Edito: le procès Cools

Banc Public n° 125 , Décembre 2003 , Catherine VAN NYPELSEER



Le procès des présumés assassins d'André Cools devant une Cour d'Assises montre une fois de plus la haute qualité de cette institution, la seule dans notre pays qui fasse intervenir un jury populaire.

Tout le monde n'est cependant pas à la hauteur: nous avons trouvé honteux que les médias télévisés se permettent de diffuser des images de l'ex-procureure générale à la Cour de cassation Eliane Liekendael venue témoigner alors que sa volonté de ne pas apparaître était exprimée sans aucune ambiguité, non seulement par le fait qu'elle cachait son visage à l'aide de son sac à main ou d'un pan de son manteau, mais encore par ses paroles dans la séquence diffusée! Les gras machos qui tiennent les caméras et dirigent les journaux télévisés se sont encore distingués: cette pensionnée n'avait pas choisi une carrière médiatique, et si elle peut paraitre surannée, cela ne nous donne pas le droit de quasiment la contraindre à venir témoigner voilée.
Une autre triste affaire que l'on apprend à cette occasion, c'est que le suicide d'Alain Van der Biest aurait pu être évité si son entourage avait été capable de lui expliquer qu'il devait à l'évidence "être envoyé au banc des accusés" de ce procès, même si des personnes le connaissant le jugeaient innocent. Compte tenu de ses liens avec les autres accusés, dont le rôle est avéré, aucun citoyen ni aucun magistrat n'aurait admis qu'il soit dispensé du procès; et quelles auraient été ses chances de survie morale dans notre pays si la procureure générale de Liège - PS comme lui - avait réussi à lui épargner cette épreuve, la seule possibilité qu'il avait de laver son honneur, de s'expliquer et de convaincre? En ce sens, il a été victime de la partisanation de l'appareil judiciaire: sa connaissance privilégiée des mécanismes de désignation des magistrats lui a vraisemblablement ôté toute confiance dans la possibilité d'une évaluation objective de ses faits et gestes. Voilà le sort de ceux qui acceptent une place dans ce système pourri sans avoir la force que peuvent conférer la bêtise, l'hypocrisie ou la prétention...
Humanisme
L'ouverture du JT de RTL sur l'évasion des deux jeunes filles belgo-iraniennes kidnappées et séquestrées par leur père au mépris de la volonté de toutes les intéressées et d'une décision de la justice belge était extrêmement émouvante. C'est avec une vive satisfaction que l'on a appris à cette occasion la réaction parfaitement adéquate de notre ministre des affaires étrangères, Louis Michel, qui a immédiatement ordonné à l'ambassadeur belge d'accueillir ces enfants, et a même envisagé de se rendre en Iran toutes affaires cessantes si sa présence pouvait avoir un effet positif. Ainsi la figure de proue du MR marque-t-elle sans le vouloir un bon point dans la campagne électorale en se laissant simplement guider par son bon sens et ses émotions.
Une telle réaction, inimaginable pendant les années CVP - aurait-on pris le risque de compromettre notre approvisionnement en pistaches, en pétrole ou en tapis? Avant que les médias ne soient au courant, l'ambassadeur aurait discrètement fait fermer les portes de l'ambassade au nez des jeunes victimes, pour ensuite nier les faits, prétendre à une erreur administrative ou la faute d'un subordonné - pourrait nous faire beaucoup pardonner à cette coalition.
Cruelle désillusion en ouvrant notre courrier électoral, lorsqu'une lettre à entête du MR nous convie à un débat sur l'école en présence du ministre de l'enseignement secondaire Pierre Hazette: nous devrions nous sentir concernés parce que "plusieurs établissements scolaires sont implantés dans votre quartier et, parfois, la cohabitation est difficile: racket, problèmes de discipline, incivilités, etc". Toutes proportions gardées, ce courrier nous rappelle les années Nols en ce qu'il vise à susciter une réaction de rejet pour un groupe stigmatisé, ici les jeunes, jadis les immigrés.
Mais revenons sur la capacité de notre ministre des affaires étrangères de se laisser guider par ses émotions (sans craindre l'imprécision juridique: les initiés savent qu'une ambassade à l'étranger n'est pas un territoire belge - mais du fait qu'elle est en principe inviolable, le résultat est le même). Ces dernières reviennent de loin puisqu'un certain rationalisme, dont la version extrême produit des êtres humains inhumains, a tenté de nous éduquer à les réprimer et les combattre.
Comme exemple récent on peut signaler ce magistrat du parquet de Liège qui a trouvé malin d'envoyer des policiers en civil en voiture banalisée arracher une fillette de cinq ans des bras de sa maman devant son domicile (pendant que son beau-père, croyant évidemment à un enlèvement privé, appelait la police), prenant de plus parti de façon discutable dans un contentieux intrafamilial international - la maman avait suspendu le droit de visite du père américain suite à des accusations claires de pédophilie de sa petite fille - pour éviter que la maman "ne fasse des histoires". Logique. Nous espérons (pour lui) que le parquet trouvera rapidement une autre affectation à ce fin juriste.
Ce cas que nous pourrions qualifier de névrosé rationnel - un "dingue", en langage courant - n'est pas isolé. Costume-cravate gris assorti à ses cheveux à la coupe militaire, respirant l'autosatisfaction de celui qui se sent parfaitement intégré dans la société, il a de nombreux émules ou copies conformes dans le système économico-administratif. Comme ces employés de compagnie d'assurance qui osent envoyer à une piétonne s'étant fait renverser et broyer la jambe par un automobiliste pressé (doublant un autre qui s'était arrêté pour la laisser traverser et attraper son tram) à l'hôpital le lendemain de l'accident, une lettre de menaces l'enjoignant à l'indemniser pour le blouch dans sa carrosserie!
Allaitement maternel
La structure sociale toujours dominée par les hommes a produit un autre exemple amusant - sauf pour les femmes et enfants qui en sont les victimes - de fou rationnel (un pervers plutôt qu'un névrosé), relayé comme un seul homme par Le Soir du samedi 29 novembre dernier. Ce Marseillais, chef de service de pédopsychiatrie dans un hopital universitaire français, n'a rien trouvé de mieux pour promouvoir son bouquin à 17 euros que les affirmations péremptoires suivantes:
- "la femme qui vient d'avoir un enfant devrait reprendre ses activités au bout de trois mois ",
- "prolonger l'allaitement au-delà de sept mois est un véritable abus sexuel ", parce que:
- "le sein ne se partage pas " et elle doit "redevenir l'amoureuse de l'homme qui lui a fait un bébé ".
Si ce brol repose en partie sur un enseignement important de la psychanalyse, à savoir que beaucoup de psychoses (maladies mentales bien plus graves que les communes névroses) ont pour origine un intérêt trop exclusif de la maman pour son enfant, qui l'empêche inconsciemment de se vivre comme distinct d'elle et donc de se développer normalement, la conception sous-jacente en est sutout une négation pathologique des différences entre les hommes et les femmes qui conduit certains mâles, envieux de la capacité féminine de porter et d'allaiter les bébés, à dissuader plus ou moins hypocritement les mamans de la charge d'allaiter leurs enfants, alors que l'on ne cesse de découvrir de nouveaux bienfaits - développement du système immunitaire, limitation des problèmes d'allergie, adaptation parfaite à l'évolution de l'enfant - à ce mode naturel de nourrissage des petits humains (qui n'est pas du tout incompatible avec un travail normal vu la technologie bon marché des tire-lait et des surgélateurs).
Quant à la scandaleuse qualification d' "abus sexuel" à un allaitement pousuivi au delà de sept mois, il serait peut être bon de rappeler à ce pseudo-scientifique que la nature a donné des seins aux femmes pour la fonction d'allaiter leurs enfants et non pour servir de jouets sexuels à leurs maris. Tant mieux pour eux si certains en tirent un plaisir sexuel, mais s'ils en revendiquent la jouissance exclusive au détriment de leurs enfants, il s'agit d'une envie pathologique qui n'est que l'indice d'une personnalité névrosée. N'a-t-on pas jadis établi un lien entre l'obsession des Américains pour les grosses poitrines genre Mae West et leur frustration due au succès précoce dans ce pays de la promotion de l'allaitement artificiel, bien plus lucratif pour les fabriquants de lait en poudre et autres chauffe-biberons?
Espace et temps
Revenons pour conclure ce dernier Banc Public de l'année à un sujet moins sensible et qui concerne vraisemblablement la plupart de nos lecteurs: les files.
Il n'y a pas si longtemps (avant 1989) on nous bassinait les oreilles avec la dure vie des habitants des "pays de l'Est" contraints de vivre dans un système économique honni, et qui souffraient notamment de devoir faire la file pour se procurer ce qui était nécessaire à leur survie.
Maintenant, grâce au triomphe du capitalisme et à la "rationalisation" de l'économie, nous perdons notre temps à faire la file pour le moindre achat au supermarché, ou à la banque lorsque le distributeur de billets est en panne. Le résultat en est une forte pression sociale parfois implicite, parfois physique à coups de charriots dans les talons, des troupeaux de moutons qui attendent derrière vous. Les caissières sont surchargées tandis que des chômeurs font la file pour aller pointer...
Si l'on prend le temps nécessaire pour emballer ses achats - et donc accomplir gratuitement un travail que les petits commerçants s'empressent de faire pour vous -, le moindre incident (un article dont le scanner ignore le prix, qui déclenche la procédure archaïque d'appel d'un préposé chargé de découvrir le rayon où vous l'avez pris, puis de retraverser avec plus ou moins de diligence tout le supermarché, par exemple) risque de déclencher contre vous la fureur des malheureux qui attendent derrière, tout heureux de pouvoir décharger la tension accumulée pendant le temps qu'ils ont perdu, sans le désagrément d'une dispute avec la caissière.
La rage qui s'est emparée d'une ménagère néerlandophone dans un supermarché ou l'on avait déjà perdu beaucoup de temps à chercher les produits dans un labyrinthe de rayons déplacés pour cause de travaux, peuplé de ménagères énervées rechignant parfois à faire marche arrière dans un passage rétréci entre deux présentoirs-frigos fut plus amusante (si toutefois vous parvenez à percevoir la situation avec la distanciation scientifique d'un sociologue ou d'un ethnologue).
Observant qu'ayant décidé de consommer gratuitement des gazettes en papier glacé pour occuper ma captivité temporaire en ce lieu, je ne me trouvais pas physiquement dans la file - une brave dame poussait gentiment mon panier- elle shoota soudain dans ce résultat de mes patientes recherches, ma future pitance bien méritée, qu'elle envoya valser à plusieurs mètres!
A ma question irritée, elle répondit que je devais rester dans la file, comme tout le monde. Puis sembla s'excuser en avouant que "on devient fou". Elle n'avait sans doute pas eu le temps de lire le dernier numéro du bimestriel promotionnel de cette chaîne de supermarchés, dans lequel un traducteur stressé vantait le slogan "tout aussi belge" que le lion accolé à son enseigne, "symbole de cette Belgique entrepreneuriale" : Union fait force...


Catherine VAN NYPELSEER

     
 

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