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Banc Public n° 254 , Février 2017 , Catherine VAN NYPELSEER



Banc Public s’est procuré le livre de Jacqueline Galant, « Galant, je vous dis merde » (1) dès sa sortie, parce que le parcours personnel d’une femme dans la politique belge nous paraît intéressant et important dans l’optique d’un rééquilibrage du rôle des femmes et des hommes dans ce métier.


 

La belle librairie Filigranes proposait judicieusement sur un rayon voisin l’étude publiée tout récemment aussi du politologue – également très médiatisé – Pascal Delwit, ‘‘ Du parti libéral au MR / 170 ans de libéralisme en Belgique ’’(2), qui décrit le parti de l’ex-ministre précitée, son histoire, son organisation, ses électeurs.

 

Le livre de Jacqueline Galant ne nous a pas appris grand-chose sur les évènements ultra-médiatisés qui ont conduit à sa démission comme ministre de la Mobilité du gouvernement fédéral le 15 avril 2016, le premier poste ministériel qu’elle avait obtenu, le 10 octobre 2014, lors de la constitution du gouvernement fédéral.

 

Par contre, il synthétise utilement le point de vue de l’intéressée sur la manière dont elle a vécu et ressenti l’exercice très chahuté de la fonction ministérielle pendant un an et demi, après avoir consacré sa vie à la politique. Le bref ouvrage rédigé par le journaliste Nicolas Roisin nous présente une femme politique belge qui dresse son propre portrait, donne quelques éléments d’analyse sur la corrida médiatique qu’elle a subie et raconte la genèse de son engagement en politique.

 

Fille à papa (?)

 

Si Jacqueline Galant estime faire partie de l’ensemble des enfants d’hommes politiques qui font de la politique comme les Michel, De Croo, Tobback, Ducarme ou Wathelet (p.16), son père n’a pourtant occupé que des postes au niveau local, le plus élevé étant celui de bourgmestre, dans l’entité hennuyère de Jurbise (10.000 habitants).

Elle n’a donc pas pu bénéficier d’une notoriété nationale acquise par un puissant paternel.

 

Par contre, ce qu’elle mentionne de l’apprentissage des codes de la politique dès l’enfance, en étant la petite dernière qu’il emmenait partout avec lui et avec qui il discutait de tous ses projets, est plus pertinent. Un tel apprentissage par immersion peut d’ailleurs se produire dans de nombreuses professions.

 

La jeune femme choisit de faire des études universitaires de sciences politiques, puis devient à 26 ans la plus jeune bourgmestre de Belgique dans la commune de son enfance, son père s’effaçant à son profit, mais s’octroyant la présidence du CPAS local - ce qui lui permettait évidemment de continuer à la soutenir - avant de décéder d’un infarctus quelques années plus tard.

 

C’est à cette occasion que fut prononcée la phrase qui donne son titre à l’ouvrage, à titre de condoléances par un adversaire politique dont elle ne souhaitait pas la présence aux funérailles, lorsqu’elle refusa de lui serrer la main.

 

Garçon manqué

 

Cette phrase donne le ton d’une femme politique, ancienne ‘‘garçon manqué’’, «il n’y avait pas de place pour des poupées dans ma chambre», jadis complexée par une mâchoire inférieure trop développée et dont les jeux «étaient des jeux de mecs» «avec ce que cela implique en termes de caractère : la compétition, le combat et l’envie de gagner» (p.43), qui se vante de ne pas pratiquer le langage ‘‘politiquement correct’’.

 

Après son passage organisé par son père du PSC dont ils étaient membres au MR, Jacqueline Galant a travaillé au cabinet de Louis Michel, exercé la profession de députée fédérale puis (pour des raisons de stratégie électorale du MR) régionale, tout en restant bourgmestre de Jurbise. Grâce à sa popularité dans le Hainaut, à une prise de position remarquée contre le fait que Didier Reynders reste président du MR après l’échec électoral de 2009, à ses liens avec le clan Michel, à la nécessité politique de nommer des femmes, ainsi qu’à sa capacité à être «proche des gens»(p.42) pour un poste nécessitant des contacts avec différents milieux, elle fut choisie pour le délicat

portefeuille de ministre de la Mobilité dans le gouvernement fédéral, qui comprend notamment la responsabilité les difficiles dossiers du survol des avions, de la ponctualité des trains ou du projet de RER.

 

On connait la suite, si ce n’est le vécu personnel de l’intéressée qui s’était beaucoup impliquée, consacrait tout son temps à son travail et voulait sincèrement réaliser des choses «pour les gens». Des erreurs de communication dès le départ de son nouveau mandat ont permis à des adversaires agissant sournoisement de gonfler médiatiquement et politiquement quelques dossiers dans lesquels les manquements qui lui étaient reprochés se réduisent à peu de chose (affaire Clifford-Chance) ou à rien (budget du RER, sécurité de l’aéroport) et n’ont plus eu aucune suite depuis sa démission.

 

Nous avons donc assisté à la démolition publique d’une femme politique par des coups tordus médiatiques sans que personne ne siffle la fin de la récréation. Que l’on soit d’accord ou non avec ses idées politiques, le procédé est scandaleux et ne grandit pas notre démocratie. Contrairement à la cheffe de groupe CdH Catherine Fonck – sa prédecesseure à ce ministère après la chute de Melchior Wathelet junior sur le survol de Bruxelles – qui s’est permis de qualifier le livre de ‘‘pitoyable’’, nous trouvons qu’elle a bien fait de s’exprimer et s’est rendue à nos yeux beaucoup plus sympathique.

 

D’où vient le MR ?

 

Le livre (2) réalisé et rédigé en partie par Pascal Delwit est d’une toute autre nature. Edité par l’université libre de Bruxelles, c’est un pensum assez ennuyeux et difficile à lire, comme si ce style rébarbatif était un gage de sérieux universitaire, qui présente l’histoire électorale du parti libéral devenu le MR ainsi que l’évolution de son organisation, ses valeurs, son électorat.

 

Bien qu’il soit mentionné (en dernière page) que «Les ouvrages des Editions de l’Université de Bruxelles sont soumis à une procédure de referees nationaux et internationaux», à aucun endroit des 255 pages très serrées ne figure explicitement la raison de la spécificité du gouvernement Michel : «L’avènement du gouvernement Michel détonne complètement dans les canons et les codes de la vie politique belge» (p. 18), qui est le fait qu’il ne dispose pas de la majorité dans la population francophone, le MR, seul parti francophone à en faire partie, ne représentant que 25% des électeurs francophones aux dernières élections législatives.

 

La relecture par les referees internationaux nous vaut sans doute la désagréable tournure française pour l’écriture des chiffres, l’affectation des illogiques ‘soixante-dix’ et autres ‘quatre-vingt-dix’ compliquant encore la lecture, en plus du manque de définition des termes pointus de science politique utilisés.

 

Histoire du MR…

 

L’histoire du MR (Mouvement Réformateur) débute peu après la création de l’Etat belge (1830), puisque c’est en 1846 que sa principale composante, le parti libéral, est créé. Il s’agit du premier parti créé en Belgique: en effet, le parti catholique ne fut créé (formellement) qu’en 1884, le parti socialiste en 1885 et le parti écologiste au XXe siècle.

 

Au départ, le parti est issu d’une volonté de séparation de l’Eglise et de l’Etat dans le nouvel Etat belge. Il s’agit notamment de structurer une opposition à la mainmise de l’église catholique sur l’enseignement et sur les cimetières.

 

Au début des années 1960, «le libéralisme politique en Belgique se transforme de manière spectaculaire». En effet, le vote du «pacte scolaire» en 1959 apaise durablement les tensions en matière d’enseignement qui avaient provoqué plusieurs «guerres scolaires» pendant près d’un siècle.

 

Le parti libéral opère alors un «changement déterminant» : «Identifié historiquement comme le parti anticlérical du système, les libéraux se déclarent désormais ouverts à tous les points de vue philosophiques et aux croyants. Le principal trait identitaire se décline alors comme un positionnement à droite sur les questions socio-économiques.» (p.10)

 

et de son organisation

 

Le chapitre (pp.69 à 88) consacré aux structures du parti et à leur évolution ainsi que les informations organisationnelles mentionnées dans le reste de l’ouvrage collectif sont très instructifs pour comprendre la manière dont les décisions s’y prennent.

 

Il s’agit au départ d’un parti de cadres, dominé par des notables locaux. En même temps que le «changement déterminant» philosophique mentionné ci-dessus, le parti se centralise et refond ses structures, un «big bang organisationnel » décidé lors du congrès du 7 octobre 1961 sous la présidence du louvaniste Omer Vanaudenhove (p.74).

 

Le vote des femmes

 

Si «à l’instar du patrimoine génétique d’un individu, les structures d’origine d’un parti exercent bien souvent une influence significative sur ses développements organisationnels ultérieurs» (p.70), on peut rappeler, en corrélation avec la triste ‘‘affaire’’ Galant dont il est question dans la première partie de cet article, la phrase du libéral progressiste Paul Janson, élu en 1877 et 1889 et militant pour le ‘‘suffrage universel’’ (des individus de sexe masculin): «Si vous établissez le suffrage universel des femmes, vous aurez donné à chaque confesseur à peu près autant de voix qu’il n’y a de pénitentes» (p.36, citation de Jean Stengers, ‘‘Histoire de la législation électorale en Belgique’’). Heureusement que Wikipedia nous apprend qu’une fille de Paul Janson, Marie, fut la première femme politique à devenir membre du Sénat belge…

 

 

 

 

Catherine VAN NYPELSEER

     
 

Biblio, sources...

(1) « GALANT, JE VOUS DIS MERDE »

Par Jacqueline Galant et Nicolas Roisin

Éditions Luc Pire

Publié en janvier 2017

(imprimé en octobre 2016)

114p ; 16€

 

(2) Du parti libéral au MR

170 ans de libéralisme en Belgique

Ouvrage collectif dirigé par Pascal Delwit

Éditions de l’Université de Bruxelles

Publié en janvier 2017

255p; 23€

 
     

     
   
   


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