Ces trente dernières années, les détenteurs de capitaux ont réussi à constituer des réseaux mondiaux et à faire croire aux politiciens locaux qu’il était important d’attirer des capitaux étrangers. Depuis quelque quinze ans, les capitaux circulent sans entraves à travers le monde entier. Ce qu’un politicien local présente comme un «butin» (une implantation), représente une perte pour un autre politicien à l’étranger. Aujourd’hui, cela se fait très vite et très facilement: grâce à l’ordinateur, la dîme (les intérêts) est débitée automatiquement d’un compte bancaire. Les baillis armés chargés de récolter les impôts on fait place aux ordinateurs situés sur une quelconque île offshore.
Ceux qui ne veulent pas s’appauvrir doivent courir après le capital qui fuit de plus en plus vite vers des sites de production de plus en plus avantageux. Seuls ceux qui vivent du produit de leurs capitaux ne sont pas contraints de changer constamment de lieu de résidence.
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Selon Elie Arié, la libre circulation des capitaux au sein de l'Union européenne, depuis son instauration en 1986, a conduit à la multiplication des délocalisations industrielles. Mais les conséquences ne s'arrêtent pas là : les processus se sont accompagnés d’une fiscalité minorée des hauts revenus et des revenus du capital et pour les stock-options (Dominique Strauss-Kahn en France, 1998). S’y sont ajoutées l’interdiction de toute défense nationale contre les OPA (directive Bolkestein), la poursuite des privatisations etc.
Avec l'Acte unique européen (ou traité de Luxembourg), Thatcher a fait admettre en 1986 à l'Europe la liberté totale de circulation des capitaux non seulement entre États de l’Union européenne, mais avec tous les autres pays de la planète. Il restait alors un dernier petit verrou: l'obligation de procéder préalablement à une harmonisation fiscale: c’est Helmut Kohl qui réussit à imposer sa suppression en 1989 - ce qui poussa son ministre des Finances, Gerhard Stoltenberg, qui estimait, qu'à terme, ce serait la fin de l'industrie européenne, à démissionner.
C'est la Commission européenne de Bruxelles qui a reçu pour mission de veiller à cette libre circulation des capitaux, et la Cour de justice européenne a décrété que le droit communautaire européen primait sur les droits nationaux de chaque pays. Dès lors, plus rien ne pouvait plus empêcher les délocalisations industrielles en masse, ni les hedge funds basés dans des paradis fiscaux de sévir en toute liberté, ni la titrisation des créances pourries américaines d’envahir les avoirs des banques européennes et d’y exporter leur crise.
Reprendre le terrain concédé à la corporation financière s’avère désormais une gageure: maintenant que ces dispositions sont intégrées dans le traité de Lisbonne, il faut désormais l'accord à l'unanimité des 27 États-membres…
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