué en 1882 par le roitelet local Mirambo, un fournisseur d'esclaves aux Arabes.
Ce monument oublié a été redécouvert par hasard en 1982 par l'ambassadeur de Belgique en Tanzanie.
L'Etat indépendant du Congo (1885-1908)
La formation de l'Etat congolais résulta de l'action du roi des Belges Léopold II, qui en conçut personnellement le projet, indépendamment du peuple belge, et le réalisa à distance, sans jamais s'y rendre.
La première étape fut la Conférence géographique qu'il organisa à Bruxelles en 1876. Le but de cette conférence était d'organiser:
- l'exploration du centre de l'Afrique, notamment via l'Association internationale africaine (AIA) qu'elle crée,
- l'implantation de stations,
- l'arrêt de l'esclavage.
En 1878, Léopold II réussit à s'allier avec l'explorateur Stanley, dédaigné par son pays d'origine, l'Angleterre, et crée le Comité d'Etudes du Haut-Congo, une société financière indépendante de l'AIA, pour étudier les possibilités économiques du Congo et construire une voie ferrée entre le Bas-Congo et la partie supérieure navigable du fleuve, pour pouvoir développer cet immense territoire.
En 1879, le Roi "affiche plus clairement ses ambitions politiques sur le bassin du Congo": il dissout le Comité d'études du Haut-Congo, rembourse les souscripteurs et crée l'Association Internationales du Congo (AIC) qui sera dotée d'un drapeau et "n'aura plus d'internationale que le nom car elle dépend de Léopold II et de lui seul" (p. 80). C'est Stanley qui en assumera la direction.
L'AIC sera reconnue comme Etat souverain pour la première fois en 1884 par les Etats-Unis. Ensuite, la même année, l'Allemagne reconnait ce nouvel Etat pour "endiguer les visées expansionnistes de la France et de la Grande-Bretagne", et dans l'espoir de pouvoir y commercer librement.
L'équipement du nouveau pays
Ensuite, Léopold II sera le souverain de l'Etat indépendant du Congo de 1885 (conférence internationale de Berlin) à 1908.
Il y engage sa fortune, en créant des stations pour occuper le territoire, en participant au financement de la voie de chemin de fer sans laquelle, selon Stanley, "le Congo ne vaut pas un penny", en dotant le fleuve de petits bateaux... A cette époque, l'administration et la justice du nouveau pays sont créées, ainsi qu'une force armée; des recherches sont menées en matière de santé publique pour lutter contre les maladies tropicales.
Presque ruiné, il sollicitera et obtiendra un prêt du gouvernement belge, en fournissant comme garantie par testament ses droits sur le Congo, capable selon lui "d'assurer à la Belgique (...) les débouchés indispensables à son économie et à son industrie (...)".
L'Etat Indépendant du Congo était alors considéré comme un gouffre à millions, dont ceux qui s'y rendaient revenaient avec des maladies tropicales, et la population belge n'était pas enthousiaste d'y voir consacrer tant d'argent.
Le mythe du roi génocidaire
Pour Charles Léonard, les affirmations selon lesquelles Léopold II aurait été responsable de dizaines de millions de morts au Congo ne reposent sur aucune preuve. Il cite à l'appui de cette thèse Stanley qui déclarait en 1903: "Ces histoires d'atrocités ne vont pas cesser. Elles persisteront avec le peu de fondement qu'elles avaient quand je me trouvais là. J'ai entendu raconter d'effrayants excès. Ce n'était jamais que pure invention" (p. 89).
Les efforts incontestables du souverain pour lutter contre ce qui mettait en danger les populations congolaises, la traite des esclaves et les maladies tropicales, forment également un argument de poids contre cette thèse: pour Charles Léonard, "quel dirigeant génocidaire s'est-il jamais préoccupé de la santé de ses victimes ?"(p.91).
Après avoir passé en revue les attaques contre Léopold II en dénonçant soit leur volonté de déstabiliser le Congo pour s'en approprier les richesses, soit leur peu de vraisemblance historique (chapitre 4, point 9, pp. 91 à 109), l'auteur conclut en citant une lettre de 1930 du maréchal français Lyautey, pour qui le Congo fut un "modèle de création, d'organisation pratique et réalisatrice, de large et libérale initiative, d'intelligence des besoins matériels, moraux et sociaux des indigènes, dont toute oeuvre coloniale devrait s'inspirer (...)" (p. 109).
Conclusion
Ne concluez pas de cette dernière citation que le livre de Charles Léonard vise à défendre la colonisation en tant que telle. Nous avons compris qu'il a entrepris plutôt de présenter les réalisations concrètes positives des Belges au Congo à l'époque où cet Etat fut construit.
La suite cette "Autre histoire" du Congo, jusqu'à notre époque, sera pour un prochain Banc Public.