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DU DEVOIR DE RESERVE
Banc Public n° 61 , Juin 1997 , Catherine VAN NYPELSEER
On nous a bassiné fort longtemps avec le soi-disant devoir de réserve des fonctionnaires et des magistrats. Ce prétendu devoir est en fait un droit qui permet à des supérieurs hiérarchiques d'imposer le silence à leurs subordonnés, dans le but (au choix): - de poursuivre en paix leurs pratiques délictueuses - d'empêcher toute critique car il croient de bonne foi, ou feignent de croire, qu'elle nuirait à leur service ou à l'idée qu'ils se font de l'état - de cheminer en paix vers des promotions - de ne pas devoir vivre le stress d'une remise en question personnelle à quelques années de la pension
Depuis des décennies, ce droit a beaucoup servi. Récemment, les affaires et les commissions déenquête se sont multipliées au point d'en arriver ce qu'enfin des fonctionnaires corrompus au vu et au su de tous pendant des années soient l'objet de poursuites judiciaires. Il a fallu vraiment que, poussés par une longue impunité, les intéressés en arrivent abandonner toute prudence! Et que l'on ne s'y trompe pas, seule une toute petite partie de l'iceberg fait l'objet actuellement de dossiers judiciaires et/ou de dénonciations par les médias. C'est qu'en outre les sanctions réglementaires classiques, qui sont relativement peu appliquées vu les garanties statutaires des droits de la défense, les petits groupes mafieux1 et/ou imbéciles qui s'arrogent le contrôle d'un service public disposent de tout un arsenal répressif contre lequel il est très difficile de lutter: - retrait du dossier au fonctionnaire censé le gérer - privation des moyens matériels d'exercer sa mission (pas de bureau correct, ou de téléphone, par exemple) - exfiltration vers un autre service (motivé par exemple par un vague besoin en personnel exprimé de longue date par le service destinataire, tout étonné que l'on satisfasse enfin sa demande) - etc. Les rares courageux, téméraires, ou natifs qui se sont essayés de l'intérieur à la lutte contre certaines pratiques l'ont souvent payé cher (carrière, santé...), sans obtenir, en général, de résultats; si ce n'est celui de voir valoriser la couardise des autres, et conforter les dirigeants qui abusent de leur pouvoir... Le devoir de réserve, au lieu de favoriser la confiance du public dans les institutions, a contribué à les détruire. Il est temps, si ce n'est pas trop tard, que ceux qui jouissent de la stabilité d'emploi qu'offre le statut cessent d'accepter en silence les erreurs manifestes de gestion, l'incompétence grossière, les abus de toute sorte.
Catherine VAN NYPELSEER |
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Biblio, sources...
(1) impliquant des fonctionnaires, des relais partisans, ainsi que certaines firmes privées lorsqu'il s'agit de marchés publics.
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