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Modèle allemand?
Banc Public n° 205 , Décembre 2011 , Frank FURET
Le "modèle allemand " est-il un leurre? Pour Sylvain Broyer, un économiste de la banque Natixis, "l'Allemagne est moins exemplaire que l'image d'elle-même qu'elle véhicule actuellement". Il estime que "le déficit allemand est honteusement tronqué !". Par la magie d'un mécanisme légal mais "peu éthique" selon le journal Le Monde: après la crise de 2008, l'Allemagne n'a pas comptabilisé dans son déficit public des dizaines de milliards d'euros d'aides ou de garanties à l'économie et aux banques. Ces sommes ont certes été comptabilisées dans le poids de la dette allemande qui a atteint 83,2% du PIB en 2010, mais ont été regroupées dans un fonds spécial, "Sondervermögen", sans être comptées dans le déficit public. Ce qui permet à l'Allemagne d'afficher des chiffres flatteurs. Mais faux, selon Le Monde qui reprend les chiffres de Natixis ; sans cette astuce le déficit allemand en 2009 n'aurait pas été de 3,2% mais de 5,1%" du PIB. En 2010, l'Allemagne avait une dette de 83,2% du PIB contre, par exemple, 81,7 % pour la France.
Le taux de chômage en Allemagne est officiellement de 6%, mais il a été dégonflé grâce à la réforme social-démocrate qui a rayé des comptes 1,5 million de sans-emplois, ce qui correspond à la baisse du chômage affichée depuis 2002. En septembre dernier, le journal Die Welt a aussi révélé que 200.000 chômeurs âgés avaient été radiés. Le ministère allemand du travail a reconnu que 57% des chômeurs seniors n'étaient plus comptés. Autre artifice: la généralisation du chômage partiel, invisible dans les statistiques. Ainsi, en 2010, selon Eurostat, il concernait 26,2 % des salariés allemands.
La contraction des salaires et la précarité de l'emploi sont la poudre de perlimpinpin qui distingue l'Allemagne des autres pays depuis 10 ans: 20 % des salariés sont des travailleurs pauvres. 5 millions de travailleurs doivent se contenter de mini-jobs à 400 euros par mois, sans protection sociale. Faute de SMIC, 2 millions de salariés gagnent moins de 6 euros par heure. En 10 ans l'intérim a augmenté de 130% et les contrats à durée déterminée (CDD) de 22%. Résultat de cette politique de compression salariale, selon l'OCDE: une baisse record de la part du travail dans le PIB allemand, de 76 % à 67 % en sept ans.
La croissance allemande, basée sur les exportations ne semble, de plus, ne pas être un modèle généralisable: 65 % des exportations allemandes sont destinées à la demande des autres pays européens; si ceux-ci imitaient le "modèle allemand" en contractant leurs achats, l'export "Made in Germany" s'écroulerait.
Frank FURET |
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Biblio, sources...
"Et si l'Allemagne n'était pas si exemplaire... ", Claire Gatinois et Frédéric Lemaître, Le Monde, 20 novembre 2011
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