Par cet ouvrage, les deux auteurs et journalistes -Jean-Pierre MARTIN a été envoyé spécial de RTL/TVI au Proche-Orient et en Afrique centrale, Laurence D´HONDT est notamment la réalisatrice du documentaire Les Justes turcs, un long silence, consacré à ceux qui sont venus en aide aux Arméniens victimes de génocide (disponible sur AUVIO/RTBF)- lancent un cri d´alarme : l´islamisme est de plus en plus présent dans nos écoles, non seulement à Bruxelles, mais aussi en Wallonie (Liège, Eupen, Verviers, Charleroi). Ils alternent des témoignages d´enseignants et des chapitres qui éclairent les divers aspects du phénomène.
L´intrusion du religieux ne se limite pas au code vestimentaire des filles : port du voile et de l´abaya, robe ample à manches longues qui couvre le corps du cou aux chevilles; elle se manifeste également par des réactions hystériques d´écoliers devant un condisciple qui mange une tartine au jambon ou par le refus de visiter une église, de peur d´aller en enfer (!), le refus des sorties et voyages scolaires ou des cours de natation (sous le couvert de certificats médicaux de complaisance), la négation de l´extermination des juifs d´Europe, des acquis scientifiques sur l´origine de l´univers ou sur l´évolution des espèces, le rejet de principe des exposés sur la reproduction humaine au cours de biologie ou de l´éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS, quoi que l´on pense par ailleurs du contenu du manuel cautionné par la Communauté française), voire la contestation de l´autorité de l´enseignante parce qu´elle est une femme...
Amal, un esprit libre (1)
Les auteurs consacrent le deuxième chapitre à la réception du film Amal de Jawad RHALIB, qui décrit une enseignante de français laïque d´origine marocaine dans un lycée bruxellois, qui est en butte à l´hostilité de quelques élèves musulmans manipulés par un professeur de religion intégriste. Ils en soulignent la pertinence et ont constaté que beaucoup de professeurs se reconnaissent dans la situation du personnage magistralement interprété par Loubna AZABAL.
Ils rapportent la critique ignoble de Libération, organe prétendument de gauche d´une certaine intelligentsia parisienne : " un portrait caricatural et hypocrite de l´islamisme homophobe. On le sait à l´usage, à l´usure, que plus d´un film qui veut nous faire des leçons de morale sur la violence jouit, à couvert et follement, de celle qu´il dechaine, qu´il prétend représenter pour mieux la dénoncer", et les réserves du Monde, mais aussi les éloges du Figaro et de L´Humanité, la frilosité des distributeurs français, mais aussi l´accueil chaleureux du public. La ville de Bruxelles a accordé une subvention au film pour permettre à plusieurs centaines d´élèves de le voir, ce qui ne manque pas de courage. Sam TOUZANI, comédien et metteur en scène, laïque de culture musulmane, témoigne des chahuts, insultes, agressions que suscitent ses spectacles, ainsi que du fait que des chefs d´établissement renoncent à y emmener leurs élèves.
Les Frères musulmans
Le troisième chapitre porte sur cette mystérieuse confrérie, ce qui laisse sceptique Gérald PAPY (Le Vif, 17 octobre 2024) : " les passages sur les Frères musulmans détonent car leur influence directe ne ressort pas des témoignages". Et pour cause, l´entrisme des FM ne s´exerce pas à visage découvert! En 2021et 2022, la Sureté de l´État avait pourtant attiré l´attention sur leur présence en Belgique à travers des organisations de couverture, un mouvement de jeunesse et de nombreuses ASBL, voire la création d´écoles confessionnelles. Elle concluait : "Les FM constituent une menace haute et prioritaire en matière d´extrémisme, dès lors que leur stratégie à court terme pourrait créer un climat de polarisation et de ségrégation au sein de la société belge, et constituer un vecteur de radicalisation. Quant à leur stratégie à long terme, visant à islamiser la société, elle est contraire à l´ordre démocratique et à l´État de droit". Cette analyse a été cautionnée par le Comité permanent de contrôle des services de renseignement (Comité R) et le ministre de la Justice.
Le Collectif contre l´islamophobie en Belgique/Collectif pour l´intégration et contre l´islamophobie en B. (CCIB/CIIB) est considéré comme d´obédience frériste, le concept d´islamophobie étant lui-même contestable, dans la mesure où il ne vise pas tant la haine contre les musulmans, qui est répréhensible, que la critique de la religion, qui est légitime au regard de la liberté d´expression, ou l´interdiction du port de signes convictionnels ostensibles dans la fonction publique et l´enseignement, qui est conforme au principe de neutralité du service public.
Précisons qu´en France l´orga-nisation homologue (CCIF) est interdite, tandis qu´en Belgique elle était subsidiée grâce aux ministres ECOLO par l´État fédéral et la Communauté française!
À cet égard, les auteurs mentionnent comme faisant partie de la galaxie frériste un élu de Verviers, "sans devoir citer son nom", mais qui est facilement identifiable par la liste de ses mandats (2022) sur le site de CUMULEO. Il s´agit de Hajib EL HAJJAJI (ECOLO), conseiller provincial, conseiller communal et chef de groupe, membre des conseils d´administration de l´intercommunale ENODIA (ex-PUBLIFIN), de MYRIA (Centre fédéral belge de la migration), d´UNIA (Centre interfédéral pour l´égalité des chances et la lutte contre le racisme et les discriminations) d´ESSALEM ASBL (club sportif) et... du CCIB/CIIB. Aujourd'hui, il est un des sept députés ECOLO du Parlement de la Communauté française (en tant que suppléant d´un député germanophone du Parlement wallon) et un de ses deux sénateurs.
Nous mentionnerons également : Ihsane HAOUACH, dont les liens avec les FM ont été établis par la Sureté de l´État, éphémère commissaire du gouvernement auprès de l´Institut pour l´égalité entre les femmes et les hommes (IEFH), nommée fin mai 2021 par la secrétaire d´État Sarah SCHLITZ et démissionnaire le 9 juillet 2021 après un entretien provocateur avec Le Soir, où elle juge "discriminatoire" l´interdiction du voile dans la fonction publique et ajoute "la question n´est pas : est-ce qu´on remet en question la séparation de l´Église et de l´État, c´est comment la décline-t-on avec un changement démographique"; Fatima ZIBOUH, membre en 2010 du Centre pour l´égalité des chances et la lutte contre le racisme (CECLR, prédécesseur d´UNIA) et nommée codirectrice, en janvier 2023, de "Brussels 2030" (sic), chargée de promouvoir la candidature de Bruxelles (Molenbeek) comme une des capitales européennes de la culture en 2030 (3), mais aussi fondatrice en 2013, avec Mahinur OZDEMIR (CDh), première députée bruxelloise voilée puis ambassadrice de la Turquie d´ERDOGAN à Alger, d´"Empowering Belgian Muslims" (EmBeM, aujourd'hui dissoute), considérée comme proche des FM; Farida TAHAR, ancienne sénatrice, toujours députée régionale bruxelloise et chef de groupe à l´assemblée de la COCOF, et vice-présidente du CCIB (2014).
Trois femmes qui ont en commun d´être jeunes, voilées, diplômées... et "écologistes", bien que l´écologie ne paraisse pas être leur préoccupation principale.
Une situation qui s´aggrave?
Alors que Karin HEREMANS, directrice de l´athénée royal d´Anvers qui y a interdit le port des signes convictionnels en 2009 et coordinatrice contre la radicalisation dans le réseau d´enseignement public flamand, constate l´accroissement du nombre d´incidents liés au fondamentalisme islamique -"on reçoit trois ou quatre signalements par jour alors qu´en 2018, on en recevait trois ou quatre par an"-, le cabinet de l´ex-ministre francophone Caroline DÉSIR (PS) déclare ne pas avoir relevé d´augmentation semblable du radicalisme dans les écoles (La libre Belgique, 18 novembre 2023).
K. HEREMANS a également pris l´initiative d´un manuel européen (Euroguide, 2024) à l´usage des enseignants en collaboration avec d´autres pays et les services de la Commission, mais quel n´est pas son désappointement de constater que la version disponible en Communauté française diffère grandement de la version flamande : elle ne traite que marginalement de l´islamisme et conseille de ne pas trop défendre le principe de la liberté d'expression, qui peut diviser (chap. XI). Politique de l´autruche?
Trois études récentes ont pourtant de quoi inquiéter (chap. IV) : du Centre d´action laïque (CAL) sur la difficulté d´aborder certains sujets en classe (mai 2021), de Joël TOURNEMENNE et Joël KOTEK (ULB) sur l´antisémitisme dans les écoles bruxelloises (Fondation Jean Jaurès, 2020) et un mémoire sur la situation des enfants d´athées et de chrétiens dans les écoles bruxelloises à majorité musulmane, rédigé par une jeune enseignante sous la direction de l´historienne Anne MORELLI (ULB, 2018).
Les établissements qui concentrent les enfants de familles à indice socio-économique bas et issus de l´immigration deviennent d´autant plus des écoles-ghettos que les brimades et les reproches infligés aux rares élèves de milieux juif, chrétien ou athée, à quoi s´ajoutent le manque de discipline et un niveau insuffisant, conduisent les parents à déplacer leur progéniture. Dans une situation de quasi-marché scolaire livré à la concurrence (ne voit-on pas des athénées acheter des pages entières de publicité dans les toutes-boites?), le rêve d´une école publique pour tous qui réalise la mixité sociale et contribue à élever les plus faibles parait bien lointain et le décret sur les inscriptions dans l´enseignement s´avère, sous cet angle, un échec total.
En guise de conclusion
À relever également, les chapitres VII et IX, consacrés au voile et aux différences entre les concepts de neutralité et de laïcité, avec une présentation du manifeste des Universalistes (4).
Quant au chapitre VIII, il relate l´affaire de la Haute école Francisco Ferrer de la ville de Bruxelles, qui est particulièrement exemplaire : cet établissement interdit le port de signes convictionnels sur la base de son projet pédagogique (5) et, fort logiquement, parce qu´il forme de futures enseignantes qui devront respecter la neutralité dans l´exercice de leurs fonctions. Deux étudiantes, soutenues par UNIA, portent plainte devant le tribunal de première instance et obtiennent gain de cause le 24 novembre 2021. La ville de Bruxelles, sous la pression d´ECOLO, ne fait pas appel et ce sont donc des membres du personnel qui introduisent un recours en tierce opposition toujours pendant, le tribunal ayant posé trois questions préjudicielles byzantines à la Cour constitutionnelle le 18 novembre 2022.
C´est la troisième fois que l´autorité politique renonce, ce qui est exceptionnel en soi, à faire appel dans un litige de cette nature : du jugement du tribunal du travail condamnant l´Office régional bruxellois de l´emploi (ORBEm/ACTIRIS) en 2015 (6) à l´instigation du PS, de l´ordonnance du tribunal du travail du 3 mai 2021 contre la STIB (7) à l´instigation du PS et d´ECOLO, enfin du jugement précité du 24 novembre 2021, à l´instigation d´ECOLO contre le PS.
Or, la position des tribunaux francophones de Bruxelles est préoccupante, puisque les juridictions suprêmes -Conseil d’État, Cour constitutionnelle, Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) et Cour de justice de l´Union européenne- ont toutes, et depuis longtemps pour la CEDH, jugé que l´interdiction du port de signes convictionnels dans les services publics était légitime.
On ne peut que s´interroger sur le rôle joué par UNIA, institution fédérale inutile et politisée qui utilise l´argent du contribuable pour alimenter des combats douteux contre les autorités publiques, ainsi que sur la dérive d´une certaine gauche en perte de repèresn qui détourne le regard de ce qui dégrade tant les conditions de travail et l’autorité des professeurs que la qualité de l’enseignement.