LA VRAIE SIXIEME REFORME DE L’ETAT

Banc Public n° 229 , Juin 2014 , Nezia Mahieu



Il importe de rappeler qu’aux élections législatives de 2007 et 2010, les partis francophones n’étaient « demandeurs de rien »…, mais les partis flamands, eux, réclamaient à cor et à cri la responsabilisation et une autonomie accrue pour les Régions et les Communautés, ainsi qu’un Etat fédéral au service de ces deux entités. Alors, après une négociation de 541 jours pendant laquelle les partis francophones -PS,MR, CDH et ECOLO- se sont soumis aux diktats des partis flamands  -CD&V, Open VLD, SPA et GROEN-,

 

 

en décembre 2011, ils ont payé le prix de leur nouvelle soumission, soit l’établissement en termes de lois d’une 6e réforme de l’Etat. Les responsables du PS, du MR, du CDH et d’ECOLO se sont alors félicités et se sont embrassés pour avoir permis le maintien d’une forme de Belgique pendant encore 20 ans… Et voici en résumé les conséquences institutionnelles et budgétaires de cette 6e réforme de l’Etat qui sera appliquée dès le 1er janvier 2015 :

 

- Les moyens budgétaires belges reviendront pour 55% aux Régions et aux Communautés, et pour les 45% restants au fédéral.

- La Flandre gèrera un budget plus important que le budget fédéral.

 

- Les Régions et Communautés hériteront de 20 milliards de compétences -allocations familiales, pans importants en matière de santé, d’emploi et de justice notamment-, et de 12 milliards d’autonomie fiscale.

 

- Les transferts aux Communautés des allocations familiales et de pans importants en matière de santé diminueront de 15% le budget fédéral de la sécurité sociale.

 

- Les Régions et Communautés seront « responsabilisées » et devront vivre majoritairement de leurs recettes propres, qui représenteront 61% des moyens pour la Région bruxelloise, 67% pour la Wallonie et 79% pour la Flandre.

 

- Les Régions et Communautés prendront en charge progressivement les cotisations relatives aux pensions de leurs fonctionnaires afin d’assumer dès 2017 la moitié de leur cout, et d’atteindre la prise en charge de l’intégralité de ce cout en 2028.

 

- Les Régions contribueront à la diminution de la dette publique pour commencer à hauteur de 2,5 milliards sur 3 ans à partir de 2015.

 

- La Wallonie et la Région bruxelloise continueront à bénéficier de transferts fédéraux pendant 10 ans, mais ces transferts ne seront ni indexés, ni adaptés à la croissance.

 

- Dès 2015, ces transferts seront réduits de 10% chaque année pour s’éteindre en 2034, soit 20 ans après l’entrée en vigueur de la loi spéciale de financement.

 

Il est aussi à rappeler que le diktat prioritaire auquel se sont d’emblée soumis les partis francophones avant même de pouvoir commencer la négociation sur les points de la 6e réforme de l’Etat énoncés ci-avant, c’était la scission de l’arrondissement électoral et judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde sans élargissement de la Région bruxelloise.

Cette scission avait en effet été votée majorité flamande contre minorité francophone en commission de la Chambre le 7 novembre 2007 et en séance plénière de la Chambre le 8 mai 2008, et ce sont les procédures répétitives en conflit d’intérêts qui ont bloqué le parcours législatif du texte jusqu’aux élections fédérales de juin 2010. L’élargissement de la Région bruxelloise était -et est toujours- un point « onbespreekbaar » pour les partis flamands, et les responsables politiques du PS, du MR, du CDH et d’ECOLO ont tout simplement laissé tomber leurs compatriotes francophones de la périphérie bruxelloise.

 

Aujourd’hui, face à la révolution ukrainienne et à l’entrée de troupes russes en Crimée, le Premier ministre Elio DI RUPO et le ministre des Affaires étrangères Didier REYNDERS en appellent au respect des droits des minorités et à leur protection en Russie et en Ukraine !... Ces deux ministres francophones ne semblent même pas gênés de faire de tels appels au respect des droits des minorités à l’étranger, alors, qu’avec leurs collègues du CDH et d’ECOLO, ils ont accepté la scission de l’arrondissement électoral et judiciaire de BHV sans même oser mettre sur la table :

 

- ni l’organisation d’un référendum d’autodétermination régionale dans les six communes à facilités de la périphérie bruxelloise,

 

- ni la nomination des bourgmestres francophones élus aux élections communales d’octobre 2012 à Crainhem, Linkebeek et Wezembeek-Oppem,

- ni la ratification de la convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales signée par la Belgique en 2001.

 

Mais faut-il s’en étonner ?... Les partis francophones s’accrochent à la Belgique et à la monarchie comme à des bouées de sauvetage, et, comme l’a dit l’ancien Premier ministre Théo LEFEVRE -CVP, l’ancêtre du CD&V- dans les années soixante :

On entre dans les Francophones comme dans du beurre !...

 

Il importe de réaliser que le Mouvement flamand vise l’indépendance de la Flandre et l’annexion de la Région bruxelloise, et que ces objectifs imprègnent tous les partis flamands, traditionnels ou non. Depuis des décennies, l’histoire démontre les avancées continuelles du Mouvement flamand et les reculades continuelles des Francophones. Quelques points pour rappel :

 

- suppression du recensement linguistique,

- fixation de la frontière linguistique sans consultation des populations concernées et abandon des Fourons à la Flandre,

- en Région bruxelloise, non-respect du suffrage universel et attribution de privilèges de représentation à la minorité néerlandophone aux niveaux du gouvernement, du parlement et des communes,

- abandon aux Régions de la tutelle fédérale sur les communes à facilités, etc.

 

Si aujourd’hui, les partis flamands affirment vouloir conserver une Belgique, c’est d’une Belgique à la sauce flamande qu’il s’agit, c’est-à-dire une Belgique « confédérale », coquille vide au service de la Flandre et lui permettant :

 

de continuer à flamandiser ce qu’il resterait du pouvoir « confédéral »,

de continuer à pouvoir utiliser la marque « Bruxelles », celle-ci étant connue internationalement en raison de la présence des institutions de l’UE en Région bruxelloise,

et de continuer, tranquillement et légalement, leur « colonisation » institutionnelle, culturelle et économique de la Région bruxelloise.

 

 

Pour les partis flamands, la Région bruxelloise n’est pas -et ne sera jamais- une Région à part entière, et ils réclament sa cogestion par la Flandre et la Wallonie. Un moyen temporaire et stratégique car, forts des moyens plus importants de la Flandre par rapport à ceux de la Wallonie, et de la scission de BHV qui permet de resserrer le carcan flamand autour de la Région bruxelloise, les partis flamands comptent bien que la Wallonie préoccupée par son propre sort se désintéressera progressivement du sort de la Région bruxelloise.


Nezia Mahieu

     
 

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