DE L’IDEOLOGIE… QUEL BUT?

Banc Public n° 224 , Decembre 2013 , Kerim Maamer



L’idéologie est une conception du monde, projetée dans le futur pour définir un idéal de société à atteindre. La fonction est de philosophie politique pour dessiner une représentation à laquelle aspire une Nation. Elle unit la communauté autour d’un projet duquel un peuple se sent engagé. Le concept d’idéologie nationale devrait être indiqué autant clairement qu’une Constitution d’Etat. Pourtant, il n’existe pas d’idéologie belge, tout au mieux un préambule de Constitution qui définit quelques aspirations désuètes. Or, une collectivité ne peut pas naviguer sans vision future du monde. La responsabilité est de droit pour les générations futures.

 

La planète est de moins en moins d’ordre physiologique de la nature, pour un ordre de plus en plus organisationnel de l’homme. Ce ne sont plus les lois de la physique qui font la nature mais les réflexions de l’esprit l’humain qui imposent leur organisation sur la nature. Devrions-nous faire confiance au génie de l’Homme dans son organisation économique et occupation de l’espace? Ne brimerait-on pas les vies, et les éléments de vie (eau – terre – air) ?

 

OBJECTIFS DE L’IDEOLOGIE

Un faux procès a été fait à l’idéologie comme se elle était le produit d’utopistes, doux rêveurs, idéalistes non pragmatiques, loin de l’action… Le grand Karl Marx lui-même en a laissé un sens péjoratif. L’idéologie serait une construction intellectuelle au service de l’exploitation et de la domination de classe. L’Histoire politique ultérieure confirma les abus de régimes autoritaires. Ceux-là se sont imposés de « sanglantes violences » au nom de l’idéologie, qui suscite alors les vives inquiétudes de manipulation ou d’un « pavement de l’enfer avec de bonnes intentions ».

Si les idéologues ne sont pas des hommes de l’action… ils sont dans la réflexion et la responsabilité collective d’un pragmatisme pour le devenir. Si leurs projets paraissent irréalisables… c’est qu’il est difficile de concilier le génie de la pensée avec la réalisation de l’œuvre politique laquelle transcende les générations ! Si l’idéologie est sujette à critique… elle est dénigrée par ceux-là même qui ont contribué à l’identifier comme notion fondamentale de l’analyse politique ! Si le sens est critique de la connaissance marxiste, il ne doit pas faire oublier la définition établie pour l’analyse politique. Si l’idéologie a opprimé les peuples… la mémoire ne pourrait être sélective des celles qui ont libéré ou contribué à la prospérité! Si l’idéologie est l’illusion d’une projection future… elle définit un projet qui prévient des dangers du devenir. Si les idéologues ne seraient pas pragmatiques… c’est certainement injuste puisqu’ils interrogent sur le futur, sans se référer au passéisme et proposent une organisation du « faire » dans le devenir.

L’idéologie est probablement le sens profond de la religion, qui a défini un idéal, soumis d’obligation, de légitimation de pouvoir, d’apocalypse et de jugement dernier. Cette projection de l’homme fit la force de l’idéologie religieuse. Cependant, nous sommes parvenus à cet état de Dieu, qui est un état des hommes, où tout est sous contrôle humain, à l’exception de la mort qui nous attend tous. Les autres idéologies furent plus précises et moins éternelles. Elles ont évolué avec des intérêts pour une éthique morale, une vie sociale, une société pacifique, un bien être économique, une activité industrielle, des aptitudes technologique, un environnement écologique. Ces objectifs expriment le témoignage d’une époque, permettant d’entendre la rationalité et le bon sens contemporain. Faut-il élever au ciel les âmes citoyennes - satisfaire les besoins vitaux - apporter un bonheur de vivre - conquérir des espaces de vie – apporter le bien-être matériel – défendre la liberté individuelle – redonner des droits à la nature… Les objectifs ont évolué depuis l’originel péché d’Adam, jusqu’à la nécessité d’avoir un air frais et une connexion internet. Le long processus des transformations socioéconomiques et des expériences politiques a modifié les objectifs de projets. Or, depuis la fin du 2Oième siècle, les transformations se sont accélérées d’une vitesse nouvelle, avec des menaces certainement graves et flagrantes. La planète est menacée dans ses organes vitaux. L’enjeu est celui de l’extinction de vies sur la planète !

 

L’INSTRUCTION DU CAPITALISME
 

Dans nos pays, il n’est pas bien vu de critiquer le capitalisme, au risque d’être crédité d’une opinion politicienne. Pourtant, ce n’est pas le cas. Il faudra critiquer le capitalisme parce qu’il n’est pas une idéologie mais un système de production économique dont la finalité produit du papier appelé « fric ». Cette entreprise à l’échelon mondial et son rythme financier tiennent une responsabilité principale. Le capitalisme a permis de grandioses inventions/innovations mais il n’a plus d’intérêt, sinon de détruire la disparité de nos vies. Les modèles de l’économie capitaliste ont conduit à des progrès et à des misères … dans tous les cas, à des ruines écologiques ou budgétaires. Il faudra considérer « la fin du capitalisme » parce qu’il fait mourir de souffrances silencieuses et il risque de nous faire tous mourir définitivement. Il vaut donc mieux anticiper pour organiser de nouvelles solutions, sans parti pris politique. L’hypothèse d’étude parait difficile mais elle permettrait de considérer d’autres valeurs sociétales. Qu’elles seraient les conditions de vie dans un monde sans capitalisme ? Comment vivre sans le monopole de l’argent ? L’anthropologie peut-elle inspirer des formes d’organisations humaines ? Comment satisfaire nos besoins futurs : se déplacer en voiture sans le pétrole de Sibérie - prendre un bain chaud sans le gaz d’Algérie ? La matière est très large. Chaque philosophie porte une réflexion de chaque question. Et il faudra s’y mettre !

 

VERITE THEORIQUE : S = O


L’économie ne définit pas de vérité « exacte »… alors, justifions de mathématique pour établir une vérité décisive. Posons le rapport de l’activité humaine (S) avec les ressources de la planète (O) : « (S) ne peut poursuivre sa croissance que si elle est inférieure ou égale à (O)  et qu’elle tourne entièrement». Vous avez compris : le rond est la planète ; la spirale, notre activité humaine.   Une croissance de spirale ne peut se contenir qu’à la condition d’un cycle régulier dans son cercle. Si (S) ne tourne pas sur elle-même, la spirale ne peut pas se contenir dans le rond (O)». A l’image d’un travail de plombier qui débouche une canalisation avec un ressort qui doit tourner « rondement sur lui-même ». Le plombier est obligé d’adapter des cycles réguliers, au risque de bloquer la canalisation.

Cette loi cyclique est déterminante de la vie sur terre, fondamentalement vraie pour l’eau, les saisons, la regénération des espèces, l’organisation de la vie. Le penseur Ibn Khaldoun entendait même cette considération cyclique dans l’évolution des civilisations, avec croissance, apogée, déclin, renaissance. Cette logique de « donner pour recevoir » est applicable aux échanges économiques, à nos comportements sociaux et éducatifs. Elle doit être aussi applicable aux activités humaines. L’exploitation des ressources doit être vue en considération avec leur recyclage. Dame Nature n’est jamais payée pour ses ressources alors qu’elle supporte un capital d’exception de vie dans la galaxie!

On ne peut indéfiniment transformer des produits de nature en produits matériels, sans rendre de vie à la nature, ni même la payer ! La menace générale est certainement grave. La spirale du capitalisme mène nécessairement à un désastre planétaire. En cause aussi, le rythme financier, basées sur la consommation et le salariat. On ne pourrait continuer à exploiter totalement des ressources, pour consommer partiellement des produits, qui finissent dans les poubelles quotidiennes et (même) punir leur récupération! Ni bruler les bois/plastiques et autres matériaux tandis que les industries redemandent encore les éléments de nature ! Que très peu d’activités économiques s’organisent pour récupérer les déchets... Notre intelligence devrait prendre au sérieux ces questions, par une réorganisation du travail, pour des intérêts à long terme de protection des ressources de notre planète au dépend d’une considération de la dette publique, et à court terme pour la préservation des ressources, au lieu de considérer les dépenses budgétaires. Au final, les économies d’échelles, le bien être, la qualité de vie seront là.

 

L’IDEOLOGIE NATIONALE


Le principe d’intérêt collectif doit être défini… celui d’une idéologie globale, transgénérationnelle, faiblement préoccupée par les besoins immédiats, au-delà des rivalités politiciennes. Une réflexion « essentialiste » qui ne peut pas être portée par le champ électoraliste. Il y a une différence entre le projet de société et la course électorale pour gérer ce projet. Les durées de bail sont différentes et anachroniques.

Les principaux partis politiques ont imprégné l’identité du Royaume de Belgique de leurs idéologies pour un égalitarisme citoyen, une redistribution des richesses, un droit de Libertés et de propriété, une défense de l a langue, un enracinement conservateur ou une neutralité des institutions… Ils ont imprégné la société belge de leurs idéaux mais ne peuvent pas traiter de cette question de l’idéologie nationale. Ils sont engagés dans les élections pour gagner un pouvoir de gestion publique, suivant un programme défini. Ils ne portent pas un projet sur la finalité d’une société dans 20 ou 50 ans, tout au mieux le soutenir. Leurs idées seraient de suite critiquées et remises en question par le mandat politique. Ils ne portent pas de projet de futur d’une Nation, à l’exception d’opportuniste de mauvais air, qui se nourrissent de repli identitaire, factice et idéalisé, de radinerie et de dénonciations volontairement mise en échos.

Un essentialisme est posé… au risque de voir des hommes y substituer des identités mystifiées et sacralisées, de valeurs sociétales et d’ambitions personnelles, de livres religieux et des sermons philosophiques, au dépend d’une « idéologie belge » inscrite nulle part. Tout comme « la religion est morte, vive la religion », Il nous faudrait une religion nouvelle, de conscience collective pour que la nature ait des droits et des moyens pour nous faire vivre, pour nous éloigner la mort civilisationnelle et que les êtres du futur puissent encore dire « il y a 2000 ans » !

 

CONTINUITE DU FUTUR


Ces réflexions devraient être portées par une structure de continuité de l’Etat, constituée d’équipes de scientifiques concernés par le devenir d’une Nation, en dehors des partis pris politiques. De quelle Belgique et de quel monde voudrait-on pour avenir ? De quelles conditions de richesses et de production ? De quel environnement et qualité de vie ? Le titre de Royaume des belges pourrait convenir pour définir sous le règne du Roi Philippe, le projet de société d’une Belgique dans 50 ans où il faudra envisager une vision futuriste d’un monde de mosaïques barricadées, sans forêts et sans glaces, de qualité de vie détériorée autant pour l’air et la mer, de ressources épuisées et d’eau à filtrer, de nature dépeuplée et de villes surpeuplées, sans argent et sans capitalisme, de populations nourries de bétail et de produits pharmaceutiques... Il ne s’agît pas de nous faire peur puisque nous serons tous enterrés, mais de nous préoccuper du monde que nous allons laisser à nos descendants. Nous sommes certainement coupables. Il y a urgence.


Kerim Maamer

     
 

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