Relations dangereuses…
Au plan des relations personnelles, le virus a transformé chacun de nos congénères en danger potentiel, puisqu’un de ses aspects les plus vicieux est qu’il peut les rendre contaminants avant qu’ils ne se sentent malades.
Même nos animaux domestiques risquent, bien que dans une moindre mesure, d’être contaminés.
L’ensemble des êtres qui nous sont proches (à moins d’un mètre cinquante), dont les bisous, enlacements et poignées de mains nous transmettaient un soutien affectif et de la chaleur humaine, sont désormais tenus à distance sous peine de mort, puisque même des personnes jeunes en pleine santé sont décédées dans des souffrances abominables (par étouffement), et dans la solitude.
Certains survivants subissent des séquelles de longue durée, fatigue, essoufflement… tandis que d’autres traversent la maladie comme « une petite grippe », selon l’expression tristement célèbre de notre ministre fédérale de la santé, pourtant médecin.
Bref, comme il n’est pas possible de savoir à l’avance comment notre corps réagira à cet intrus, nous avons accepté de nous protéger… des autres.
Avancer masqués
Quelque temps après, sont apparus les masques.
Oubliant les virulentes polémiques sur le port d’un tissu sur la tête (le voile), nous avons été encouragés, puis contraints à nous couvrir tout le bas du visage.
Heureusement, la gentillesse et le savoir-faire de nombreux couturiers amateurs, souvent bénévoles, ont égayé et rendu plus supportable cet épisode en nous bariolant de jolis motifs colorés, offrant un confort inégalé par rapport aux masques techniques en papier qui n’étaient pas disponibles.
Mais l’influence sur les relations interpersonnelles a été énorme : toute une partie de nos expressions est devenue invisible à nos interlocuteurs, tandis que les personnes malentendantes éprouvaient des difficultés supplémentaires à discerner ce que nous essayions de leur dire.
La puissance de l’Etat
Une autre nouveauté que cette pandémie nous a fait ressentir, c’est la puissance de l’Etat :
les restrictions de déplacements, de visites à nos personnes âgées cloitrées dans leurs homes, l’interruption de l’enseignement, la fermeture forcée - en contradiction avec la liberté d’entreprendre - de nombreux commerces « non essentiels », les interdictions de rassemblements (matchs de foot, théâtre, cinéma, expositions…), y compris celle des manifestations - un des outils fondamentaux de la démocratie- ont été inédites dans des démocraties en paix.
Des personnes peu éduquées, ou manquant d’imagination, se sont parfois mobilisées contre les énormes limitations imposées à leurs vies parce qu’elles ne croyaient pas à la réalité de la pandémie et les ressentaient donc comme arbitraires.
Incroyables adaptations
A ce stade, il faut noter combien nos sociétés sont capables de s'adapter à une situation nouvelle, et en tirer des perspectives pour les changements futurs à apporter à nos vies : il est clair maintenant que l'on peut envisager des modes de fonctionnement profondément différents, à condition que les modifications soient comprises comme utiles à la protection des vies individuelles et de la vie sur la planète Terre en général.
Conflits de générations
Lorsque la maladie et ses statistiques ont été mieux connues, on s’est rendu compte que son degré de gravité augmentait avec l’âge de ceux qui en étaient atteints. L’étape suivante fut de considérer que l’on imposait des restrictions disproportionnées aux jeunes pour protéger leurs aînés, la qualité de vie des jeunes étant en quelque sorte « sacrifiée » pour permettre que les vieux et les malades vivent un peu plus longtemps.
Ce raisonnement a été contré par la valorisation des liens affectifs entre les individus appartenant à différentes générations, comme l’intelligent conseil d’éviter de fêter Noël avec les grands-parents sous peine de devoir les enterrer en janvier… et la visualisation de l’ensemble des habitants d’un pays comme une équipe, en Belgique de « 11 millions de personnes ».
Envahissement des médias
Un autre phénomène nous a marqués, c’est l’envahissement quasi-total de l’espace médiatique par l’actualité de la nouvelle maladie, ses statistiques morbides et les éventuelles défaillances politiques de sa gestion. A part les élections américaines – d’ailleurs fortement influencées par la gestion discutable de la pandémie par l’administration sortante-, peu d’autres sujets ont retenu l’attention des médias, focalisés jusqu’à l’obsession sur la nouvelle maladie.
Même le dégât collatéral des vies saccagées des commerçants forcés à l’inactivité n’a pas reçu toute l’attention qu’il méritait ; il est pourtant urgent de commencer à réfléchir aux moyens de sauver ceux qui peuvent encore l’être, sous peine de perdre tout un maillage de petits artisans comme par exemple les restaurateurs, qui seront alors remplacés désavantageusement par des chaines de nourriture standardisée aux capitaux solides.
L’Etat a imposé en vertu de l’intérêt général l’interdiction de toute une série d’activités jugées constituer un risque pour la santé publique, sans que les artisans en question n’aient commis la moindre faute. A lui de les protéger économiquement contre les conséquences financières et psychologiques souvent catastrophiques de ses décisions régaliennes.
Quelques notes positives
Les désormais fameux « gestes barrière » (distances, masques, lavage fréquent des mains) nous ont évité les habituelles épidémies hivernales de grippe et de gastro-entérite, ce dont on ne se plaindra pas.
Pour ceux qui l’apprécient, le passage du télétravail de 1 à 5 jours par semaine a été un élément positif. Pour d'autres, ce mode de fonctionnement a pu être vécu comme l'irruption de leur employeur (et collègues) dans leur vie privée, rendant plus difficile la séparation entre les deux univers. Les parents devant combiner leur travail avec la garde de leurs enfants confinés et privés d'école n'ont pas toujours apprécié la situation...
Certains facteurs défavorables au climat et à la vie sur Terre ont connu une baisse significative : voyages en avion, croisières en immeubles flottants, circulation routière…
Virtualisation
Toute une série de relations ont été transférées dans un univers virtuel : en privé, pensons aux apéritifs virtuels pris en commun à distance, chacun devant la caméra de son ordinateur en observant les autres convives – non masqués – sur l'écran à l'aide de logiciels comme Zoom ou Webex.
Cela a été le cas également pour la plupart des réunions professionnelles, qui se tiennent à présent via internet, à l'aide d'outils permettant le dialogue en visioconférence couplé avec le partage de documents affichés sur l'écran de tous les participants.
Adieux
Nous n'avons pas pu serrer nos proches dans nos bras lors des cérémonies de décès.
Les personnes décédant du coronavirus n'ont souvent pas pu être accompagnées dans leur agonie à cause du risque de contamination, une épreuve supplémentaire pour ceux qui les aimaient.
2021, l’année du vaccin
Espérons que ceux-ci fonctionneront à long terme car nous sommes seulement en train de les tester en grandeur nature, les industriels qui les ont mis au point n’ayant pas disposé du temps habituellement nécessaire, notamment pour déterminer la durée de l’immunité qu’ils peuvent procurer.
Nous sommes scandalisée du succès des thèses complotistes visant à décourager les autres de se faire vacciner; leur origine se trouve peut-être dans la manière dogmatique et autoritaire dont certains membres du corps médical ont traité jadis ceux qui se plaignaient d'effets secondaires indésirables, réels ou supposés, de certains vaccins.
Dans cette optique, la transparence prônée actuellement par les autorités médicales et politiques est évidemment la meilleure manière de désamorcer ces craintes parfois délirantes, comme l'allégation saugrenue que le vaccin servirait en fait à injecter à leur insu aux citoyens des puces électroniques destinées à les contrôler...
Nous pouvons donc souhaiter à nos lecteurs survivants une bonne année, une bonne santé, avec la meilleure immunité possible .