Ce n’est pas pour rien que le féminisme (en dehors des milieux révolutionnaires) est d’abord né dans les milieux bourgeois dans la seconde moitié du XIXe siècle, par des femmes qui n’étaient pas (ou plus) dépendantes économiquement d’homme, père, frère ou mari… et qui donc, dans une certaine mesure, pouvaient se permettre de s’opposer à la société patriarcale.»
Dans les milieux populaires, c’est l’accès au travail salarié qui servira de prémisses à cette libération. Ce n’est qu’après ce début d’indépendance économique individuelle que vont surgir les revendications politiques collectives, et bien plus tard encore les changements législatifs. Et pour Didier Brissa, «au vu du nombre de discriminations encore existantes, il est certain que le combat est encore long avant de parvenir à une véritable égalité».
Pour Brissa, « mener de l’extérieur un combat contre les religions qui ne ferait que les renforcer de l’intérieur, serait un contresens et d’une inefficacité crasse. Et ceux qui le mènent avec sincérité tombent dans un piège tendu par ceux qui sont les tenants d’une guerre permanente entre les religions ou les civilisations.»
Pour en revenir à ce qui favorise l’émancipation, ou plutôt à ce qui y ferait obstacle, on peut dire que l’on doit donc favoriser autant que faire cela se peut l’accès aux études (1er facteur d’accès à l’emploi), puis à l’emploi des jeunes femmes (qu’elles soient ou pas ''jugées’' comme étant sous l’emprise d’une religion, car le patriarcat a bien d’autres visages que celui du croyant).
Donc, faire du port du voile le prétexte pour mettre en place des obstacles soit à l’accès aux études, soit à un emploi (qu’il soit public ou privé), c’est en réalité faire obstacle à la possibilité pour ces jeunes femmes d’accéder à l’indépendance économique qui leur permettra d’assumer librement le choix de leur mode de vie futur (qu’il soit avec ou sans le voile).
Brissa conclut sa réflexion par une comparaison audacieuse : «on peut observer aussi les autres législations de prohibition ayant existé par le passé et dans d’autres domaines (alcool, drogue, avortement, mariage, prostitution, etc.): elles ont toutes échoué à remplir les missions qu’officiellement elles poursuivaient, mais en plus elles ont favorisé le développement souterrain d’organisations clandestines qui ont asservi, voire criminalisé, par des méthodes encore plus pénibles, les populations qu’elles entendaient protéger. Observer les effets réels de ces législations devraient faire réfléchir tout observateur…»