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LES PÈRES ÉLIMINÉS

Banc Public n° 234 , Janvier 2015 , Catherine VAN NYPELSEER



Au départ de son expérience personnelle, enrichie de celle des membres de l'association qu'il a créée, Kérim Maamer, que nos lecteurs connaissent bien pour ses nombreux articles publiés dans Banc Public, dresse un constat sur la souffrance des pères séparés de leurs enfants à la suite de la rupture de leur couple et l'intervention toxique de la justice belge dans ces séparations.


 

Pour lui, il est incompréhensible que les différentes parties et les intervenants judiciaires ne cherchent pas à protéger le lien entre les pères et leurs enfants, essentiel au développement affectif de ceux-ci.

 

Au contraire, le père apparaît comme la victime d'une entreprise d'élimination qui va jusqu'à le priver de ses moyens de subsistance, puisque les dispositions protégeant une partie des revenus pour garantir un minimum de moyens d'existence ne sont pas d'application dans les cas de pension alimentaire dues pour leurs enfants.

 

L'ouvrage se présente comme une succession de textes sélectionnés, articles, communiqués de presse et courriels reprenant des échanges entre des pères en difficulté qui partagent leurs expériences, se soutiennent et débattent sur les modes d'action à privilégier.

 

Intervention de la Justice

 

Dès le début de la séparation du couple des parents, l'intervention de la Justice est ressentie par ces pères comme intempestive. L'application de l'article 223 du code civil en début de procédure est notamment stigmatisée.

 

En effet, il permet à un seul des parents de saisir unilatéralement le juge et d'obtenir qu'il prenne des mesures comme par exemple l'exclusion d'un parent du foyer conjugal, "sans avoir à démontrer la faute, et produire quelconque constat de violence, ou d'abus ! " (p. 138). En pratique, il devient très difficile de rétablir l'entente dans un couple après que cette procédure a été enclenchée.

 

Une autre catégorie de problèmes provient du fait que notre législation permet d'ordonner la saisie de l'ensemble des revenus du parent débiteur d'une pension alimentaire, sans la protection d'un minimum de moyens de subsistance pour lui, comme c'est le cas dans tous les autres cas de figure, dans l'intérêt de l'enfant.

Il est poignant, du point de vue de ces pères que l'on tente d'exclure de la vie de leurs enfants à la suite d’une mésentente avec leur épouse ou compagne, que l'on puisse également les priver de tout moyen de subsistance, ce qui peut être ressenti comme une intention de la société de les faire littéralement disparaître.

 

Suicides

 

Le père évincé de la vie de ses enfants est fragilisé par la souffrance de ne plus pouvoir être présent pour eux. Certains en sont tellement déstabilisés qu'ils peuvent en arriver à se suicider, comme un Français, Stéphane Lafargue, qui a mis fin à ses jours en 2006, après une grève de la faim.

 

Voici un extrait de son dernier courriel, du vendredi 1er décembre 2006:

 

"Pardonnez-moi de vous abandonner, mais ce n'est vraiment plus supportable pour moi de devenir un père sans enfant.

 

Aucune issue ne se dégage. Je voudrais que [mon fils] ne grandisse pas au milieu d'un champ de bataille perpétuel et vu les conditions, je ne vois pas d'autre solution que de disparaître.

 

Si la société avait vraiment voulu que [mon fils] ait un père, elle n'aurait pas laissé la "justice" le détruire psychologiquement." (p. 30).

 

Une étude canadienne a relevé "la mortalité brutale et le suicide élevé dans la catégorie des pères en rupture avec leurs enfants et leur famille". Son auteur, Jeny Houle, observe également que, comparativement aux femmes, "les hommes prennent peu l'initiative de consulter des spécialistes (psychiatres, thérapeutes, psychologues)"(p. 27). Elle préconise, pour prévenir le suicide au masculin, que les autorités publiques soutiennent les associations, groupes ou clubs d'hommes.

 

Féminisme

 

A plusieurs reprises dans l'ouvrage, et notamment en réaction au suicide de ce père, le féminisme est incriminé comme une cause de la situation désespérée de ces pères.

 

Par exemple, dans sa réaction au suicide de M. Lafargue, il assène: "Aujourd'hui, je vais vous le dire, féministes militantes, je vous emmerde... On vous emmerde. Vous n'êtes que des tueuses d'hommes. Tueuses dans les vies familiales, tueuses dans la tête des enfants, tueuses dans votre légitime défense [...]" (p. 33).

 

Je ne conçois pas personnellement en quoi il pourrait être féministe de priver des enfants de leur relation avec leur père. Des manœuvres visant à l'éviction de l'autre parent et à l'appropriation des enfants sont à mon estime un comportement pathologique sans aucun rapport avec le féminisme, qui vise à la valorisation des femmes et à leur égalité - dans la différence - avec les hommes. Le féminisme ne vise pas à la domination des femmes sur les hommes, ni à l'exclusion des hommes de la vie de leurs enfants !

 

Violences conjugales : une arnaque statistique

 

Pour Kérim Maamer, les chiffres des statistiques de violence conjugale sont fortement surévalués. Amnesty International a mené une campagne dont le slogan était "une femme sur cinq vit avec un criminel" (soit 20%), alors que, selon des enquêtes françaises, le taux de violence conjugale se situerait aux alentours de 2% (p. 366).

 

Par rapport à la problématique de l'éviction des pères, ces statistiques exagérées créent un climat qui permet d'obtenir plus facilement gain de cause en justice en présentant des allégations de violences conjugales, de relations incestueuses, etc.

 

Violence psychique

 

Un chapitre est consacré à la violence psychique subie par les pères privés de leurs enfants, et aux réactions de violence physique criminelle que cela peut malheureusement entraîner

dans certains cas. Les exemples donnés visent à faire comprendre l'intensité de la souffrance et de la déstructuration du père privé de ses enfants, et non bien entendu à excuser ces violences.

 

Ainsi, une épidémie de prises d'otages d'enfants dans des crèches interpelle (pp 10-11):

 

- à Paris, en février 1989, un homme prend en otage les enfants d'une crèche. Il s'agit d'un ingénieur informaticien très gentil avec les enfants et courtois avec les puéricultrices, qui sera abattu par la police. Son ex-femme était partie avec les enfants ;

 

- même scénario à Luxembourg où le preneur d'otages aurait dit "vous me prenez mes enfants, je prends les vôtres". Cet homme a également été abattu par la police ;

 

- des événements identiques se seraient produits en Norvège et en Angleterre, où une douzaine d'enfants auraient été tués.

Pour Kérim Maamer, de tels drames surviennent dans un contexte de séparation et de privation: "A la suite d'un éclatement familial, le père s'est trouvé évincé de sa cellule familiale, privé de ses enfants, fragilisé dans sa tête, dans sa vie sociale et professionnelle. Qu'en conséquence, il subit violence, trahison, incompréhension, jugement, dommage, pression publique, crise financière, rupture sociale, injustice... et aucune structure n'est là pour l'aider" (p. 11).

 

Conclusion

 

La problématique soulevée par Kérim Maamer dans son livre nous paraît extrêmement intéressante et méconnue. Elle devrait mobiliser toute la société et pas seulement les pères concernés, car cette erreur sociale et judiciaire de priver des enfants de leur père nous fabrique des citoyens qui ne trouveront pas facilement leur équilibre.

 

Si on revalorisait la relation père-enfant, si l'on dissuadait les mères de la tentation de priver leurs enfants de leur père en leur faisant comprendre à quel point cette situation est dommageable pour les enfants, alors qu'elles-mêmes ont parfaitement le droit de se séparer de cet homme, la situation pourrait évoluer rapidement.

 

 

Catherine VAN NYPELSEER

     
 

Biblio, sources...

AU CÅ’UR DU MASCULIN

par Kérim Maamer

Les Editions Libres, 2013

395 pages - 33 euros

 
     

     
   
   


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