Depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts qui, en 1539, a fait du français la langue de l’administration et de la justice jusqu’à l’inscription en 1992 dans notre Constitution de la disposition selon laquelle « la langue de la République est le français », notre pays s’est construit dans un rapport étroit à la langue française.
Nous disposons aujourd’hui d’un cadre législatif et règlementaire qui crée les conditions d’exercice d’un droit au français dont nos concitoyens tirent parti dans leur vie quotidienne. Ce droit participe de notre démocratie dans la mesure où il garantit un égal accès à l’information et au savoir. Parce qu’il est dépositaire de notre pacte social, l’Etat a une responsabilité particulière dans la promotion et l’application de ce droit.
Ainsi, je crois utile de rappeler un certain nombre de principes républicains touchant à la fonction première de l’usage du français par l’administration, qui est de contribuer à la cohésion de notre pays autour d’une langue partagée.
Par ailleurs, j’entends placer la langue française au c½ur de la politique de modernisation de l’Etat, en développant et valorisant ses ressources et en lui donnant les meilleurs chances de prospérer dans l’univers numérique.
De l’héritage que nous a légué l’histoire, il importe que nous fassions un outil d’ouverture au monde. On ne saurait défendre ou promouvoir le français hors de nos frontières sans en favoriser l’usage dans notre pays lui-même, à commencer par l’ensemble des représentants de l’Etat.
1. Le cadre législatif et règlementaire en faveur du français engage l’ensemble du gouvernement
Je vous invite à veiller au respect des textes qui encadrent l’emploi de notre langue dans la société car, quel que soit le domaine d’activité concerné (consommation, éducation, entreprise, sciences, culture, audiovisuel), c’est notre tissu social qui est fragilisé si ces textes ne sont pas strictement observés.
Un rapport du gouvernement dresse chaque année pour le Parlement un bilan de la situation de la langue française. (…)
Ce document a vocation à éclairer les orientations ou les mesures que chacune et chacun d’entre vous peut être amené à prendre dans les différents domaines où la place de notre langue est en jeu. Je vous engage à le nourrir de données précises et circonstanciées afin d’assurer la bonne information des parlementaires, attentifs à l’action du gouvernement en faveur du français.
2. Organiser la dimension linguistique de l’action publique contribue à sa modernisation
Notre langue est à même d’exprimer toutes les réalités contemporaines et de désigner les innovations qui ne cessent de voir le jour dans les sciences et les techniques.
En privilégiant systématiquement son emploi dans les différents outils de communication dont elles disposent (site internet, signalétique, nom de marque ou de service, campagne publicitaire…), vos administrations contribuent à l’épanouissement de la relation de confiance entre la langue et le citoyen.
Un vocabulaire français clair et précis permet en outre de prévenir des contentieux ou de lever des ambigüités dans les échanges ou les négociations. Son emploi dans des secteurs où notre savoir-faire et notre expertise sont reconnus (environnement, défense, automobile, aéronautique…) permet aussi de conforter nos intérêts économiques et stratégiques.
L’ensemble des termes retenus dans le cadre du dispositif interministériel d’enrichissement de la langue française sont réunis dans la base de données FranceTerme, riche de plus de 6.000 mots. Je vous rappelle que ce vocabulaire spécialisé s’impose à vos administrations et aux établissements placés sous leur tutelle. Il doit aussi être à la disposition de tous nos concitoyens soucieux de l’usage et de l’évolution de notre langue.
A cet égard, les hauts fonctionnaires de terminologie et de néologie sont chargés, au sein des ministères dont ils relèvent, de veiller à la diffusion de ce vocabulaire de référence. Ils jouent aussi un rôle de conseil auprès des services sur toute question ayant trait à l’emploi du français. (…)
3. Quelques principes simples doivent régir l’emploi du français en situation de communication internationale
Qu’ils représentent officiellement notre pays au sein d’une organisation multilatérale, qu’ils interviennent en tant qu’experts dans un groupe de travail international ou qu’ils soient impliqués dans une relation de travail avec un partenaire étranger, les agents de l’Etat sont de plus en plus souvent amenés à s’exprimer dans un cadre international.
Il importe que, dans ces différentes situations, ils utilisent de façon systématique le français dès lors qu’une interprétation dans notre langue est disponible. Et lorsque le statut de notre langue le permet, il leur faut exiger cette interprétation, afin d’avoir l’assurance d’être compris.
Si tel n’est pas le cas, ils pourront, selon leur compétence, choisir de s’exprimer dans la langue maternelle de leur interlocuteur, dans un souci de valorisation de la diversité linguistique.
Il ne sera fait usage d’une langue tierce qu’en ultime recours. Car si cette solution peut satisfaire des besoins usuels de communication, elle s’avère souvent insuffisante pour des échanges approfondis qui nécessitent que nos points de vue soient parfaitement exprimés et compris de nos interlocuteurs.
Dans certains cas, même si nos partenaires étrangers ne se sentent pas suffisamment à l’aise pour s’exprimer en français, ils ont néanmoins une connaissance passive de notre langue. Et de la même manière, nos représentants peuvent être en mesure de comprendre une ou plusieurs langues de communication internationale, sans pour autant être capables de s’exprimer avec facilité dans lesdites langues. Cette situation peut inciter à proposer un mode de communication qui établit une plus grande égalité dans l’échange : chacun dès lors qu’il comprend la langue de son partenaire, peut s’exprimer dans la sienne.
4. L’interprétation et la traduction favorisent la circulation des idées et des savoirs
Dans toutes les réunions ou conférences internationales organisées en France à l’initiative d’un service de l’Etat ou d’un de ses établissements, je vous demande de veiller à la mise en place d’une interprétation, car celle-ci garantit la pertinence et la profondeur des échanges.
Nos administrations ont grand intérêt à recourir à la traduction, qui sert doublement notre pays. Elle contribue à la promotion dans le monde de nos savoirs, de notre expertise et de notre culture et, inversement, elle facilité le travail de veille et d’observation dans des domaines stratégiques (technologies, sécurité, défense…). Si la traduction automatique ou assistée par ordinateur peut satisfaire des besoins de traduction pressants ou massifs, je vous rappelle que seul le recours à des traducteurs professionnels permet de restituer avec précision la portée normative ou l’imprégnation culturelle d’un texte. (…)
On ne peut qu’approuver cette circulaire, qui n’est certes pas la première, mais sans être dupe, car il y a parfois loin des déclarations aux actes, comme l’a montré la loi FIORASO, qui élargit la possibilité de dispenser des cours en anglais dans les universités françaises ; par ailleurs, la position du français dans les institutions de l’Union européenne se dégrade, faute d’être toujours défendue avec la fermeté nécessaire.
Ceci dit, la défense de notre langue est une responsabilité partagée, et il nous faut balayer également devant notre porte. La Communauté française s’est dotée d’instruments : le décret du 16 juillet 1978 sur la défense de la langue française (décret SPAAK) et la Charte de la langue française du 21 juin 1989, laquelle prescrit « une défense vigilante du français dans les institutions européennes et mondiales » et proclame que « les universités, les institutions scientifiques et les chercheurs doivent rester fidèles au français ». Ces textes ne concernent directement que la Wallonie et les institutions bruxelloises qui doivent être considérées comme relevant exclusivement de la Communauté française. Sont-ils suffisamment connus et appliqués ?
Quant à la Région bruxelloise, certains, notamment la STIB, s’ingénient à y imposer l’anglais comme troisième langue officielle. Enfin, l’Etat fédéral ne donne pas toujours la primauté aux langues nationales et certains de ses représentants emploient l’anglais plutôt que le français dans les enceintes internationales et dans les contrats informatiques.
A tous les niveaux, les dénominations et les slogans en anglais (parfois de contrebande) pullulent, pour paraitre branché ou s’épargner la fatigue du bilinguisme.
Aussi les directives du Premier ministre français sont-elles pour nous aussi un rappel bienvenu de principes nécessaires et l’exhortation à une vigilance de tous les instants.