Cette mesure d’interdiction sans disposition transitoire est abusive et peu efficace.
Sur le plan social, elle va contraindre des milliers de propriétaires, soit à racheter un nouveau véhicule, soit à s’en passer définitivement. Dans les deux cas, ce sont les personnes les plus précaires qui devront payer l’addition, les autres pourront se payer un nouveau véhicule ou à tout le moins un véhicule à la norme EURO 6b ou EURO 6d, respectivement autorisées jusqu’en 2028 ou 2030 !
Sur le plan écologique, le gain reste marginal, voire négatif, puisque les véhicules condamnés se retrouveront dans d’autres régions (en Wallonie ?) ou dans d’autres pays. Ainsi, les véhicules japonais Diesel EURO5 sont exportés facilement en Afrique et déjà achetés à leur arrivée, voire lors de leur trajet !
Par ailleurs, le remplacement forcé des véhicules en état de marche et souvent bien entretenus (sans compter ceux qui ne roulent pas beaucoup) aura pour effet direct d’augmenter la production de véhicules neufs qui est elle-même très polluante. Il n'est donc pas certain que la balance écologique soit positive; on peut même craindre qu’elle soit négative en fonction de la production de nouveaux véhicules.
Enfin, remarquons que l’industrie automobile s’est engagée depuis une quinzaine d’années dans la production de véhicules de plus en plus puissants et de plus en plus lourds, soi-disant plus propres… mais consommant autant d’énergie, voire plus que des véhicules plus anciens, plus légers… et un peu moins propres. Mais comme chacun sait, ces véhicules de deux tonnes polluent moins…mais rapportent beaucoup plus aux industriels. Sur ce point, on n’entend guère les responsables politiques qui, il faut le constater, ne donnent pas le bon exemple.
L’éradication brutale de dizaines de milliers de véhicules est donc tout à fait abusive, tant sur le plan social et économique que sur le plan écologique.
Il eût donc fallu prévoir des mesures transitoires permettant aux propriétaires actuels de ces véhicules de les utiliser dans la zone de basse émission où ils étaient domiciliés. C’était vraiment la mesure minimale et le code bruxellois du climat du 2 mai 2013 le prévoyait en ces termes :
CHAPITRE 8. — Zones de basses émissions
Article 3.2.16
§ 1er
. Pour les zones de basses émissions qu’il détermine, le Gouvernement peut, sur la base d’une étude de faisabilité, en concertation avec les communes, encourager, restreindre ou interdire l’exercice de certaines activités en matière de transport et de mobilité, de façon permanente, temporaire ou récurrente afin d’améliorer la qualité de l’air.
Le Gouvernement peut notamment prendre des mesures spécifiques applicables aux véhicules circulant dans une zone de basses émissions, sur la base de critères relatifs à la motorisation, à la destination ou à la période, et octroyer des subsides aux communes pour la mise en œuvre de zones de basses émissions.
§ 2. Le droit d’accès des véhicules aux zones de basses émissions est notamment lié aux émissions de polluants atmosphériques du véhicule.
Le Gouvernement définit les exceptions à la restriction du droit d’accès en zone de basses émissions, en fonction de la nature, du type ou de l’utilisation faite du véhicule à moteur concerné et du moment de la journée.
§ 3. Le Gouvernement tient également compte de critères socio-économiques et de la situation particulière des usagers, notamment des personnes résidant à l’intérieur des zones de basses émissions.
Le nombre de véhicules EURO 5 se serait réduit automatiquement au fil des années et serait devenu marginal aux environ de 2030 !
Le point juridique
La mesure contestée est fondée sur l’article du code du climat modifié en 2017 et dont la disposition protectrice a été supprimée et sur l’arrêté du gouvernement bruxellois du 25 janvier2018 relatif à la création d'une zone de basses émissions :
Art. 5 . § 1er. Sans préjudice du paragraphe 2, compte tenu des émissions de polluants atmosphériques du véhicule concerné, l'accès à la zone de basses émissions est uniquement autorisé pour : (…)
3° à partir du 1er janvier 2025, en fonction de leur catégorie, carburant et norme euro, les véhicules tels que mentionnés dans le tableau suivant selon l'échéancier déterminé par le même tableau :
soit les véhicules diesel euro 5.
On peut évidemment se demander si l’arrêté de 2018-qui ne prévoit pas de mesure transitoire pour les résidents- est bien proportionné au but recherché et n’est pas entaché d’excès de pouvoir, d’autant que le code du climat de 2013 prévoyait une mesure de sauvegarde pour les habitants de la zone de basse émission qui ne devraient pas être mis sur le même pied que tout autre utilisateur de véhicule concerné par le code et son arrêté, dans la mesure où leur situation n’est pas égale à celle des personnes non résidentes de la zone.
L’arrêté prévoit toutefois une mesure transitoire générale qui permet d’exempter les véhicules jusqu’à la constatation de la première infraction, mais cette mesure n’est pas suffisante pour les résidents.