LA RESPONSABILITE MEDICALE

Banc Public n° 101 , Juin 2001 , Dominique WERY



«Oh, je soutiens un combat contre quatre médecins? S’il en vient un cinquième, je suis mort»
(Le Curé d’Ars, 1843, une maladie l’ayant mis en péril)

Notre propos n’est pas d’être exhaustif en la matière mais simplement de donner quelques informations aux personnes qui seraient victimes d’erreurs médicales et qui ne sauraient pas à qui s’adresser ou comment procéder pour obtenir une juste réparation.

Au fil du temps, la responsabilité médicale s’est progressivement développée, au point parfois que dans certains pays comme aux Etats-Unis, certains praticiens de l’art de guérir ne trouvent plus facilement de compagnie d’assurances qui accepte de les couvrir pour leurs fautes professionnelles éventuelles.


Qu’en est-il en Belgique?

On considère généralement que les obligations du médecin quant à la santé de son patient sont des obligations de moyen et non de résultat, parce qu’il ne semble pas possible de garantir la santé du patient vu la complexité du corps humain; ceci ne s’applique qu’aux domaines où il subsiste un aléa, ce qui n’est pas le cas en ce qui concerne la qualité du matériel standard éprouvé comme du matériel chirurgical, une prothèse (par exemple une fausse dent ou un pacemaker), ou une table d’opérations. Quand il s’agit d’une obligation de moyen, en cas de sinistre, ce sont toujours le patient ou ses ayant-droits qui devront prouver la faute du praticien, le dommage subi et le lien de causalité entre les deux.

Actuellement, en ce qui concerne le matériel médical, on considère qu’il s’agit d’une obligation de résultat, ou à tout le moins de sécurité.


De quels moyens d’action dispose une personne qui se sent lésée par rapport aux soins qu’elle a reçus ?

- Le code pénal en ses articles 418 et suivants punit les blessures et l’homicide involontaires.
- Le code civil en ses articles 1382 et suivants stipule que la personne qui a causé un dommage à autrui doit le réparer.
- Existe aussi, la responsabilité contractuelle du médecin ou de l’institution qui l’emploie.
- Ceci suppose un contrat entre les parties ce qui est exclu en cas d’urgence notamment.
C’est le juge du fond qui en définitive apprécie souverainement les faits dont il déduit l’existence d’une faute contractuelle ou quasi-délictuelle. (1)(2)
De plus en plus, on reconnaît au patient le droit de consulter son dossier médical et aussi d’en obtenir copie en cas de

litige. Il doit s’agir de toutes les pièces du dossier exception faite des notes personnelles du médecin. (3)

Le dossier médical est la propriété du patient et non du médecin. (4) Et la personne doit être informée avant une opération notamment de tous les risques encourus et si possible donner un accord écrit attestant de la connaissance des risques.


Quelle voie choisir pour la victime d’une erreur médicale?

En pratique, vu la complexité de la matière, ce sera difficile de se passer des services d’un avocat pour intenter une action. Il existe au Palais de justice un service «avocat pro déo», pour les personnes qui seraient dans l’impossibilité financièrement de faire face aux frais d’honoraires d’un avocat.
Les frais d’expertise sont souvent très lourds à avancer pour les victimes d’autant plus que dans la plupart des cas, une procédure judiciaire met des années avant d’aboutir. Pour cet ensemble de raisons, il fallait trouver une solution plus rapide et moins onéreuse pour la victime. C’est ce que prévoit le projet de loi du Ministre de l’Economie Charles Picqué intitulé
«la réparation des accidents thérapeutiques» annoncé dans un conférence de presse du 31 mai dernier.


Que prévoit ce projet?

Un mécanisme basé uniquement sur le dommage et non sur la faute.
Pour qu’il y ait accident thérapeutique au sens du texte, trois conditions doivent être remplies :
- Une atteinte à l’intégrité physique du patient.
- Pendant et par une prestation de soins.
- Ayant pour conséquence un dommage anormal, c-à -d un dommage qui soit aurait pu être évité compte tenu de l’état du patient et des données de la médecine, soit était inévitable, mais sans commune mesure avec ce qui était probable.
Cela va de l’instrument oublié dans le ventre d’un patient au mauvais dosage de produit en passant par les erreurs de diagnostic et les infections en milieu hospitalier.

La victime doit simplement prouver son dommage mais plus une faute.
L’indemnisation des accidents thérapeutiques sera confiée à un fonds financé par l’Etat fédéral. Son conseil d’administration sera composé de représentants des milieux intéressés: médecins et autres praticiens, hôpitaux, associations de patients, etc.

La procédure durera 6 mois maximum. Les experts seront à charge du fonds. La victime ne devra pas faire appel obligatoirement à un avocat.

Un recours contre les décision du fonds a été prévu devant le tribunal du travail (en raison des compétences de cette juridiction en matière de lésions corporelles dans le cadre des accidents du travail).

Le système que le projet de loi instaurera sera supplétif: le passage par le fonds ne sera pas obligatoire. Mais si la victime choisit la procédure de droit commun, elle ne pourra plus agir devant le fonds. Si elle accepte la proposition d’indemnisation du fonds, elle ne pourra plus retourner devant le tribunal exception faite des procédures pénales et disciplinaires parce que la procédure devant le Fonds sera de nature civile.

Comme le fonds sera financé principalement par l’Etat fédéral, les indemnisations du fonds viendront compléter les prestations de sécurité sociale et non s’y substituer.
Pour des raisons budgétaires, il faut signaler que les indemnisations seront limitées quant à leur montants.

D’autre part, le projet de loi évoqué rend l’assurance responsabilité du médecin obligatoire - ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle, et sera utile si la victime choisit la procédure judiciaire.
La mission de prévention du fonds sera importante: il aura une vue globale de tous les incidents. Il devra faire un rapport de ses activités. Les statistiques et le rapport seront à la disposition de tout intéressé (il faudra suivre les débats parlementaires pour savoir si toute personne pourra avoir accès au rapport et ce que comprendra ce rapport).

La loi sera sans doute effective en Belgique en 2003.


Et qu’en est-il dans les autres pays d’Europe ?

En Italie, l’indemnisation des incidents thérapeutiques est toujours réglée par les tribunaux de droit commun.
En Allemagne et en Suisse, il existe des instances de médiation.
Au Danemark et en Suède, les notions de responsabilité médicale et d’indemnisation sont déjà séparées (5).

Pour terminer, signalons, à Bruxelles, l’existence d’une association qui aide les personnes victimes d’erreurs médicales gratuitement. (6)


Dominique WERY

     
 

Biblio, sources...

(1) La responsabilité quasi-délictuelle s’établit en dehors de tout rapport contractuel entre la victime et l’auteur de la faute (médecin, institution hospitalière, personnel para-médical, fournisseur de médicaments ou de matériel médical...), par exemple dans le cas d’un accidenté de la route transporté en ambulance dans un hôpital qu’il n’a pas choisi, et qui est soigné par le médecin urgentiste de garde.

(2) Cassation 1ère Ch., 26 octobre 1990 in revue de jurisprudence belge 4ème T. 1992 p. 497.

(3) Cour d’appel de Bruxelles, 20 juillet 1989: cet arrêt détermine clairement les pièces qui doivent être transmises au patient: les documents relatifs aux actes techniques, les protocoles d’intervention, les actes médicaux posés.

(4) Civ., Bruxelles, 7 mars 1998, J.T1988 p. 458.

(5) Le quotidien Vers l’Avenir, 1er juin 2001 p. 3

(6) Erreurs médicales ASBL, 51- 53 rue Rempart des moines 1000 Bruxelles tel: 02/ 514 31 91.

info@erreurs-medicales.be

 
     

     
 
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